Il faut aller a la Puerta del Sol (Porte du Soleil) et aux autres Places de la SOLution, et il faut revenir, et rester, dans un flux et une présence permanents.
Les bouddhistes disent que la bonté (entendue comme solidarité, qui est l’unique manière rationnelle de la comprendre), est un égoïsme intelligent. Cela me paraît être une bonne définition. Rien à voir avec l’ « esprit de sacrifice » d’un christianisme adultère par une Église qui passe beaucoup de temps au service de pouvoirs principalement intéressés par l’abnégation... des autres. Égoïsme intelligent : comprendre que ton propre bien est inséparable de celui de tes semblables. Et œuvrer en conséquence.
L’agora utopique (dans le double sens qu’elle n’a pas de localisation physique, et donc qu’elle flotte dans le cyberespace ; et dans celui qu’elle pointe vers l’utopie) est arrivée à la Puerta del Sol et s’est transformée en un bastion, en une assemblée ; et elle a fait de même sur les autres places, ces places que les politiques essayent d’ensevelir sous des tonnes de ciment.
« Je ne suis pas anti-système, le système est anti-moi » (“Yo no soy antisistema, el sistema es antiyo”) affiche un des graffitis de la Puerta del Sol (Porte du Soleil), convertie en Place de la Solution. « Nous ne sommes pas anti-système, le système est anti-nous », affirme un autre. Du « moi » au « nous » : du simple au complexe. Dangereux pour les pouvoirs établis, qui ne savent pas quoi faire. Ils sont trop nombreux pour les étouffer, trop insoumis pour les reconduire ou les capitaliser (du je au nous, et du « nosotros » (« nous » au masculin) au « nosotras » (« nous » au féminin) : « la révolution sera féministe, ou ne sera pas », dit un autre tag).
Et, surtout, ils sont trop nombreux pour ne pas les écouter. Il faut aller à la Puerta del Sol – à la Place de la Solution – et aux autres places prises, récupérées. Il faut y aller pour soutenir et apprendre, pour faire des armes humaines et des témoins de conscience, des interlocuteurs et des courroies de transmission. Les douzaines d’avatars de l’agora utopique qui prolifèrent à travers tout l’État espagnol sont, en plus d’un bastion multiple et d’une assemblée permanente, une installation ubiquiste, une performance plurielle, une claque magistrale donnée aux supposés professeurs. Les mouvements les plus manipulés par le pouvoir et les moins bien compris par la gauche traditionnelle (à la fin, la contradiction en vaut la peine), le féminisme et l’écologisme, se manifestent avec force et avec toute leur insubordinable radicalité. Sans féminisme il n’y a pas de révolution, sans végétarisme, sans respect des animaux, non plus. Au moins cela, les jeunes commencent à le considérer comme clair.
La vieille lutte des classes et les nouvelles classes de lutte.
Il faut aller à la Puerta del Sol, et aux autres Places de la Solution, et il faut revenir, et il faut rester, dans un flux et une présence permanents, croissants, imparables. Et non par simple solidarité « altruiste », mais parce que va en eux la vie. Par pur égoïsme : égoïsme intelligent.
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