[...]Le déni du Covid en milieu militant s’est structuré autour d’un certain nombre de sophismes, ces sortes de raisonnements qui n’ont de logique que l’apparence. Deux d’entre eux ont pris une importance particulière.
Le premier de ces sophismes dit ceci : les mesures de prévention comme le confinement ont été nécessaires à cause de la destruction du système sanitaire par les politiques néolibérales. Si tant de lits de réanimation n’avaient pas été fermés par la rationalisation managériale, l’hôpital aurait encaissé le choc et nous aurions poursuivi une vie normale. Ce raisonnement conduit à penser que la pandémie n’est pas intrinsèquement grave, mais qu’elle l’est devenue parce qu’elle s’est abattue sur un système sanitaire ravagé. S’il est indéniable que la destruction du système de soin a amplifié considérablement la violence pandémique, et d’abord pour les personnes les plus précarisées, ce raisonnement repose sur des implicites inquiétants : le rejet du principe de précaution face à une maladie inconnue dans ses effets à moyen et long terme, une banalisation des prises en charges en réanimation qui pourtant conduisent à plus d’un tiers de décès, sont toujours traumatisantes et entraînent de nombreuses séquelles, et enfin l’invisibilisation des Covid longs qui touchent au moins 10 % des personnes infectées mêmes asymptomatiques et ont des conséquences gravement incapacitantes.[...]
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[...]Le second sophisme, peut-être le plus important, est celui-ci : face à la vague de révoltes mondiales qui a fait rayonner l’année 2019, les gouvernements occidentaux, fidèles à leur habitude d’agiter la terreur pour pacifier les populations indisciplinées, auraient sciemment exagéré la menace du Covid-19 pour discipliner les soulèvements populaires. Le virus offrirait une occasion de renouveler l’usage des techniques contre-insurrectionnelles de gestion des populations précédemment employées dans le cadre de l’antiterrorisme. Au vu de l’usage intensif de ces méthodes de gouvernement ces dernières années, il est compréhensible que cette suspicion ait saisi celleux qui les combattent. Partant de là, un grand nombre de camarades en ont tiré cette conclusion fallacieuse : la gravité de l’épidémie n’est pas réelle, c’est un prétexte à l’accroissement du contrôle.
Et pourtant, à bien y regarder, on ne peut pas dire que les gouvernements se soient précipités sur l’occasion pour nous terrifier, c’est au contraire un déni sans nuance qui a dominé les premiers temps épidémiques. Macron nous invitant a nous rendre au théâtre, Trump nous assurant que la pandémie était un canular, et Johnson se vantant de serrer les mains des malades. Ce n’est qu’acculés, face à l’accumulation exponentielle des corps malades, qu’ils se sont vus forcés de réagir dans la plus grande improvisation.
Mais faut-il vraiment choisir entre négation et stratégie du choc ? Les gouvernements capitalistes le font-ils ? L’histoire de l’écocide et du bouleversement climatique nous apprend que non. Bien que la gravité de la menace du chaos climatique soit immense, le libéralisme autoritaire a très bien appris à s’en servir comme prétexte pour accélérer son programme liberticide, et notamment la numérisation du monde et l’expansion du contrôle qu’elle induit, tout en ne faisant absolument rien en pratique pour l’enrayer si ce n’est mimer l’action en empilant des mesures cosmétiques. Tout ce qui se joue depuis des dizaines d’années dans le rapport du commandement capitaliste à la menace climatique s’est rejoué en accéléré face à la menace épidémique. Discours de façade, négation en pratique et usage opportuniste [...]
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