Grèce : trois semaines de lutte… et ça continue !!!!!

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Le monde universitaire en Grèce est paralysé. Plus de la moitié des facultés du supérieur (Universités et Haute écoles) sont occupées au niveau national par les étudiants qui refusent la privatisation de l’enseignement grec. Tous les jours des Assemblées Générales sont organisées et des nouvelles facultés s’ajoutent à la liste. Aux côtés des étudiants nous trouvons aussi les professeurs universitaires, les enseignants du primaire et secondaire et plusieurs organisations syndicales.

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Pourquoi à nouveau cette explosion ??

Au centre de cette nouvelle explosion sociale se trouve la volonté du gouvernement (avec l’appui explicite du parti social-démocrate, dans l’opposition, le PASOK) de revoir l’Article 16 de la Constitution grecque. Cet article garantit un enseignement de qualité, gratuit et surtout public [1] pour tous les citoyens grecs. Il déclare sans ambiguïté que seul l’Etat peut fournir ce service et que toute personne privée est interdite explicitement de le faire à sa place ou de manière parallèle.

En se basant sur une série de problèmes dans l’enseignement public (bureaucratie, clientélisme, mauvaise gestion, recherche scientifique limitée, professeurs poussés vers le privé, matériel nécessitant une modernisation, etc.) qui sont vrais et en se cachant derrière les « contraintes mises par l’Union Européenne » et les « éventuelles sanctions qui pèseront lourd sur la famille populaire », le gouvernement propose la flexibilisation du système d’enseignement et la création d’un marché. A savoir, permettre la création des établissements non étatique et sans but lucratif qui sera en concurrence avec les établissements publics.

Toutefois le mouvement étudiant arrive à décrypter ce qui se cache derrière le message gouvernemental. Pour cela, il suffit d’observer ceux qui font le plus pression pour soutenir le gouvernement : la centaine des établissements privés qui existent déjà en Grèce et qui profiteront de la réforme. Pour le moment, les diplômes qu’ils délivrent ne sont pas reconnus par l’Etat grec. Dans certains cas ces établissements font du franchising, à savoir ils apparaissent comme branches des autres universités reconnues. Le plus souvent celles du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Dans d’autres cas ils fournissent leurs services sans se soucier de la reconnaissance. Tel est le cas du Athens Institute of Technology sponsorisé par Intracom (telecommunications) et la Kokkalis Foundation (toutes les deux appartenant à Socrates Kokkalis un des plus grands entrepreneurs grecs).

Et la loi-cadre ?

Dans la plupart des plateformes d’occupation ou mobilisation les étudiants condamnent aussi la loi-cadre. En Grèce, personnes n’a oublié le remous de Mai-Juin 2006 provoqué par la proposition de reformer le système éducatif sur base de la loi-cadre [2] ni que le vote au Parlement sur ce point aura lieu au mois de mars. Juste après la décision sur la révision de la Constitution.

Par ailleurs, le gouvernement dans une manœuvre politique très maladroite a menacé publiquement de rapprocher le vote pour les jours qui viennent. Ce qui donne un élément de plus aux étudiants pour remettre cette revendication à l’ordre du jour. La raison de ce mouvement peu délicat est le fait que des soi-disant « anarchistes » protégés par l’asile universitaire se prêtent à des vandalismes et actes criminels (fabrication et jets des cocktails Molotov contre la police, organisation des actions pour brûler des voitures et banques). Etant donné que la loi cadre propose la révision du droit à l’asile universitaire [3]
grâce aux « anarchistes » le gouvernement a trouvé une excuse pour presser la discussion. Cependant, le mouvement étudiant ne se laisse pas faire.

Le mouvement gonfle, gonfle, gonfle…

Après trois semaines de luttes les étudiants n’ont pas l’air essoufflés. Cela a commencé avec quelques dizaines des facultés occupées et dans l’espace des trois semaines cela a atteint les 311 facultés occupées. Ceci a plus de mérite si nous songeons que ce ne sont pas des occupations à durée indéterminé mais que chaque semaine, et dans certains cas deux fois par semaine, le combat doit être fait dans les Assemblés générales étudiantes contre la DAP (organisation syndicale liée au parti au gouvernement) qui est une grande force parmi les étudiants.

Chaque semaine des Coordinations de ville et une nationale ont lieu. Malgré leur structure un peu floue et questionnable, faute d’une structure syndicale des étudiants officielle au niveau national, il est évident que la participation a augmenté depuis leur début il y a deux semaines. A la première rencontre nationale il y a eu 200 étudiants de toute la Grèce représentant leur comité d’occupation ; à la deuxième, une semaine plus tard, plus de 2000.

Depuis le début du mouvement tous les mercredis des manifestations sont organisées. La participation reflète la tendance nationale. Le mercredi 24 janvier, troisième journée nationale, le nombre de manifestants au niveau national a atteint 40 000. A Athènes 20 000, à Thessalonique 8 000-10 000 et dans les autres villes 10 000.

Toutefois ces chiffres sont clairement en dessous des capacités du mouvement. Il ne faut pas oublier que dans le mouvement Mai-Juin 2006 plus de 90% de facultés étaient occupés et que les manifestations au niveau national atteignaient 70 000- 80 000 manifestants. « Il est évident que la peur de perte de la session d’examen ou même du semestre et les arguments de la DAP contraignent assez les étudiants à participer au mouvement… », déclare un porte parole de la Coordination des occupations de Thessalonique.

Le front de l’Enseignement pour le Peuple se construit…

Le mouvement contre la révision de l’article 16 n’est pas isolé. Les étudiants trouvent à leurs côtés le syndicat des professeurs universitaires et beaucoup de recteurs des universités qui sont aussi concernés par ces réformes. Le premier depuis la semaine passée a déclaré la grève deux jours sur cinq (pour dans deux semaines rentrer en grève permanente). Du côté des recteurs, certains ont décidé de suspendre les cours et la session d’examen pour que la lutte des étudiants se déroule sans entrave ni souci. D’autres ont simplement montré leur soutient par écrit à la cause des étudiants. C’est le samedi 3 février que tous les recteurs se mettront d’accord sur une position commune.

Les enseignants du primaire et du secondaire eux aussi se mettent aux côtés de la communauté universitaire. Ceux-ci ont été en grève pendant sept semaines l’année passé (sept - novembre 2006). Il déclarent ouvertement leur soutien, ils participent aux manifestations et regrettent profondément que les mouvements n’aient pas coïncidés de sorte à vraiment créer un front de l’Enseignement pour le Peuple [4] . Ils ne perdent pas l’espoir.

Les écoliers via les structures qu’ils ont créé lors de lutte l’année passé déclarent sur leur site (www.mathites.gr) : « La lutte continue. Ne touchez pas à l’article 16. Nous revenons de manière plus dynamique pour les arrêter. Dans chaque quartier, chaque école, chaque classe nous rassemblons des signatures contre la révision de l’article 16, nous informons les écoliers. Nous organisons notre combat ». A chaque rendez-vous ils sont là. Ils savent que cela les concerne. Ils savent que c’est leur lutte aussi.

Selon certaines analyses l’Enseignement est la victime de la crise du système. Un changement est nécessaire. Vers où ? Quel enseignement voulons-nous ? La question se pose aujourd’hui dans le mouvement.
Les occupations, les étudiants, les enseignants, les professeurs, les travailleurs, les familles donnent une réponse claire.
Un enseignement de qualité, public et gratuit qui répond aux besoins des gens et de la société.

La lutte de longue haleine continue……

Notes

[1Il faut savoir qu en Grèce l’enseignement est gratuit à toutes les échelles. Au niveau supérieur ceci veut dire : pas de minerval, livres gratuits pour toutes les matières, nourritures gratuites trois fois par jours pour tous les étudiants, réduction dans les transport publics (0,30€ par ticket de bus, métro etc), réduction de 35-50% dans la culture.

[2Loi cadre : l’introduction du syllabus/livre de référence payant, la reconsidération de « l’asile académique », la révision du budget des Universités , l’introduction des Managers dans chaque faculté, la limitation des possibilités de redoubler 2 ou 3 fois, selon la faculté. _ Lire aussi à ce sujet les articles :
http://www.chengetheworld.org/fr/index.php?op=articles&task=verart&aid=361
http://www.ecoledemocratique.org/article.php3?id_article=327
http://rebellyon.info/article2376.html
http://www.collectif-rto.org/article.php3?id_article=215 .

[3La reconsidération de « l’asile académique » . Aujourd’hui l’asile assure la liberté d’expression et de circulation d’idées dans tous les lieux académiques. Ainsi la police ne peut aujourd’hui entrer dans les lieux académiques que dans des cas extrêmes (accord unanime d’une Commission d’Asile). La loi cadre propose la création d’une Commission des Recteurs qui décidera sur base d’une majorité des 2/3 de lever ou pas l’asile. La loi cadre justifie cette proposition en disant qu’aujourd’hui il y a des abus et que l’asile fait appel a des époques du passé (dictature) ou la liberté dans les universités ne pouvait être assurée que par l’asile. Les AG voient ici un danger démocratique et une limitation potentielle de leur pouvoir de contester les politiques au sein de leur établissement.
http://www.ecoledemocratique.org/article.php3?id_article=327

[4Le Front pour l’Enseignement pour le Peuple : étant donné que l’enseignement subi tant d’attaques à tous les niveaux, les gens concernés ont proposé la création d’un front large pour sauvegarder le caractère public et gratuit de l’enseignement.

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  • Le 2 février 2007 à 14:27

    « Chaque semaine des Coordinations de ville et une nationale ont lieu. Malgré leur structure un peu floue et questionnable, faute d’une structure syndicale des étudiants officielle au niveau national, il est évident que la participation a augmenté depuis leur début il y a deux semaines. »

    Je ne vois pas pourqoui la structure serait« floue et discutable, faute d’une structure syndicale officielle », c’est en se passant des syndicats que les mouvements sociaux se réinventent, se renouvellent et se pérennisent, l’absence de syndicats ici est plutôt une bonne nouvelle... En plus, ça leur évitera de se faire trahir !
    Ce genre de passage est relativement limite sur un média alternatif !

  • Le 2 février 2007 à 10:40, par S.

    La raison de ce mouvement peu délicat est le fait que des soi-disant « anarchistes » protégés par l’asile universitaire se prêtent à des vandalismes et actes criminels (fabrication et jets des cocktails Molotov contre la police, organisation des actions pour brûler des voitures et banques). Etant donné que la loi cadre propose la révision du droit à l’asile universitaire [3] grâce aux « anarchistes » le gouvernement a trouvé une excuse pour presser la discussion. Cependant, le mouvement étudiant ne se laisse pas faire.

    Ce passage est un peu crapuleux. L’histoire du mouvement anarchiste grec est très marqué par la dictature des colonels, et il est très courant que le niveau des affrontements de rue se traduise par la confrontation avec la police. Parler « d’actes criminels » sur un média alternatif est un brin problématique et reprend le langage du pouvoir. On peut être d’accord ou non tactiquement avec de telles actions et l’exprimer, mais pas reprendre les calomnies et la caractérisation du pouvoir (qui rapelle celle du gouvernement français sur les « méchants casseurs »). Le « grace à » inverse tout bonnement l’initiative qui revient au pouvoir. En l’occurence, le mouvement libertaire grec ne pratique pas une violence activiste déconnectée de toute implantation sociale, il y a une réelle stratégie d’implantation sociale, dans les quartiers et les universités.
    Les anarchistes en question sont extrêmement présents dans le mouvement de lutte étudiant -il n’est pas rare pour les manifestations libertaires en grèce de réunir plusieurs milliers de personnes-, c’est peut être ce qui gène l’auteur de l’article. L’Etat grec ne fait qu’utiliser un prétexte pour criminaliser une lutte et réduire les foyers de contestation que sont les universités.

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