Grève illimitée aux urgences de Lyon : « On ne peut pas prodiguer des soins de qualité avec les moyens qu’on nous donne »

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Le 20 février marquait les 30 jours de grève du personnel des urgences de Lyon Sud. Les salarié·es dénoncent des conditions de travail et d’accueil des patient·es qui se dégradent et demandent davantage de moyens humains et matériels. Nous sommes allés à leur rencontre lors du rassemblement organisé devant la direction des Hospices Civils de Lyon.

M. et S. sont deux salariées des urgences et de l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) de Lyon Sud. L’UHCD est un service tampon où les patient·es sont hospitalisé•es jusqu’à 48h s’il n’y a pas de lit disponible dans les services où ils doivent être pris en charge après les urgences. J. est infirmière contractuelle du service des urgences d’Édouard Herriot en attente d’être titularisée depuis 2 ans.

Les grévistes demandent l’ouverture de postes de brancardier·es, d’agent·es hospitalier·es et d’aides soignant·es pour accueillir les patient·es dignement. Pour l’instant la direction est restée sourde à leurs revendications.

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Vous êtes en grève depuis combien de temps ?

On attaque la cinquième semaine de grève à Lyon Sud et cela fait une quinzaine de jour qu’à Édouard Hérriot on a rejoint le mouvement.

Qu’est-ce que cela implique d’être en grève quand on travaille aux urgences ?

On est là mais on est réquisitionné·es automatiquement. On fait les mêmes soins. On essaie de ralentir mais vu l’afflux des patient·es, on ne peut pas. Donc on travaille normalement. On est payées, seuls celles et ceux qui ne sont pas réquisitionné·es perdent leurs jours. C’est le service minimum. Comme on est rarement en sureffectif, on est quasiment toutes et tous réquisitionné·es systématiquement.

Comment a commencé la grève ?

Il y a eu une grosse épidémie de grippe et ça a été le ras-le-bol général. Des patient·es ont attendu six heures, huit heures, peut-être même plus. On n’avait pas de lits pour les recevoir alors que des personnes âgées en auraient eu besoin.

L’affluence a été très importante pendant les fêtes avec l’épidémie de grippe et de gastro. Mais on avait déjà avant des problèmes d’accueil. Quand on n’a pas de lit sur l’hôpital, on sait que toutes les personnes qui vont arriver vont stagner aux urgences sans avoir la possibilité d’avoir un parcours de soin fluide. Ce sont des personnes qui vont rester des heures, qui vont attendre avant d’être prises en charge et ensuite encore attendre parce qu’on n’arrive pas à les intégrer dans les services de l’hôpital.

On demande des lits en aval pour désengorger les urgences. On est à plus de 100 passages par jour. À Lyon Sud, on accueille 33 000 personnes par an alors qu’on est censé pouvoir en accueillir seulement 11 000. On n’a donc pas du tout les locaux et le personnel adaptés. On se retrouve dans une situation où on ne sait pas comment faire.

On a commencé à tirer la sonnette d’alarme en 2012 et depuis la situation n’a fait qu’empirer.

Dans quel sens cela s’est dégradé ?

On nous a enlevé du personnel et les locaux ne sont plus du tout adaptés. Le service d’accueil des urgences a été refait mais d’une manière inadaptée. Avec les restructurations successives des services on a perdu des postes, des postes de cadres, de « faisant fonction », d’aides-soignantes et d’infirmières.

On nous demande de faire plus avec moins. On a moins de personnel avec une augmentation de la population, son vieillissement et donc plus d’hospitalisations nécessaires.

Dans le service des urgences d’Édouard Hérriot, la moitié du personnel sont des contractuels depuis au moins 4 ou 5 ans et qui attendent toujours leurs stages de titularisation d’une durée de un an. Des étudiant·es sont obligé·es de rester travailler jusqu’à 1h du matin ...

Quelles sont vos conditions de travail ?

Dures ! C’est dur pour tout le monde, on craque, anciens comme nouveaux. Hommes, femmes, infirmier·es, médecins ou aide-soignant·es, on est dans une situation où on est un peu dégoûté·es. On ne veut pas travailler dans ces conditions-là donc on a décidé de se souder pour dire que ce n’est plus possible.

Parfois j’ai honte. Lorsque je passe devant des patient•es en baissant la tête parce que je sais qu’ils vont me demander quelque chose mais que je n’ai pas le temps de leur donner ne serait-ce qu’un verre d’eau.

Des patients âgés, parfois de plus de 90 ans, restent plusieurs heures sur des brancards, il y a alors des risques d’escarres. Parfois on ne peut plus accompagner des incontinents aux toilettes, on manque même de couvertures ...

« On en arrive maintenant à de la maltraitance institutionnelle »

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Quelles sont vos revendications ?

Nous demandons plus de lits et plus de personnel pour une prise en charge correcte des patient·es car aujourd’hui on tombe dans la maltraitance.

Vous avez le sentiment d’être écouté·es ?

Non ! Enfin, on nous dit qu’on nous comprend mais on n’a aucune réponse. On a eu plusieurs rendez-vous avec la direction générale de l’hôpital. À court terme rien ne nous est proposé. À long terme, leur solution c’est la réunion de tous les services d’urgences. Mais on a besoin de solutions maintenant. Que fait-on de nos patient·es ?

On ne peut pas prodiguer des soins de qualité avec les moyens qu’on nous donne. Cela va à l’encontre de nos valeurs soignantes, de pourquoi on s’est engagé·es.

« C’est dur pour tout le monde, on craque, anciens comme nouveaux »

Article écrit dans le cadre du collectif d’entraide à la rédaction :
Photo : Z. / Entretien : M. / Retranscription : C.

P.-S.

Les réponses des infirmières à nos questions se recoupant, nous avons choisi de mutualiser les propos récoltés, sans préciser qui parlait à quel moment, le consensus entre tous les grévistes autour de la dégradation de leurs conditions travail étant très fort

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