Hamburguerrilla contre la néfast-food

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Quelques potes inorganisés ont l’habitude de « faire les poubelles » des supermarchés, afin de recycler le gâchis de la société de SURconsommation d’une part pour bouffer, d’autre part pour offrir des repas à prix libre (pour ne pas dire gratuit) lors de rassemblements militants ou festifs ; le 26 novembre 2005, le McDo de saintClaude venait d’être inauguré ; souhaitant marquer la journée sans achat, ils ont organisé un petit barbecue sur le parking de l’Hyper Casino et du « fastfood » pour en détourner ses clients. Petite interview à propos de cette journée :

A - D’où vous est venue l’idée de faire cette action ?

Cé - La journée sans achat...

P - ... C’était l’occasion de faire un truc. Le McDo qui venait d’ouvrir ; on savait qu’il y avait deux ou trois gens qui militaient un peu dans le Jura (ça te motive aussi un petit poil, tu vois) ; et on voulait triper avec nos poubelles, parce qu’on est accros aux poubelles. On a fait un mix de tout ça devant McDo : poubelles, emmerder un coup McDo, détourner ses clients qui bouffent de la poubelle.

J - L’idée, on l’a trouvée un matin à 5 heures devant un pack de bière issu des poubelles, voilà. C’était la deuxième fois, d’aller se poser comme ça à l’arrache, avoir de la gamelle... La première fois, c’était au Larzac, où j’ai trop plané. J’attrappais les gens, les gens motivés ; je leur expliquais le topo : qu’on avait une grande ratatouille dans des casserolles. Faire passer le message « Partageons les richesses » d’abord dans la bouffe. Les Français, c’est pas leur truc de partager la bouffe, le voisin peut crever. Chez les Arabes ou les Africains c’est plus zen, la gamelle est plus communicative... Et nos histoires de bouffe déambulent par là-dessus, voilà... Mais on ne fait pas que dormir devant notre congélateur non plus...

A - Qui peut raconter comment la journée a été organisée ? Comment elle s’est déroulée ?

Cé - C’est parti sur une semaine. À faire les textes : on s’est pris deux-trois soirs dans la semaine, essayer de trouver les mots qu’il fallait et englober toute l’action. Et après il a fallu préparer tout ce qu’il fallait pour le barbec, c’est-à-dire le barbecue en lui-même, un fût pour aller, le bois ; faire les poubelles, trouver des dates assez récentes. On le fait régulièrement. Ça marche bien. Là il nous fallait surtout des dates récentes, des bons produits, une bonne variété.

A - Un barbecue pour distribuer la bouffe gratuite aux abords du McDo ?

P - L’histoire, c’est dans le délire « journée sans achat », truc non payant, gratuité, truc issu des poubelles, recyclage. La journée sans achat c’est un prétexte comme un autre. L’installation devant le McDo, c’est venu qu’après coup. Au départ, on avait cogité éventuellement les grandes surfaces. On savait pas trop ce qu’on pouvait faire ce jour-là.

Cé - À la base, mon idée c’était surtout contre les grandes surfaces, éventuellement de monter à Lyon. Et cette occasion d’un McDo : du coup, là on savait qu’on serait les seuls à le faire. À Lyon, on partait sur une action où on aurait rejoint un groupe.

J - Qu’est-ce qu’on fait le prochain coup ? On s’était dit que le lendemain de la première action, on parlerait de la deuxième.

Cy - Vous faites ça la journée sans achat : est-ce que vous attendez l’année prochaine pour faire l’anniversaire ?

Cé - Une action par an, ça fait un peu... Mais des trucs peuvent se faire au quotidien.

J - Deux actions par an !

P - On est un peu des feignants, mais c’est la première action qu’on faisait localement. Au Larzac, on avait profité d’un événement : c’était pas un truc sauvage que nous faisions nous-mêmes.

Cé - Après, se poser dans une rue piétonne un samedi après-midi, ça n’a rien d’exceptionnel. Mais il faut une autre organisation, il faut plus de monde, il faut faire du bruit aussi. À la limite, c’est à refaire dans très peu de temps.

P - On a fait ça à la sauvage.

R - La banderole avec le slogan, une bonne installation par rapport au public, Georges qui était là...

Cé - Georges, c’était le saxo pour le bruit.

R - ... C’était bien organisé, entre la grande surface et le McDo...

P - Cédric qui a fait le repérage dans la semaine, le barbec préparé à l’avance...

Cy - C’était peut-être spontané comme organisation, mais elle était efficace, elle était réussie. L’organisation en elle-même, c’était nickel : banderole, tout était déjà prêt, tu arrivais vite, tu t’installais vite...

Cé - On s’était dit : à sept, on ne va pas tenir un quart d’heure. Fallait que ça soit prêt très très vite, installé très très vite pour que ça puisse tout de suite dégager de l’odeur.

J - Moi je m’attendais à ce qu’il y ait du bordel.

R - Qu’est-ce que vous pouvez dire sur les réactions de la gérante du McDo et du directeur du Casino ?

P - Je pense qu’on les a amusé.

Cé - Ce qui était marrant, c’était la discussion avec le gérant du magasin qui est venu nous voir...

R - ... « Je suis d’accord avec vous à 400%... »

Cé - ... « Et j’avais des locks avant... »
C’était le jour de la Banque alimentaire, donc les clients faisaient don d’un produit après la caisse. Nous, on faisait la même chose qu’eux, mais gratos.

A - Plutôt que de faire raquer les clients...

Cé - La différence, c’est que pour eux ça ne passait pas par les poubelles.

Cy - C’était le télescopage de l’humanitaire conventionnel et d’une action directe.

A - Comment ont réagi les gens, d’après vous ?

Cé - On a eu des réactions intéressantes, c’était rigolo...

A - C’était pas mal ?

D - Il y en a qui ont vachement bien apprécié quand même.

Cé - ... Le plus rigolo, c’est qu’il y a des parents qui se cachent derrière leurs gosses.

P - Il y a toute une sympathie des mouvements anti-McDo (ça va du Front en passant par quasiment toute la classe politique), une sympathie un peu neuneu pour ces trucs-là d’emblée. Après, je ne sais pas si les gens qui avaient une sympathie pour le barbec devant le McDo partageaient vraiment ce que je pensais des multinationales, de McDonald.

A - A priori, ils savaient bien à qui ils avaient affaire quand même (...)

P - Ce genre d’action à Lyon ça devient banal.

Cé - Ouais, c’est plus percutant ici.

R - Par rapport à Lyon, ici en fait on est à la campagne. C’est pas du tout le même contexte par rapport au côté répression. Vu qu’il ne se passe jamais rien, tu as plus de liberté pour faire un truc comme ça que dans une grande métropole où c’est plus fliqué. C’était la question de se dire « Combien de temps ça va tenir ? »

Cé - Les flics, on les a vu tourner dix minutes avant sur le parking (...)

A - Vous vous désignez comment ? Des autonomes, ou des gens susceptibles de vouloir créer un collectif ? Va-t-il y avoir une suite ?

Cé - Déjà, on a fait l’action sans nom. Avant de faire autre chose, il faudrait peut-être qu’on se fasse un nom ?

J - Un nom d’apache !

R - En fait, moi ce que j’ai trouvé d’intéressant, c’est que justement il n’y en avait pas besoin : il n’y a pas besoin de se définir pour faire quelque chose.

P - ... C’est ce qui nous plaît dans ce qu’on a fait.

J - ... Ce qui compte c’est d’agir, c’est pas de s’expliquer.

A - Il y avait une dame qui voulait absolument savoir qui on était, quel collectif. Elle voulait absolument une étiquette.

P - C’est troublant, un truc qui n’a pas d’étiquette. C’est inhabituel. Il faut un directeur (...)
On est des feignants, mais on fera d’autres trucs.

A - « Les Feignants », c’est pas mal comme nom ?

J - « Les Grosses Feignasses » (...)

A - Pour revenir sur l’action, on a quand même bien surpris les gens. C’était spontané et surprenant.

P - Ouais, c’était cool, c’était pas mal : c’était visuel, c’était sonore, c’était tout ce qu’il fallait pour que ce soit un peu surprenant et tout. La présence de Georges, c’était carrément sympa (...) L’important, c’est de se croiser. Nous les Jurassiens on est tous un peu perdus dans notre brousse...

Cy - Chacun agit dans son contexte...

Le soir même de cette action, le juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière était à saintClaude, intronisé Premier Fumeur de pipe de France 2005 par la confrérie des Maîtres-Pipiers. Au banquet qui suivait la cérémonie, un représentant de la haute bourgeoisie locale est revenu sur le barbecue de l’après-midi en ces termes : « Ce sont quelques-uns des millions de ressortissants sempiternels de la misère française, qui prélèvent la taxe de leur fringale sur les déjections de la richesse. Et maintenant, ils assaisonnent à la fumée de marmites publiques et festives la croûte symbolique récoltée dans les ordures... »

On ne pouvait pas rendre un meilleur hommage à nos copains.

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