L’arrestation en Bolivie
En 1952 et 1954, Klaus Barbie est condamné à mort par contumace par le Tribunal permanent des forces armées de Lyon. On y énumérait ses exactions, des crimes de guerres : tortures, exécutions, déportations, pillages. Mais Klaus Barbie est protégé par les services secrets américains qui l’ont engagé. Grâce à eux, il gagne la Bolivie et en acquière la nationalité. Cependant, le pouvoir politique change en Bolivie et un mandat d’arrêt est émis le 5 novembre 1982 contre Klaus Barbie, qui s’est donné une nouvelle identité : Klaus Altmann. Klaus Barbie est arrêté. La nationalité bolivienne lui est retirée au motif qu’il a fait de fausses déclarations pour l’obtenir.
Dans la nuit du 4 au 5 février 1983, Klaus Barbie, est expulsé de Bolivie et se retrouve dans un avion vers la France, via Cayenne. Son expulsion est annoncée le 7 février 1983, en France. Il sera emprisonné à Lyon, là-même où il a torturé naguère, à la prison Montluc, puis à celle de St Joseph, jusqu’à l’ouverture de son procès. L’instruction dure quatre ans.
De quoi l’accuse-t-on ?
Klaus Barbie, qui dirige à Lyon pour la police nazie le service de la répression des crimes et délits politiques – dont la section antijuive – de 1942 à 1944, est accusé d’avoir liquidé et fait déporter de nombreux juifs et résistants français qui luttaient dans des réseaux clandestins contre le nazisme. Le bilan des crimes en France de Klaus Barbie : 4.342 meurtres, 7.581 juifs déportés, 14.311 résistants arrêtés et torturés.
Les crimes de guerre, comme par exemple les exactions sur Jean Moulin, sont considérés comme prescrits. Néanmoins, trois grands dossiers de crimes contre l’humanité, imprescriptibles en droit français depuis 1964, sont retenus contre lui :
la rafle des bureaux de l’Union générale des israélites de France, situés à Lyon, au 12 rue Ste Catherine, le 9 février 1943, au cours de laquelle 86 personnes sont arrêtées et déportées ;
la rafle des enfants d’Izieu, le 6 avril 1944, qui vit 41 enfants et 5 adultes être déportés ;
et le dernier convoi, le 11 août 1944, qui emmena, à 15 jours de la libération de Lyon, 600 personnes, essentiellement des juifs et des résistants, vers Auschwitz.
Le procès
Le 11 mai 1987, le procès de Klaus Barbie s’ouvre enfin devant la Cour d’assises du Rhône.
On est obligé de faire construire des aménagements spéciaux avec des dispositifs en hauteur dans la salle des pas-perdus de l’ancien palais de justice de Lyon (appelé « Les 24 colonnes »), aucune salle d’audience n’étant assez grande pour accueillir un tel procès avec la presse, les 102 témoins cités, le public intéressé, les classes d’étudiants, les cars de touristes...
Le procès de Klaus Barbie, surnommé le « boucher de Lyon », débute donc le 11 mai 1987, à Lyon, dans une effervescence toute particulière. À elle seule, la lecture de l’acte d’accusation prend deux jours. Le troisième jour, l’accusé prend la parole pour dire qu’il se considère comme un otage et non comme un détenu. Il refuse de se présenter au tribunal à partir de ce jour.
Avant que ne débute le procès, l’avocat de Barbie, Jacques Vergès annonce qu’il se fera accusateur de la Résistance, de certains de ses membres qui auraient dénoncé leurs compagnons d’armes pour avoir la vie sauve. S’il n’a pu atteindre son but, il a réussi à faire s’installer une certaine méfiance avec la peur de remettre le couteau dans la plaie de la collaboration, mais surtout il fait une importante publicité au procès, en appelant même à la barre Raymond Aubrac.
Le procès se termine le 3 juillet 1987, après huit semaines d’audiences. Les avocats des parties civiles, dont Ugo Iannucci, et Alain Jakubowicz, font citer 69 témoins ainsi que 27 témoins d’intérêt général. La défense ne cite pour sa part que 6 témoins. Les réquisitions sont faites par Pierre Truche, le procureur général de Lyon.
Le samedi 4 juillet 1987, à 0h7, les trois magistrats et les neufs jurés reviennent de plus de six heures de délibérations. On fait entrer Klaus Barbie, et le président du tribunal, André Cerdini, prononce un verdict de culpabilité contre l’ancien officier allemand. Barbie est déclaré coupable sans circonstances atténuantes des dix-sept crimes contre l’humanité dont il était accusé. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Il décède à la prison St Joseph le 25 septembre 1991, à 77 ans.
.
Le verdict de la mémoire
La foule s’y presse dès les premiers jours et s’y maintient pendant les 36 jours d’audience. Ce fut un tournant déterminant, car pour la première fois un criminel nazi était jugé sur le territoire français. A la suite de tous ces témoignages, les révisionnistes, comme Faurisson et certains donnant des cours à l’université Lyon3, ne pouvaient plus dire n’importe quoi.
En se retirant, dès le troisième jour, Klaus Barbie a finalement aidé et facilité les choses. Celles et ceux qui furent arrêtés et torturés par lui se trouvaient privés de la tentation de l’invectiver et, du même coup, d’atténuer les effets de leur déposition. Il ne leur restait, en effet, qu’à raconter, et c’est ce qu’ils ont fait admirablement. Ce fut émouvant, même si c’était dans l’horreur. Et les jeunes extrêmement nombreux qui y assistaient, considérant au départ comme de l’histoire ancienne cette période de la Résistance, ont pu réellement se l’approprier et celle-ci est devenue finalement beaucoup plus proche. Un exemple : Lucie Aubrac, à la suite du procès, était appelée partout pour des débats avec des lycéens, des écoliers...
Le film pour l’histoire : le procès filmé de Klaus Barbie
Exceptionnellement les débats du procès ont pu être filmés et ce sont 37 émissions sur le procès de Klaus Barbie qui ont été réalisées pour la télévision, avec les commentaires judiciaires de Jean-Olivier Viout, actuel procureur général de la République à Lyon,
Ce devait être un irremplaçable document pour l’Histoire. Si cette première en France a tenu en partie ses promesses en jetant un éclairage cru sur l’action de la Gestapo dans la région lyonnaise et les crimes contre l’humanité qui y ont été commis, elle n’a toutefois pas permis de dissiper les mystères de toute l’étendue des rapports entre le nazi et les services secrets américains. Pas plus qu’elle n’a mis en lumière son implication dans le plan « Condor » en Amérique latine.
Les USA, des alliés ???
Klaus Barbie, criminel de guerre nazi, a torturé, tué, manipulé… Puis, après avoir fui la France juste avant la Libération, il a été recruté par les services secrets américains qui l’ont chargé, c’est à peine croyable, d’espionner les Français présents en Allemagne occupée. Et ceux qui se sont émus de voir un criminel de guerre collaborer avec des organismes alliés ont été fermement priés de se taire. Pire, les dirigeants de ces services, embryons de la future CIA, ont tout fait pour soustraire Barbie à la curiosité des enquêteurs français qui avaient de nombreuses questions à lui poser et qui voulaient que le criminel réponde de ses actes devant la Justice. Mais, dans les années d’après-guerre, les autorités françaises ont-elles vraiment tout fait pour obtenir l’extradition de Klaus Barbie ? Et ne craignaient-elles pas des révélations très gênantes ? C’était la guerre froide et Barbie, comme de nombreux autres nazis, était considéré comme un précieux auxiliaire dans la lutte contre le communisme…
Certes un rapport établi en 1983 par l’avocat Ryan, assistant spécial du ministre de la Justice états-unien, a révélé une partie de la vérité sur le recrutement de Barbie par les services américains et les effort de ceux-ci pour empêcher le criminel de guerre de répondre de ses actes devant la Justice française, alors même qu’ils connaissaient son passé. Une affaire qui a longtemps empoisonné les rapports entre les deux pays. À tel point que l’avocat Ryan a même recommandé que son gouvernement présente des excuses à la France...
Il reste à faire le procès de Barbie pour crimes contre l’humanité en Amérique latine...
Pourtant, cette protection accordée à Barbie commençait à devenir très embarrassante. Et en 1950, les Américains se sont décidés à l’exfiltrer d’Allemagne. Ce qui sera fait au début 1951 et Barbie fut un espion au service des Etats-Unis avant de devenir le zélé serviteur des dictatures sud-américaines, avec la protection du gouvernement des USA, et l’un des acteurs du trop fameux « Plan Condor ». Il reste en effet à savoir jusqu’où est allé la collaboration entre Barbie et la CIA. Barbie était-il en service commandé ? Était-il toujours un agent de la CIA ? Exfiltré en Bolivie à partir de 1951, le boucher de Lyon a en effet mis son savoir-faire si particulier au service des dictateurs boliviens, multipliant les exactions, constituant un escadron de la mort qui a semé la terreur dans le pays, participant au sanglant « Plan Condor » et s’acoquinant même avec les barons de la drogue.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info