La lettre de David Hicks, condamné à mort et exécuté aux USA le 20 janvier 2000

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En mémoire de David Hicks, noir américain, originaire de Teague, petite ville du Texas, assassiné par l’état du Texas le 20 janvier 2000. Condamné à mort en 1989 pour le viol et le meurtre de sa grand mère qui venait de souscrire une assurance-vie, il a passé les dix dernières années de sa vie au pénitencier d’Ellis One à Huntsville (Texas). Il a toujours clamé son innocence.

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On a accusé David en trouvant des traces de sa présence sur les lieux du crime, avec test ADN, ce qui n’était pas étonnant car il venait fréquemment chez sa grand-mère qui habitait à côté. Aucune empreinte digitale de David n’a été trouvée sur le corps de la victime et, lorsque l’on a découvert un marteau portant des traces de "cheveux", il s’est avéré que ces traces n’étaient que du poil d’animal. Aucunes analyses sérieuses n’ont vraiment été réalisées.

En 1998, un comité de soutien créé par Fabrice Ziolowski (scénariste et réalisateur) et d’Alain Katz a eu pour but de collecter des fonds pour payer un nouvel avocat choisi en accord avec David Hicks, ainsi que des enquêteurs. Il a écrit une lettre à Bernadette Griot-Cullafroz, en date du 15 avril 1998, pour son livre “Dans les bruits du monde [1], que le journal Le Monde a publié ce même jour.
Cette lettre fait partie de son journal où sont décrits la cruauté du quotidien, la peur et les humiliations, ses espoirs ainsi que des souvenirs de liberté et d’enfance.

Il a alors échappé à quatre reprises à son exécution.
Il avait 34 ans. La cinquième - le 20 janvier 2000 - lui a été fatale. En mémoire de cet homme assassiné en règle par l’état du Texas.

Voici des extraits de la lettre de David Hicks du 15 avril 1998 :

« Quand je suis arrivé ici il y a de nombreuses années, quelques minutes seulement m’ont suffi pour comprendre que j’étais en terre étrangère et pris au piège. C’est un monde où les esprits rétifs sont systématiquement déshumanisés, étouffés et réprimés, où les émotions et l’acte de penser sont considérés comme des troubles internes. Un monde où les rêves sont aisément brisés et les personnalités anéanties, où le simple fait de vivre devient une tâche harassante et sclérosante. Dès qu’une personne atteint ce stade, dès qu’elle a été reconnue coupable, particulièrement ici au Texas, elle est rapidement reléguée dans la catégorie des damnés, des condamnés à mort. Puis elle est stigmatisée, isolée et annihilée. Peu importe que vous soyez coupable ou innocent ; une fois condamné, il faut trouver un moyen de lutter. Dans ce monde imparfait - en particulier au Texas - de mensonge et de désir, les systèmes juridiques sont incohérents et arbitraires, à des années lumière de l’intégrité absolue que la plupart des gens seraient en droit d’exiger dans de telles circonstances.

Dix années dans une situation aussi figée que celle-ci laissent largement le temps de penser et de réfléchir. Je sais ce qui est juste, et il n’y a absolument rien de juste dans ma condamnation actuelle. La situation serait peut-être différente si j’étais coupable de ce crime, ma détermination ne serait pas aussi catégorique. Mais ce n’est tout simplement pas mon cas. Je suis innocent. J’ai été reconnu coupable par un mauvais procureur (il n’y a qu’un seul procureur dans la petite ville d’où je viens et où j’ai été condamné) et un avocat apathique commis d’office par le tribunal, totalement incompétent dans un cas comme celui-ci. Que doit-on faire une fois condamné ? Il faut savoir qu’au Texas la clémence n’existe pas ; le gouverneur est un personnage diabolique qui n’accorde de grâce à personne.Ceux qui sont - ou qui pourraient être - innocents, n’ont pas droit à la parole et sont impuissants. Au Texas, il n’y a pas d’ultime débat leur permettant de plaider dans un environnement neutre pour sauver leur vie. S’ils ne réussissent pas à trouver secours et assistance par un autre biais, ils périront sur cette chaîne de montage mortelle dénommée “justice du Texas”.

Le Texas a sa manière sardonique de rendre la justice. Avec une écoeurante régularité et une évidente dureté, cet Etat a exécuté les malades mentaux, et même ceux qui étaient incapables de comprendre ce qui ce passait, à savoir les fous. Cet Etat s’est montré déterminé à éliminer les débiles mentaux et à expédier les innocents en prison. Le mot même de “justice” a été discrédité par ces parodies. C’est un racket lucratif, et pour certains hommes politiques, le moyen d’obtenir un nouveau mandat électoral. Un sénateur a même déclaré que la condamnation et l’exécution d’un innocent sont le prix que nous payons tous pour vivre dans une société démocratique. Un bon nombre de personnes au pouvoir semble avoir adhéré à cette logique qui, pourtant, est erronée. Si la démocratie ne choisit pas de se fonder sur la vérité, la justice, la liberté et l’impartialité, elle ne mérite pas que l’homme l’inclue dans la société. Mieux vaudrait autoriser un système totalitaire à contrôler ouvertement les masses que laisser un gouvernement se cacher derrière le masque de la vraie liberté. A mon avis, un pays qui prend judiciairement, fortuitement et sans discernement la vie de quelqu’un, qui plus est d’une personne potentiellement innocente, commet une erreur.

Un jour, la peine de mort devra cesser d’exister, car dans une société comme la société américaine, mue par des critères politiques, économiques, sociaux et raciaux, l’éventualité d’exécuter un innocent est bien trop grande et le prix à payer trop élevé... »


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Au fond la « maison de la mort » de la prison Ellis One de Huntsville au Texas - Devant, en signe de protestation, le piano de John Lennon, sur lequel il a composé « Imagine »

Le 400e assassinat par l’état du Texas a eu lieu le 22 août 2007

Johnny Conner, un Noir de 32 ans condamné à mort pour le meurtre d’une employée lors du braquage d’une épicerie, a été exécuté par injection létale, mercredi 22 août au Texas. C’est la quatre centième exécution au Texas, et il y en a eu 1092 aux USA, depuis le rétablissement de la peine de mort en 1976.

L’exécution a donc eu lieu mercredi 22 août 2007 peu après 18 heures à la prison de Huntsville. La mort du condamné a été prononcée huit minutes après l’injection mortelle. « Ce qui m’arrive est injuste et le système est détraqué », a déclaré Johnny Conner, qui a toujours clamé son innocence, avant de mourir.

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Johnny Conner, né le 27 avril 1975, avait été condamné, dans un jugement qui n’a pas duré une heure, en 1999, pour le meurtre de Kathyanna Nguyen, tuée par balles lors du braquage du magasin où elle travaillait le 17 mai 1998. On avait retrouvé les empreintes de Johnny Conner sur une bouteille dans l’épicerie.

Il était emprisonné depuis le 9 septembre 1999, en espérant que n’arrive pas le moment fatal. Une procédure d’appel auprès de la Cour Suprême des Etats-Unis pour empêcher l’exécution a été refusée en janvier dernier, alors qu’elle argumentait qu’une blessure à la jambe l’excluait de toute possibilité de fuite en courant lors du braquage.

D’autres condamnés à mort ont été exécutés par injection létale, ou doivent l’être, ce mois d’août 2007 : Kenneth Parr, au Texas le 15 août, Frank Welch en Oklahoma le 21 août, Luther Williams en Alabama le 23 août, ainsi que trois autres encore au Texas les 28, 29, 30 août : DaRoyce Mosley, John Amador, et Kenneth Foster. De nombreuses autres exécutions ont eu lieu le mois suivant aux USA : encore 6 autres rien qu’au Texas [2], 4 au Tennessee, 3 en Pennsylvanie, 2 en Arkansas, 2 en Virginie, 2 en Ohio, 1 en Alabama et 1 autre en octobre en Floride.

Notes

[1Dans les bruits du monde page 291, de Bernadette Griot-Cullafroz, éditions L’Amourier et Le hêtre pourpre, 2000

[2Un septième homme, Kenneth Foster, condamné à mort pour ne pas avoir empêché un crime (!) en 1996, a vu sa peine commuée en prison à perpétuité 6 heures seulement avant son exécution programmée le 30 août 2007

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