« Tout le monde déteste la police », « La police assassine, la justice acquitte » et « Justice pour Adama, justice pour Mehdi ». Pour avoir lancé ces slogans à plusieurs reprises lors d’une manifestation, L. est aujourd’hui poursuivie en justice.
Rappel des faits. Le 28 janvier dernier, une marche se tient en mémoire du beau-frère de L. : Mehdi. Ce dernier est décédé dans la nuit du 10 au 11 décembre 2016, alors qu’il rentrait chez lui, avec deux amis, après avoir fêté la naissance de sa fille. Alors qu’ils sont sur un scooter, une voiture de police les prend en chasse. Le véhicule les colle sur plusieurs dizaines de mètres puis c’est l’accident. Mehdi meurt sur le coup et ses deux amis finissent blessés à l’hôpital.
Suite à cela, le 28 janvier dernier, une marche a lieu en sa mémoire. Elle réunit environ 150 personnes. Du lieu de l’accident jusqu’au commissariat Marius-Berliet, une foule défile pour exprimer sa colère et demander l’ouverture d’une enquête [1]. Les policiers sont là en nombre.
Arrivés près du commissariat, la police empêche la manifestation de continuer plus loin. Les gens doivent se disperser. Quand le gros des troupes est parti, plusieurs équipages de la BAC viennent mettre un coup de pression aux derniers manifestants, en l’occurence la famille et les proches de Mehdi. Ils se tapent un contrôle d’identité collectif. Motif invoqué : les slogans du jour n’ont pas été du goût de la police. Celle-ci menace de les embarquer avant de les laisser partir.
Quelques jours plus tard, deux proches de Mehdi sont convoqués chez les flics pour une audition. Il faut dire que les flics ont poussé le vice jusqu’à se repasser les vidéos de la manif pour appuyer leur « dossier ». Finalement seule L. est poursuivie pour « outrage » à « la police nationale ». Les slogans incriminées sont : « Tout le monde déteste la police », « La police assassine, la justice acquitte » et « Justice pour Adama, justice pour Mehdi ». Pour avoir scandé ces vérités et exigé justice, avec l’ensemble des autres manifestants, la belle-sœur de Mehdi est aujourd’hui poursuivie en justice (c’est un comble) et est convoquée à la mi-mai en maison de justice et du droit.
Si l’outrage servait effectivement à réprimer le fait de manquer de respect à une institution – ici la police –, chaque mouvement social verrait des centaines de manifestants trainés devant les tribunaux pour outrage aux forces de l’ordre. Comme ce n’est pas le cas, c’est bien que l’outrage ne sert pas vraiment à ça.
L’outrage est plutôt un outil bien pratique pour les flics, qui leur sert soit à arrondir leurs fins de mois, soit à faire taire ceux qui ne se laissent pas écraser. Aujourd’hui, la machine judiciaro-policière s’en sert contre une mobilisation, contre des gens en lutte.
On se doutait qu’oser réclamer justice face à l’institution policière allait être considéré par les flics et le parquet comme un manque de respect total (le fait de « porter atteinte à [la] dignité ou au respect dû à la fonction dont [une personne chargée d’une mission de service public] est investie » constitue un outrage puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende selon le Code Pénal). On imaginait bien que formuler cette demande minimale, c’était déjà dépasser les bornes. Mais on ne pensait pas qu’ils iraient jusqu’à continuer d’accabler une famille endeuillée en faisant planer sur un de ses membres une sanction pénale.
Maintenant on est prévenu : en face, ils peuvent tout se permettre.
Nous n’avons rien à regretter de ce qui a été dit. Ce que L. a clamé dans cette manif, nombreux sont ceux et celles qui le pensent également. Un nouveau procès ne nous fait pas peur. Il faudra plus que des convocations en maison de justice pour nous faire reculer.
Comité Justice et Vérité pour Mehdi
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