Sexualités
Qu’est ce que la sexualité ?
Le genre sexué est la donnée fondatrice de la vision actuelle de la sexualité. On ne parle pas de personnes mais de femmes et d’hommes avec toutes les contraintes et l’enfermement identitaire que cela entraîne. Dans une démarche de déconstruction des genres, on ne devrait pas parler d’hétérosexualité, d’homosexualité, ou même de bisexualité, qui sont des notions normatives et vectrices d’enfermement, mais de relations entre des personnes.
Dans notre société, le terme sexualité est généralement lié à la pénétration, pratiquée par un homme et une femme. Cette normalisation de la sexualité est fondée sur un rapport patriarcal instaurant une hiérarchie dominant-e/dominé-e. La personne qui pénètre est perçue comme active et dominante, et celle qui est pénétrée comme passive et dominée. Hiérarchie que l’on retrouve aussi dans la description d’un rapport sexuel entre personne de même sexe biologique.
La sexualité, ou plutôt les sexualités, peuvent s’exprimer de façons très diverses : entre personnes dites de même sexe ou non, à 1, 2, 3, 4, ou plus, avec ou sans pénétrations, contact physique, jouets sexuels, etc... Il y a autant de sexualités possibles que d’individus et d’occasions de l’exprimer.
De plus l’auto sexualité, en tant qu’expression d’un désir et de plaisirs ressentis est une sexualité à part entière, et non la simple expression d’une frustration due a un manque de relations sexuelles à plusieurs. De même la notion de plaisir ne doit pas être limitée à celle d’orgasme, ni celle de désir à celle d’envie.
La seule limite à poser en terme de sexualité est celle du consentement. Bien que ce soit une notion complexe, car de nombreuses circonstances peuvent pousser un individu à se dire ou se sentir consentant alors qu’il ne l’est pas réellement (consentement par défaut...), d’autant plus dans une société ou la sexualité est un domaine d’expression fondamental de la domination.
Nous nous positionnons donc comme pro-désir, pour la recherche de satisfactions et ce à travers des désirs déconstruits et décloisonnés du clivage de genre féminin/masculin.
Désirs et plaisirs, malléables parce que subjectifs, sont construits socialement. Dans une société de pouvoirs, ils sont donc basés sur la domination.
On peut facilement constater une demande de machisme de la part d’une bonne partie des femmes ; elles ont été conditionnées pour désirer ces rapports humains de pouvoir.
Selon le contexte, désirs et plaisirs peuvent être soit émancipateurs et libérateurs, soit outils de pouvoir.
D’où la notion de plaisir intégral, différente de celle de jouissance orgasmique.
Chaque personne a un rapport différent, unique et original à sa sexualité avec des envies, des attentes et des désirs particuliers. Les rapports sexuels partagés devraient donc être des moments d’écoute, d’attention et de respect de soi même et des autres, excluant des rapports de domination et de pouvoir.
Nous prônons le droit à l’indifférence : la sexualité d’une personne lui appartient. Elle ne devrait pas servir à la catégorisation des individus, que ce soit dans un objectif de discrimination ou d’affirmation identitaire.
La pudeur
La pudeur nous est présentée comme étant liée au corps, à la sexualité et à l’éducation.
En effet si on consulte différentes définitions qui ont été données de la pudeur, on y retrouve invariablement la référence à la sexualité :
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- Larousse 1923 : sentiment de crainte ou de timidité que font éprouver les choses relatives au sexe : pudeur virginale.
- Robert 1967 : sentiment de honte, de gêne qu’une personne éprouve à faire, à envisage des choses de nature sexuelle…Gêne qu’éprouve une personne délicate devant ce que sa dignité semble lui interdire.
Par ailleurs l’accès à la notion de pudeur fait partie de l’éducation donnée aux enfants, dans leur éveil à leur future vie d’adultes. En pratique, la notion de pudeur est aussi liée à celle de liberté.
Élargi à tous les domaines de l’image qu’on souhaite donner de soi-même, y compris celui des idées, le droit à la pudeur fait plus ou moins consensus : chacun-e s’accorde à reconnaître à toustes le droit intangible à un « jardin secret » qu’il-elle souhaite préserver.
Le déni de ce droit humain élémentaire, inscrit au plus profond de chacun-e, est un outil privilégié des régimes totalitaires comme de l’armée, dans une logique d’oppression sur l’individu au travers de son corps. Obsédés de panoptisme, dans le but de dominer leurs « sujets » si possible jusqu’à l’esprit même, ces régimes s’attaquent à l’intégrité corporelle, directement, mais aussi au travers de l’image sociale de soi. Les populations s’y trouvent réduites à des masses indifférenciées.
Les déportés des camps d’extermination nazis étaient mis à l’extrême bas de l’échelle d’une hiérarchie sociale visant à exclure certaines catégories de la population du droit à l’humanité. La nudité imposée à ces files de déportés en marche vers la mort avait entre autres objectifs celui de présenter d’eux une image collective, et infantile (dans le sens de non adulte), de soumission absolue à la force implacable du système concentrationnaire.
La réduction du corps à ses fonctions « mécaniques » est l’une des marques d’un état totalitaire. Dans cette conception, la déconsidération de l’individu doit être instillée dans les esprits. La pudeur, le refus de la nudité, deviennent alors suspects et à combattre en tant qu’ils révèlent la réticence de l’individu à faire totalement don de sa personne au système. L’écrivain tchèque Milan Kundera (L’insoutenable légèreté de l’être – 1984), évoque, notamment au travers des relations d’une de ses personnages avec sa mère, comment le système de pensée de type totalitaire soviétique stigmatise toute velléité de pudeur, en l’entachant de suspicion et en insistant sur une soi-disant uniformité de tous les êtres humains. Dans ces régimes, l’humain est réduit à un objet dont les sentiments, entre autres la pudeur, sont piétinés.
La pudeur est en effet également définie comme un sentiment, donc par nature personnelle, subjective et fluctuante. Elle est néanmoins instrumentalisée à des fins d’oppression, et transformée en concept moral uniforme, niant l’individualité de ce sentiment.
La plupart du temps présentée comme un accord diffus entre tous les individus, la notion de pudeur varie cependant selon les époques et les sociétés. Celles qui n’en ont pas la même conception que les sociétés fortes sont considérées comme « décadentes » ou « sauvages », et la nudité collective, totale ou partielle, réelle ou fantasmée, constitue alors l’un des indices sociaux de « sous-humanité » qui alimentent l’auto-justification morale du colonialisme.
De même que la religion crée l’impie, c’est la pudeur qui crée l’impudeur (voire l’exhibitionnisme…). La pudeur est présentée comme neutre, l’impudeur étant alors forcément négative. La pudeur est la norme ultime.
À la notion de pudeur normative s’est toujours opposé historiquement et culturellement un courant de résistance. Dans notre société où cette pudeur normative vise traditionnellement le corps, ce courant de résistance s’est exprimé et s’exprime encore à travers une réflexion théorique donnant lieu à de nouvelles pratiques sociales, dont le naturisme.
Comme la non mixité, le naturisme peut être une étape vers une libre fédération des désirs de chacun-e, par la déconstruction de la norme existante, mais il ne constitue pas en soi une finalité suffisante.
S’il permet une reconstruction de l’individu-e par la réconciliation avec son corps, la fin de sa division entre parties « montrables » et « honteuses », on peut déplorer que sa pratique actuelle soit en deçà de ce qu’on pourrait en espérer, et tende à rester normative vis à vis des personnes et des structures sociales dans lesquelles elles s’inscrivent (famille…) Vis à vis des « habillés », le corps reste « suspect » de sexualité, et chacun-e doit donc en quelque sorte se justifier, plutôt que construire de nouvelles relations sociales. Les représentations du naturisme restent proches de certaines références tolérables par la société dominante : l’humain en accord avec « la Nature », davantage « bon » que libre.
Dans les sociétés de domination, le corps est en effet suspect en tant qu’il « échappe » à la volonté.
Il possède son évolution propre, grandit, change, vieillit. Et en particulier le corps nu, car on naît et on meurt nu. La nudité nous renvoie donc à notre condition d’être mortels et nous éloigne du divin. Le puritanisme, morale patriarcale fondée sur la « toute puissance » rejette la nudité et la sexualité en tant qu’expression du corps parce qu’il rejette la mort. Afin d’ « être à l’image de Dieu », il convient de nier le corps, de le mortifier.
Dans les sociétés puritaines, on cache le corps, surtout s’il apparaît « hors norme » : faible, handicapé ou vieux ; c’est d’autant plus vrai dans la culture patriarcale où la sexualité « acceptable » est liée à la reproduction... Il nous rattache également à notre part animale : poilu – à épiler ! puant – à désodoriser ! bref satanique. Sa présence devient alors « obscène », c’est à dire « qui n’est pas sur la scène » du socialement acceptable, et n’a pas à être mis en lumière.
Le corps n’est jugé acceptable que s’il est mis en scène dans un rapport de maîtrise, de pouvoir. La notion de pudeur, en tant que contrôle de l’individu au travers de son corps et de l’image de celui-ci, s’affirme comme outil d’oppression, en particulier sur la partie féminine de la population. À l’époque de la mode des corsets, le corps féminin, réduit à un stéréotype, était artificiellement exalté dans ce qui représente sa « féminité » (seins, fessier opulent, taille fine, fragilité) et maltraité, nié, caché.
La société occidentale actuelle est d’une certaine façon de moins en moins pudique : essentiellement dans le domaine de la vie privée qui s’étale, via les médias, volontairement ou non, à la vue de tous. Dans le monde de la publicité, et dans les lieux où on se montre comme les plages, le corps lui même est de plus en plus dénudé.
Mais il s’agit dans tous les cas d’une « impudeur » maîtrisée, instrumentalisée, en particulier dans le « publisexisme », qui multiplie la représentation des femmes en situation d’images commerciales, d’objets qui « sexualisent » ce qu’elles touchent. L’objectif de la publicité n’est pas de proposer un autre regard sur soi-même et les autres, mais d’utiliser les images qui seront les plus propices à créer l’envie de consommer. Parfois, la publicité inverse les relations de pouvoir, mais ne les remet jamais en cause.
Présentées en situation de faiblesse, les femmes se voient proposer la solution de la pudeur comme protection (dont l’extrême est le voile dit « islamique » dans sa version la plus aboutie, la burka qui dissimule tout le corps). Ce système fonctionne selon le cercle vicieux de la peur de soi-même et de l’autre : la femme se sentirait physiquement faible vis-à-vis de l’homme, l’homme vis-à-vis de lui-même face à la tentation ; dans cette situation, la force de séduction de la femme réside dans sa faiblesse au « malin », elle est tentatrice. C’est une force viciée par essence ; il convient donc de la cacher.
Alors que chez l’homme c’est sa faiblesse qui serait mauvaise. Sous prétexte de protection des femmes, c’est un modèle de domination qu’on perpétue : l’homme donne le meilleur de lui-même dans le rôle du fort, la femme dans celui de la faible. Les hommes se trouvent eux-mêmes enfermés dans cette image. La virilité y apparaît comme violente, et le sexe masculin est perçu comme systématiquement agressif.
La pudeur ne protège nullement contre la violence sociale, mais est uniquement un symptôme des angoisses engendrées par le système patriarcal, ainsi que l’expression d’une conception du « désir » comme s’appliquant nécessairement à une personne objet.
Avec la pudeur physique, on assiste à une séparation symbolique entre le corps d’une personne et la personne elle-même : le corps est « inférieur à l’esprit », comme la femme est « inférieure » à l’homme. Le corps est caché, et traité en objet. De ce fait, les sociétés puritaines ont toujours encouragé – et organisé – la prostitution, et les maisons closes.
C’est le corps qui fait scandale, et non la violence qui lui est infligée. Le sein de telle chanteuse entrevu en direct à la télévision soulève davantage de protestations que les violences que nous avons l’habitude de regarder au journal télévisé.
Qu’il s’agisse des relations sociales « hommes »-« femmes », adultes-enfants, ou plus généralement entre personnes, la question qui reste centrale est celle des rapports de pouvoir susceptibles de s’établir au sein de la société, intime ou élargie, et de l’absence de respect que ces rapports de pouvoir engendrent.
Historiquement, l’ordre moral, qui inclut la notion d’obscénité du corps, sert d’exutoire à la violence économique et sociale. Il détourne la colère de ses objectifs légitimes (le système d’oppression et ses rouages), pour maintenir les individus dans une agressivité tournée contre eux-mêmes et leurs semblables, qui leur donne une illusion de puissance et de maîtrise.
S’émanciper de la notion de pudeur normative, participe d’une déconstruction sociale, créatrice d’une libération plus générale.
La prostitution
La prostitution est un des piliers fondamentaux du puritanisme et du patriarcat.
Même si les prostitué-e-s ne se reconnaissent pas tou-te-s dans la catégorie "femme", elle-il-s s’identifient rarement comme appartenant à une catégorie de genre "masculin". Ce qui n’est pas le cas des client-e-s. La prostitution entérine en effet l’idée selon laquelle seules les personnes de genre masculin éprouvent un réel intérêt pour les activités sexuelles, et entretient le mythe d’une vénalité "naturelle" qui serait propre aux personnes assignées au genre féminin.
Dans la prostitution le patriarcat, le puritanisme et le capitalisme interagissent pour se renforcer les uns les autres.
Le patriarcat construit, pour se pérenniser, des carcans identitaires auxquels les femmes doivent se conformer. Ils se divisent en deux grandes catégories. D’une part la femme « purifiée » qui appartient à un seul homme, lavée de son « impureté originelle » en accédant au rôle sacralisé de la mère qui « enfante dans la douleur » et se voit amputée de sa sexualité. D’autre part, celle qui est « impure », appartient à tous les hommes et sert de réceptacle aux pulsions sexuelles des dominants afin de préserver la « vertu » de l’autre femme. Objets sacralisés ou méprisés, on les oppose alors qu’elles sont les deux facettes de la même femme, aliénable ou aliénée, jamais propriétaire d’elle même. Il existe de multiples formes de relations prostitutionnelles qui ne sont pas reconnues comme telles (ex : dépendance économique et "devoir conjugal" des "femmes au foyer"). La prostitution participe à leur maintient au travers des représentations qu’elle véhicule par sa simple existence.
Dès le moyen-âge l’Église est favorable à la prostitution. « Supprimez les prostituées, vous troublerez la société par le libertinage » disait Saint Augustin. En réalité, l’idéologie puritaine rejette davantage la liberté sexuelle que la prostitution car cette dernière lui sert d’exutoire. Elle a tout intérêt à entretenir la confusion entre les deux pour occulter l’existence potentielle ou vécue d’une jouissance inaliénable. Les « travailleu-se-r-s du sexe » légitimistes déclarent ne pas vendre leur corps mais un « service sexuel ». Ce « service » se traduit quoiqu’il en soit par une mise à disposition du corps. Une sorte de location, comme si le corps d’une personne était un objet extérieur à elle-même. Et c’est à ce rapport détaché à leur propre corps que les prostitué-e-s sont contraint-e-s de se soumettre pour satisfaire les exigences de leurs client-e-s. Ce rapport d’extériorité au corps est banalisé car profondément intégré dans les mentalités. Il est le fruit du conditionnement mental puritain qui consiste à séparer ce qui est supposé être « le corps » de ce qui est supposé être « l’esprit » en les plaçant dans un rapport hiérarchique. Puisque le corps est jugé « inférieur », il peut alors servir d’ustensile, d’outil de travail.
D’autre part, au travers de la pornographie commerciale dite « professionnelle », de la publicité sexiste et des différentes formes de prostitutions, le capitalisme a intérêt à faire passer la consommation de sexe pour la liberté sexuelle, et faire de la sexualité un produit qui se vend plutôt qu’un plaisir qui se partage. Le mot « travail » signifie « instrument de torture ». En fait, il s’agit d’une activité qui se voit transformée en contrainte, en obligation de fournir des efforts, par le capitalisme via le salariat et les rapports marchands. Pour que le travail soit aboli, il faudrait que les activités socialement utiles soient distribuées et exercées dans une dynamique de partage et de gratuité et dans le respect des besoins et des désirs de chacun-e. Non dans un maintien des rapports marchands qui, eux, sont basés sur une logique d’échange. La prostitution, c’est l’aliénation de la sexualité par le capitalisme !
La loi Sarkozy contre le « racolage passif » criminalise les personnes prostituées. L’écrasante majorité d’entre elles n’ont pas choisi de se prostituer parce qu’elles en éprouvaient le désir, mais pour survivre en espérant que cette situation sera temporaire. On entend souvent « Si elles déclarent que c’est un choix, où est le problème ? ». D’une part elle-il-s sont minoritaires à déclarer que « c’est un choix » et s’expriment pourtant au nom de tou-te-s, d’autre part, qu’entendons nous par « c’est un choix » ? Tout acte humain est le résultat d’un choix, mais ce choix est la plupart du temps un choix par dépit, un consentement sans désir. C’est ici que se situe la limite de l’intérêt du terme « consentement ». Il y a une énorme différence entre la majorité des prostitué-e-s et les « travailleu-se-r-s du sexe ». Ces dernier-e-s, font de la propagande par l’acte et l’apologie de la prostitution. C’est là un choix idéologique et politique libéraliste et non libertaire, contre la liberté sexuelle. L’état français se prétend abolitionniste alors que sa politique est un mélange de réglementation (prélèvement d’impôts sur les revenus de la prostitution qui condamne les personnes à une rentabilité accrue) et de prohibition (lois contre « le racolage passif »). Si aucun pays n’applique véritablement une politique abolitionniste c’est justement parce que l’abolitionnisme ne peut, en fait, se concevoir que dans une démarche libertaire révolutionnaire. Alors que le prohibitionnisme, comme le réglementarisme découlent logiquement de tout système étatique et/ou capitaliste.
Donner un statut professionnel aux "travailleu-se-r-s du sexe" c’est reconnaître une utilité sociale à la prostitution, c’est adhérer à la morale puritaine, à la marchandisation et au patriarcat. Quelques dizaines de "travailleu-se-r-s du sexe" regroupé-e-s dans ces associations réglementaristes et légitimistes revendiquent ce statut. Médiatiquement et politiquement ces revendications occultent une réalité du phénomène prostitutionnel qui intéresse la grande majorité des victimes de l’exploitation sexuelle. Croire que la réglementarisation étoufferait l’exploitation sexuelle, c’est faire fi des profits financiers qu’elle génère à travers la traite de centaines de milliers de personnes dont certaines sont des enfants et de son aspect international.
Lorsque le capitalisme, le puritanisme et le patriarcat auront été abolis, la prostitution sous toutes ses formes aura disparu.
Le privé est politique
Définitions :
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- Intime : Quelque chose qui fait partie de la vie d’une personne et qu’elle ne souhaite pas partager et/ou rendre public, si ce n’est, éventuellement, avec un nombre très restreint de personnes. L’intime peut concerner les relations interindividuelles mais pas obligatoirement. Dans une société où les pouvoirs institutionnels (relayés par les rapports de domination interpersonnels) tendent à investir tous les espaces de vie, la préservation des intimités est une forme de résistance.
- Privé : Ce qui est censé échapper aux regards et aux règles qui régissent la vie publique, parce que réservé/appartenant à une personne, ou à un groupe de personnes regroupées au sein d’un « ménage », d’une famille ou d’une « personne morale » (ex : associations loi 1901). La notion de vie privée est, dans notre société, intimement liée à celles de propriété privée. Contrairement à l’intimité, la « vie privée » est instituée par le système patriarcal et capitaliste et encadrée par des lois (code civil).
- Public : Ce qui concerne l’ensemble des individus au sein d’un groupe, ce qui leur est commun.
- Politique : Organisation de la vie publique. Ensemble des codes et des règles qui régissent les rapports entre les individus en leur assignant une place et un rôle au sein de la collectivité. La politique désigne aussi les tensions et les rapports de force entre les pouvoirs et les sphères de résistances.
Tout acte humain a un sens politique quel que soit le contexte (public ou privé). Car il engage la responsabilité de la personne vis à vis d’elle-même et des autres. Il découle des choix éthiques et stratégiques, conscients ou inconscients, de cette personne et traduit donc sa relation au monde, la manière dont elle définit/différencie ce qui est « bon » et/de ce qui est « mauvais ».
La séparation entre le privé et le politique est arbitraire. Elle est le fruit d’une construction sociale et un instrument d’oppression.
La vie privée des femmes est sans cesse étalée sur la place publique (prise en compte de la situation maritale et familiale comme critères de non embauche par les patron-ne-s, politiques familiales natalistes et débats à propos de l’adéquation entre « vie professionnelle » et « vie familiale » qui semble ne concerner que les mères, utilisation récurrente par les administrations, les instituts de sondages et les médias des termes « mademoiselle », « nom de jeune fille » - voire « nom de femme » - et « ménagère »). Même s’il y a de moins en moins de « femmes au foyer », les tâches ménagères restent très inégalement réparties. Les femmes sont habituellement renvoyées, au moins symboliquement, à la sphère privée-familiale. Elles sont donc désindividualisées (notamment via la propagande diffusée par la presse « féminine » : recettes de cuisine, déco d’intérieur, potins et tests psy, « beauté », et publicités à profusion).
En revanche les hommes sont, la plupart du temps, renvoyés à la sphère publique à titre individuel (carrière professionnelle).
Les normes et schémas de domination conditionnent, notamment via l’éducation, les rapports de pouvoir dans le domaine intime (ex : les constructions d’identités de genre et les rapports de subordination/domination qu’elles induisent). C’est pourquoi il est nécessaire d’agir à ces deux niveaux si on souhaite réellement combattre le patriarcat. Le peu d’effets que les réformes du code civil ont eu sur la réalité quotidienne depuis l’abolition (dans la loi) du « chef de famille » démontrent que, sans un effort de déconditionnement profond des mentalités, l’action dans le domaine public n’a que peu d’efficacité. Et si elle en a, c’est bien parce qu’indirectement elle contribue en partie à l’enclenchement d’un processus de déconditionnement. Preuve qu’il n’y a pas de véritable frontière entre les deux notions. La croyance en une frontière étanche entre les sphères privées et la sphère politique sert de refuge aux militant-e-s « progressistes » qui préfèrent maintenir une hiérarchie entre les luttes, la lutte contre le patriarcat étant reléguée à une place subalterne : « ça c’est la vie privée, ça ne nous regarde pas... », comme si analyser, critiquer et dénoncer la domination genrée au sein des espaces privés revenait à vouloir exercer une coercition à l’égard de ces espaces privés. C’est confondre la pratique de la subversion avec un mode d’intervention autoritaire.
Mixité/Non mixité
Nous subissons la non-mixité dans nombre de circonstances de la vie quotidienne, a contrario on la choisit rarement, exemples : filières d’études, milieux professionnels, toilettes... Mais ce phénomène nous est-il imposé de l’extérieur ou se l’impose t-on nous même ? Notre construction sociale sexuée conditionne nos choix et nos actions tout au long de notre vie, c’est ce qui crée la non mixité. Sans oublier qu’à l’intérieur d’un groupe non mixte, se retrouve d’autres shémas de domination que ceux liées au sexe.
La non mixité liée au genre peut devenir alors un outil ponctuel intéressant pour prendre conscience des mécanismes de domination/soumission en jeux dans les comportements, pour les expliciter et inventer collectivement des contre pouvoirs.
La non mixité est utile dans certaines luttes, avec une finalité utilitaire et temporaire. C’est un outil qui peut s’avérer indispensable pour les personnes qui subissent une oppression ultra violente. Il est nécessaire qu’un groupe non mixte soit incorporé dans un groupe mixte, c’est un garde folie aux risques de déviances communautaristes. La réflexion et l’action dans les espaces mixtes sont nécessaires si l’on souhaite engager ou poursuivre une lutte qui soit inscrite dans la réalité et non cantonnée dans un univers fantasmatique
Qu’elle soit fondée sur le sexe, la culture, le comportement ou tout autre critère qui s’avèrerait opportun, la non mixité ne saurait se justifier que transitoirement et ponctuellement, sur des sujets précis. Elle est intéressante en tant qu’outil de lutte mais ne constitue en aucune manière une fin en soi.
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