Une part de cette lutte se mène actuellement sur les campus. Et dans sa grande mansuétude, notre cher président Claude Journès a décidé de nous imposer toute une série de « procédures démocratiques ».
Comme il a de l’humour et des lettres, monsieur J. a décidé pour commencer de nous envoyer les flics. Jeudi soir. Bien sûr il y a la « libre expression des étudiants », mais d’un autre côté l’administration refuse d’emblée tout blocage et la moindre occupation : ça sera donc les gardes mobiles et les petits coups de matraques dans les genoux, hors caméra…
Seconde manœuvre démocratique : le saccage des locaux associatifs sur le campus de Bron. Pris de folie (ou d’un brusque accès d’intelligence tactique) Mister President et ses nervis sont allés vendredi piller et ruiner les préfabriqués dans lesquels étaient stockés des matelas, des sacs de couchage et du matériel de cuisine qui constitueraient parait-il un risque pour les « conditions d’hygiène et de sécurité du campus » (c’est à se demander ce que Journès fait de ses duvets ou de ses gamelles quand on le laisse seul à la maison).
Troisième temps : d’ici mercredi on nous mitonne un petit vote électronique, pour enfin forcer ce retour à l’ordre que la flicaille et les coups bas n’ont pas suffi à provoquer.
C’est marrant quand même cette série en trois temps : des CRS par-ci, les tribulations des vigiles et de Journès par là, et puis les passages aux urnes virtuelles pour finir. Il y a déjà largement de quoi nous rendre méfiant et disons même hostile face à cette idée débile du référendum sur internet.
Mais comme on est à la fac, on peut la traiter quand même en trois points, histoire de faire carré et d’assumer notre héritage scolastique :
1. L’idée d’imposer un vote à bulletin secret au bout d’une semaine de mouvement n’est pas de monsieur J. au départ (et ça serait peut être déjà trop lui en demander). En fait il la pique à Sarkozy : cette disposition est présente dans la loi sur le service minimum qui vise à juguler toute possibilité de contestation à la base, et à réserver aux seuls décideurs et aux pouvoirs publics la possibilité de faire la politique (d’où peut être l’étrange diatribe de V. Pécresse qui pensait stigmatiser le mouvement en le qualifiant de… « politique »).
Étre en lutte à ce stade, c’est s’opposer dans les faits, en actes, au « service minimum » ; et il faudrait être bien débile alors pour accepter d’entrer dans le jeu de nos ennemis.
2. À propos d’ennemi, le président et son pitoyable staf de balances se sont clairement mis dans le camp de la police et des autorités [1]. Ils nous envoient les CRS pour nous virer manu militari, ils cassent nos affaires, nous les brûlent, volent notre caisse de grève, la caisse de solidarité… bref ce ne sont pas nos potes. Ils ont pris parti contre nous et ils ont de sales manières ; alors pourquoi est ce qu’on devrait leur laisser la moindre possibilité de définir les suites du mouvement ?
3. L’argument qui tue et qui fait froncer les sourcils : chacun devant son ordinateur, on se sent pas grand-chose. Pris comme individualités, comme des petits forts intérieurs ou des petits noyaux d‘opinions, on n’a pas assez de mains pour bloquer une fac, la transformer en autre chose et s’opposer à sa privatisation rampante, sa sécurisation à tout crin, etc. _ Les anti-bloqueurs, au nom d’un libéralisme touchant, condamnent les AG bruyantes et leurs logiques d’influences, le tumulte démocratique, les effets de foule. Mais c’est précisément pour ça que l’AG est souveraine : parce qu’on peut s’y voir, s’y compter, s’y invectiver parfois… et par là prendre la mesure de notre force collective, des élans qui s’y créent, commencer à s’associer effectivement en communauté de lutte. L’AG est le lieu de composition d’une puissance politique qui n’existe pas si on fait la somme de nos petites solitudes. Une puissance qui suffira on l’espère à envoyer balader les clowns de la présidence et pourquoi pas les flics.
C’est la condition, nous semble-t-il, pour pouvoir espérer construire les conditions d’une victoire face à l’État, et d’une vie joyeuse au passage.
Des grévistes.
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