Jérôme LARONZE, agriculteur tué samedi 20 mai dans le sud de la Bourgogne, apparaît comme une exception au milieu des affaires des cités populaires et des « quartiers sensibles ». Mais à y regarder de plus près, on peut faire un parallèle entre la situation des agriculteurs et celles des habitants des quartiers. Bien que très différentes, ce sont deux populations précarisées, prolétarisées, stigmatisées et constamment humiliées.
Si la précarité des quartiers populaires n’est plus à démontrer, les difficultés économiques des agriculteurs ne sont pas toujours reconnues. Un tiers d’entre-eux a touché moins de 350 euros par mois en 2015. Endettement, surendettement... Derrière les gros tracteurs flambant neufs, la réalité est souvent moins reluisante.
Les classes populaires sont les plus touchées par le chômage, l’interim et le travail uberisé… La gestion de l’activité, ou de l’inactivité, y est très encadrée, fragmentée, contrôlée, contraignante. La part laissée aux individus pour organiser leur vie est réduite à néant. Les agriculteurs, contraints par un arsenal de normes et de réglementations, appliquées par des administrations aussi lourdes qu’incompétentes, ont perdu toute autonomie dans la manière d’organiser leur travail. Dans un cas comme dans l’autre, c’est ce que l’on nomme la prolétarisation.
Nul n’ignore que les cités souffrent d’une image dégradée : drogue, violence, désoeuvrement… La profession agricole supporte, elle aussi, le poids de la stigmatisation : pollueurs, empoisonneurs, profiteurs, chasseurs de primes et de subventions… Si ces qualificatifs reposent souvent sur des réalités critiquables, la généralisation n’épargne personne et les amalgames touchent même les plus vertueux.
Enfin, et c’est peut-être là le point essentiel, agriculteurs et habitants des cités sont constamment humiliés. D’un côté, les dossiers bloqués à la CAF depuis des mois ; de l’autre, les primes PAC non versées. D’un côté, les actualisations à pôle emploi ; de l’autre, les télédéclarations en ligne. D’un côté, les contrôles au faciès ; de l’autre, le puçage généralisé. D’un côté, les fouilles au corps ; de l’autre, les contrôles sanitaires. D’un côté, la garde-à-vue ; de l’autre, la mise en demeure… Autant d’affronts quotidiens, autant de violences ordinaires qui conduisent souvent au drame.
Question drame, les agriculteurs s’en sortent très bien tous seuls : la corde ou le fusil. Un suicide tous les 3 jours dans les fermes de France. Mais Jérôme LARONZE n’avait pas l’intention de mettre fin à ses jours. Il refusait de se soumettre à un contrôle vétérinaire et avait pris la fuite. C’est en cavale qu’il a été abattu par les gendarmes alors qu’il était au volant de sa voiture. Son nom vient s’ajouter à la longue liste des victimes des forces de l’ordre et confirme cette évidence insupportable : les flics tuent. De préférence parmi les pauvres et les précaires.
CNT Interco 71
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