Cette lettre n’engage que ma personne, mais j’espère que beaucoup de personnes avec qui je partage la tête des manifs se reconnaitront dans mes propos.
Comme – je crois – plusieurs personnes adeptes de la tactique du black bloc, j’adhère aux idées anarchistes et donc à l’idée de construire un système et des relations entre personnes sans rapport de domination et de pouvoir. Je me définis donc comme anarchiste. Je me définis aussi comme anticapitaliste, étant donné que le capitalisme est notre système actuel et qu’il créé de l’inégalité et des rapports de domination et de pouvoir. Enfin, je me définis comme antifasciste, et donc aussi comme antiraciste, anti-autoritariste, anti-patriarcal-e, anti-validiste, et anti-LGBTQIA+phobe.
La tactique du black bloc, comme – je crois – plusieurs personnes adeptes de cette tactique, est une tactique que j’ai choisie et qui me permet de réaliser – ou de protéger les camarades qui réalisent – certaines actions qui viennent s’ajouter à une multitude d’autres actions de lutte. En effet, nous sommes beaucoup à aussi faire grève, à rejoindre des piquets de grève et des actions de blocage, à investir nos lieux de travail, d’étude, et de vie pour construire la lutte, et à organiser ou participer à des temps de rencontre par le biais d’assemblées générales et/ou d’occupations.
Contrairement à ce que la classe dominante laisse entendre via ses médias, nous ne sommes pas des individu-e-s avides de violence et d’adrénaline dont le simple but est de casser pour casser. Nous sommes en réalité des êtres très politisé-e-s avec un choix de tactique que nous utilisons lors de manifestations.
Celleux qui ont choisi cette tactique adhère – normalement, il me semble – à ce qu’on appelle « la propagande par le fait » ainsi qu’à la réalisation d’une action qui relève de la société du spectacle pour instituer un contre spectacle. Notre cible est le message, et l’intelligibilité de l’action s’explique par sa cible, comme le dit très bien le chercheur et professeur Francis Dupuis-Déri dans son ouvrage « les black blocs : la liberté et l’égalité se manifestent ». Nos cibles sont donc souvent des banques et assurances - emblèmes du capitalisme ; des bâtiments des institutions – symbole du pouvoir, comme des préfectures ; des panneaux publicitaires – symptômes d’une société de consommation ; ou des grandes chaines – autres emblèmes du modèle capitaliste, telles que les Mc Do et les Starbucks. Nous nous en prenons aussi parfois aux forces répressives, et donc aux forces de l’ordre – envoyées par l’Etat, et donc par la classe dominante – pour protéger ses intérêts de classe et les emblèmes du monde qu’elle a créé et que nous dénonçons et combattons. Nous attaquons les forces répressives parfois de manière symbolique pour le message et parfois de manière défensive pour se protéger, notamment de ses attaques.
Encore une fois, contrairement à ce que la classe dominante laisse entendre via ses médias, nous ne sommes pas de méchant-e-s manifestant-e-s en opposition à de gentil-le-s manifestant-e-s. Nous sommes ensemble. Il me semble donc important de rappeler que notre cible ne sera donc jamais les camarades de la manifestation. Nous ne sommes pas là notamment pour nous battre contre nos camarades syndiqué-e-s. Plusieurs personnes du cortège de tête dans le bloc le sont d’ailleurs sûrement. S’il peut y avoir des divergences de point de vue, de stratégie, ou de tactique, cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas ensemble. Certes, certaines gestions du service d’ordre lors de manifestations ont pu mettre – volontairement ou non – en danger des camarades du bloc, mais cela ne doit pas être un prétexte pour s’en prendre aux personnes syndiqué-e-s de la manif. Il est important – il me semble – de rappeler que ce sont les fascistes qui s’en prennent aux syndicats. Il est donc temps – je crois – de se désolidariser très clairement des propos antisyndicaux lors des manifestations, tout comme nous devrions nous désolidariser des propos putophobes, sexistes ou homophobes que l’on peut parfois - et à mon grand regret - entendre dans nos cortèges.
Si nous sommes révolutionnaires, nous savons que les syndicats ne le sont pas. Nous connaissons leur place dans le système, et nous devons composer avec, nous devons avancer ensemble – et cela même si c’est de manière différente. J’espère aussi ne pas me tromper en disant que le cortège de tête n’attend pas d’être protégé par le service d’ordre de la manifestation, mais plutôt d’être considéré et de ne pas voir des camarades mis-e-s en danger face aux forces de l’ordre à cause des décisions de gestion du service d’ordre. Nous attendons la solidarité.
Pour finir, et j’espère avoir raison de dire que, nous ne sommes pas non plus là pour imposer nos décisions d’action au reste de la manifestation. Notre but n’est pas de prendre en otage les manifestations et manifestant-e-s, comme on peut souvent l’entendre dire. Notre tactique et nos actions ne devraient avoir comme conséquence – il me semble, encore une fois – uniquement les éléments cités plus hauts, à savoir la propagande par le fait et l’instauration d’un contre spectacle qui relève de la société du spectacle. Aussi, la répression des forces de l’ordre ne devrait donc pas être perçue comme la conséquence de notre mode d’action, mais uniquement comme la conséquence d’un appareil répressif de l’Etat que tout-e-s les manifestant-e-s devraient dénoncer ensemble. Car une fois encore, nous sommes ensemble. Contre leur monde.
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