On va s’les faire Komifo...

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3 compléments

Le troisième arrondissement de Lyon autour du quartier de la Guillotière fait l’objet d’une répression policière qui s’est intensifiée depuis un an, date de l’ouverture du commissariat de police place Bahadourian. Au travers de récents événements, nous pouvons constater la volonté de contrôle de la population. Cela se traduit par le fait d’éviter tout débordement.

Des précédents

Dans la nuit de jeudi à vendredi 6 novembre, un groupe d’étudiants s’est réuni rue Vendôme dans un cadre festif. Suite à des plaintes de voisins, la police arrive et leur demande de se déplacer. Les étudiants se dirigent alors place Guichard. Ils sont suivis par une voiture de la BAC. Les premières discussions avec les policiers se passent de manière sereine. Suite à leur départ une heure plus tard, deux étudiants subissent un contrôle d’identité musclé (pris à la gorge, ils sont poussés violemment). Cette scène alerte deux de leurs ami(e)s qui se rapprochent afin de négocier leur départ avec les policiers. Sans sommation, les premiers coups des policiers tombent. Le reste du groupe s’attroupe autour des policiers. Les coups se mettent alors à pleuvoir, suivis de gaz lacrymogène. Un des membres du groupe situé en retrait se fait interpeller, frapper au visage et sur le corps à de multiples reprises une fois au sol. Il est sorti samedi après 36 heures de garde à vue.
Résultat : un crâne ouvert, un bras cassé et de multiples ecchymoses, soit une soixantaine de jours d’ITT cumulés et une accusation de violences aggravées sur agents de la force publique. Finalement, les policiers reviennent sur leur plainte et la substituent en une simple rébellion. Les policiers ont reconnus s’être « blessés » aux phalanges et aux genoux en frappant. Verdict le 8 décembre en Maison de Justice.

Premier récit de l’expulsion du Komifo

Samedi soir, dès 22 heures une boum, en soutien au squat du Komifo contre sa fermeture, était organisée dans les lieux. Vers 2h du matin, un lourd dispositif policier (une cinquantaine de policiers de différents corps, des chiens) se met en place dans le but de mettre fin à la soirée et de vider les lieux. Après l’infiltration de 3 agents, les participants réagissent en accourant vers la porte afin de contenir la police. De nombreux tirs de lacrymogène fusent, la pression policière se fait sentir. Une barricade se monte rapidement. Cependant, la police parvient à rentrer à l’aide de flash-balls. Les participants sortent par derrière entourés d’un cordon de CRS n’hésitant pas à frapper à l’aveuglette. Ils les alignent le long d’un mur et les laissent repartir direction rue de Créqui. Les différents groupes se font charger et certains sont passés à tabac. Étrangement, aux vues des violences policières, aucune interpellation mais surtout de nombreuses blessures (dents cassées, arcades ouvertes, hématomes...). Et des policiers qui, selon plusieurs témoins, regrettaient de « ne pas avoir pu plus s’amuser ».

Second récit de l’expulsion du Komifo

Samedi soir, la soirée se passe pour la dernière fois au squat le Komifo, ça part avec un open-mic avec des gens du quartier, des camarades, ceux qui testent de prendre le micro, l’ambiance est bonne, y a du monde, parce que faut pas oublier que le Komifo a brassé beaucoup de gens, on s’y est rencontré, on s’y sent bien. Quand la boom est lancée, il est déjà tard, on a de l’énergie, on veut faire la fête ensemble, on se connait pas tous mais on est tous et toutes venus.es avec des potes ou on en retrouve sur place – excepté le gars louche qui ressemble à un deck et qui fourre son nez un peu partout (bizarrement les premiers flics en uniforme déboulent 5 min après son départ). Les corps et les esprits se chauffent et les premiers murs commencent à tomber, le Komifo, destiné à être détruit par la mairie après l’expulsion, va l’être en partie pendant cette soirée. Cette énergie, si elle en déçoit certains, les scandalisent ou les poussent dans leurs retranchement moralisateurs et méprisants, cette énergie est pourtant contagieuse et bientôt ce sont les toilettes, le toit et les murs qui sont soit mis à terre soit repeints par des phrases anti-flics, un fumi craqué dans le jardin contribue à l’ambiance ; quelques vitres et bien sûr le bar font les frais de cet élan de joie et de rage ; ils nous expulsent, on va pas non plus leur dérouler le tapis rouge...

Sur ces entre-faits, trois porcs de la nationale débarquent par la porte ouverte, laissée sans surveillance, et se dirigent directement vers le dancefloor où on les invite à regagner la sortie. C’est une escorte d’une quinzaine de personnes insultant et crachant sur les flics qui les ramènent à la porte... laquelle était alors fermée. Scène surréaliste, les flics sont coincés entre les portes du Komifo et des gens très énervés qui, décidément, n’apprécient pas leur présence. Malgré l’alcool et la rage ils s’en sortent, ils ont eu chaud. Des gens paniquent, ne se sentent pas en sécurité et décident de se faire la malle avant que la maison ne soit bouclée, très vite on entend ceux qui sortent par l’arrière : « y a la BAC dans la rue ». De toute évidence on se retrouve à plus d’une quarantaine à rester, à se dire qu’on veut être soudés et solidaires face à ce qui se passe. On cherche nos potes dans la confusion, on se tient. Une barricade est improvisée devant la porte à travers laquelle passent mollards et bris de verre jetés sur les decks par ceux qui tiennent l’entrée, les porcs se décident à gazer puis à entrer boucliers anti-émeutes aux bras après avoir défoncés la porte en quelques coups de pompes. Des objets sont balancés, pèle-mêle : plot de circulation, barbecue, balançoire... Un tir de flashball retentit, on se regroupe dans le fond du jardin, prêts à entamer une sortie collective, on commence à sortir sur le trottoir pendant que ceux qui assurent les arrières se font défoncer, les chiens sont lâchés. Jusque-là, on nous dit qu’on va nous laisser partir sans contrôles mais qu’il va y avoir des arrestations. On se décide à bouger ensemble pour se disperser ensuite, on s’en va en gueulant « Flics ! Porcs ! Assassins ! ».
Certains groupes s’en sortent, d’autres se font courser et certains rattraper.

Les flics sont énervés ce soir, ils ne veulent ni arrêter, ni contrôler mais juste mettre des coups, pour le plaisir. Le mot passe on se cale un rencard et une ou deux heures plus tard, on se retrouve dans un appart’, au chaud. Contents de se retrouver, de se tenir ensemble. On fait le bilan : pas d’arrestations (à notre connaissance), de très rares contrôles d’identité, de nombreuses blessures, mais surtout, une impression d’avoir vécu quelque chose de fort à relativement nombreux, un désir de ne pas en rester là.

Alors voilà, la suite au prochain épisode...

Conclusion

Ces deux événements ne sont pas isolés et s’inscrivent dans une politique de répression et de gestion policière du quartier populaire et immigré de la Guillotière. Après l’opération « quais tranquilles », cela passe notamment par la Mission de Coordination des Actions de Sécurité et de Prévention développée par la mairie du 3e arrondissement, qui vise notamment à un renforcement des effectifs de police pour assurer « la tranquillité des habitants et la lutte contre le sentiment d’insécurité ». Pour autant, l’installation du plus gros commissariat de Lyon place Bahadourian, le « nettoyage » de la place du Pont, l’expulsion violente du Komifo, s’inscrivent plus dans une politique de répression sociale et de gentrification (exclusion des classes populaires du centre-ville) que de sécurisation de ses habitants. En somme, il s’agit de l’expulsion programmée de toutes les populations indésirables du quartier de la Guillotière. La hausse de la violence des interpellations conduit à des situations comparables à la répression subie lors de manifestations sauvages. Il paraît urgent de s’organiser afin de combattre le sentiment d’impunité dont jouissent chaque fois plus les forces de police lors de leurs opérations de « sécurisation ».

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Voitures de police devant le Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Voitures de police devant le Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Voitures de police devant le Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Camionnettes de police devant le Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Camionnettes de police devant le Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Tags en face du Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Tags en face du Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Tags en face du Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Tags en face du Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Tags en face du Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Tag en face du Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e
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Tag sur le Komifo
Expulsion du squat le Komifo, samedi-dimanche 7-8 novembre 2009, Lyon 7e

P.-S.

Note de la modération de Rebellyon : si vous avez d’autres récits, témoignages ou photos, n’hésitez pas à les proposer en complément d’info, nous les publierons éventuellement à l’intérieur de l’article.

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  • Le 17 novembre 2009 à 11:50, par Un Cochon enragE

    (clavier sans accents) L’usage du mot « porc » comme injure releve une certaine insensibilisation par rapport a des autres etres vivants. Les cochons sont des animaux tres intelligent et n’ont rien a voir avec des keufs. Dire qu’un keuf c’est un porc c’est plutot porter des injures envers un tres bel animal que est le cochon
    Je trouve le mot ’flicaille’ va mieux

    a bas la police
    a bas les specistes !

  • Le 14 novembre 2009 à 15:27

    Il serait peut etre interessant de prendre contact avec Rue89, pour rediger un article avec eux....

  • Le 12 novembre 2009 à 16:17

    bon, je vais essayer faire au plus précis et objectif possible mais c’est difficile de tout retranscrire à chaud, et de manière individuelle, n’étant pas en contact avec les autres habitant.e.s dans l’instant. j’ai pas non plus l’âme d’un grand rédacteur de tracts donc désolé pour la prose.

    on va pas revenir sur le déroulement de la soirée, ( session hiphop et boum) qui avais tout d’une sortie en grandes pompes, la maison fut enterrée dignement par une foule venue en masse pour cette dernière fiesta. on peut estimer le public présent au moment des faits a 100-150 personnes environ.

    aux environs de 4 heures du matins, trois keufs se promènent dans la cour, la porte étant restée mystérieusement ouverte. on les raccompagne direction la sortie avec tous les égards dûs a leur rang.
    quelques minutes plus tard les flics arrivent en masse au portail, ne laissant aucune place aux négociations, arrachant le cadenas et gazant a travers la grilles les personnes venues en nombre pour retenir la porte.

    le public sors groupé par l’arrière de la maison pendant qu’une barricade se monte a la porte (tout le mobilier y passe) retenant les flics a l’extérieur pour quelques précieuses minutes le temps que tout le monde évacue les lieux.

    on sors groupé-e-s dans la rue, quelques slogans sont lâchés et le mobilier urbain légèrement redisposé, la flicaille charge et matraque a tout va.
    a partir de là, tout le monde s’est dispersé en petits groupes donc il deviens difficile de savoir précisément ce qui c’est passé. certaines personnes auraient vu des arrestations sans qu’on puisse confirmer. la bac a contrôlé massivement dans le quartier, avec le tact dont ils ont l’habitude. il y effectivement eu une personne maintenue contre un mur et frappée au simple pretexte d’avoir porté sur elle des stickers antifas. au niveau des blessé.e.s, on parle d’un bras cassé (non confirmé) et de beaucoup d’ hématomes dus au coups et de malaises a cause des lacrymos. pour ma part j’ai laissé deux dents sur le bitume et je suis bon pour faire la zombie pride sans maquillage.
    des chiens d’attaque ont étes lâchés sur la foule et des tirs de flashball ont retenti a l’intérieur du komifo. une fois la foule dispersée, il semble que les flics se soient lâché sur le matos de son, j’ai pas pu voir de mes yeux mais a priori il a pas mal morflé (au passage, merci au gentils gens qui sont venus le récupérer le lendemain matin. )

    on a eu l’occasion de se réunir le dimanche, entre les habitant.e.s et une partie du public présent la veille, pour un débrief. un texte collectif a été rédigé et devrai etre publié sur rebelyon a l’heure où j’ecris ces lignes, malgré un petit cafouillage qui a retardé sa publication. il faut savoir aussi que les copains et copines du Sheitan, ouvert il y a peine un mois sont déja menacé.e.s et passent en procès a la fin de la semaine, parmis les autres lieux qui sont aussi expulsables sous peu...

    une chose est sure, on en restera pas là, les projets ne manquent pas et les maisons vides non plus.

    on ne revendiquera rien
    on ne demandera rien
    on prendra
    on occupera
    la ville est à nous.

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