L’après-midi commence par le procès d’une étudiante allemande, Rima*, arrêtée pour avoir crié « ACAB » lors d’un blocus à Lyon2 en décembre 2024. L’action était en soutien à Georges Ibrahim Abdallah et au peuple palestinien. Une seule des entrées de la fac était bloquée. Arrivée sur place, la police a rapidement et violemment chargé et arrêté plusieurs étudiant-e-s pour les contrôler.
Tout le procès tourne autour de ses opinions politiques, forcément d’« ultragauche » pour le procureur. Lequel l’accuse carrément d’« être venue en France pour causer de l’agitation ». Pour avoir crié « ACAB » pendant une charge policière sur une poignée d’étudiants et avoir refusé de donner ses empreintes en garde-à-vue, elle écope de 3 mois de prison avec sursis, 2000 euros d’amende et 5 ans d’interdiction de paraître à Lyon. Par contre, aux dernières nouvelles, le policier qui criait à une étudiante au sol « on va te crever sale chienne » n’a pas été poursuivi. Pas plus que celui qui a mis un coup de bouclier dans la tête d’une étudiante et lui à cassé une dent.
Plus tard dans l’après-midi, débute le procès des deux manifestants arrêtés en quittant le défilé du 1°" mai. Ludovica* et Matéo* sont poursuivis pour « dégradations » et « participation à un attroupement ». Depuis le centre de supervision urbain (vidéo-surveillance municipale de Lyon), un agent aurait fourni une description à un policier en civil dans la manifestation, lequel aurait suivi Matéo jusqu’à l’arrestation [1] (c’est la version policière, donc à prendre avec des pincettes quand on connaît leur propension à trafiquer la réalité).
Elle, comparaît libre sous contrôle judiciaire. Lui, vient de passer un peu plus de deux jours emprisonné à la prison de Corbas.
Le tribunal est rempli de policiers : devant l’entrée, devant la salle de comparution, dans la salle en civil [2]… puis de nouveau à la sortie pour des filatures.
L’affaire est jugée en milieu d’après-midi. Immédiatement, les deux avocat-es de la défense soulèvent une nullité. (pour que le tribunal se déclare incompétent) : iels n’ont pas eu accès à l’ensemble du dossier judiciaire. Il manque plusieurs pages dans le document qui leur a été transmis. Le principe du contradictoire n’est pas respecté.
C’est au tour de la procureure de se lever pour sauver les meubles : « La procédure n’est pas nativement numérique mais numérisée. » Le dossier est, selon elle, à disposition des avocats au tribunal. Si ces derniers pensent que ce qui leur a été transmis est incomplet, c’est à eux de se déplacer et de venir le chercher.
Puis elle finit par menacer, à demi-mot, que si le tribunal donne raison à la défense, les dossiers ne seront alors plus accessibles qu’en version papier (pour ne plus avoir ce type de problèmes). La passe d’armes entre avocats de la défense et parquet continue. Avec ce bel appel à l’unité de la procureure : « Nous avons tous à cœur l’administration de la justice. J’estime qu’entre parquet, avocats de la défense et des parties civiles, nous ne sommes pas des ennemis, mais des contradicteurs. » Au final, les juges acceptent la requête des avocats et abandonnent les poursuites contre Ludovica et Matéo. Mais ce qui ne signifie pas que le procureur ne puisse pas relancer des poursuites avec un dossier mieux ficelé...
Et pour cause, alors que Ludovica s’éloigne du tribunal, des camarades la préviennent qu’elle est suivie par des policiers à pied et en voiture. Elle réussit à les semer et décide de rentrer en Italie et d’attendre une potentielle nouvelle convocation à tête reposée. Matéo n’aura pas cette chance. Renvoyé à la maison d’arrêt de Corbas pour reprendre ses affaires et procéder à sa levée d’écrou, il est re-arrété par une équipe de policiers qui l’attend à sa sortie, devant les portes de la prison [3]. Des camarades venus le chercher en voiture devant la maison d’arrêt subissent un contrôle d’identité dans la foulée (peut être à la recherche de l’autre inculpée).
Les flics lui notifient la reprise de sa garde-à-vue. En effet, avec Ludovica, iels n’ont effectué que la première moitié de leur GAV avant de passer devant le juge des liberté et de la détention (JLD) vendredi 2 mai (et que lui soit placé en détention provisoire). Matéo est finalement libéré le lendemain, après un nouveau passage devant le JLD, avec un contrôle judiciaire. Depuis son arrestation jeudi 1er mai, jusqu’à sa libération mardi soir, en passant par sa garde-à-vue, sa détention, et ses aller-retours dans les geôles du tribunal, il a été enfermé et privé de liberté pendant plus de cinq jours, soit plus que pour une garde-à-vue antiterroriste...
Matéo est convoqué le lendemain (mercredi) dans l’après-midi pour repasser de nouveau en comparution immédiate, le parquet et les flics ont en profité pour essayer de rafistoler la procédure. Rafistolage assez grossier, car il apparaît évident à la lecture de celle-ci qu’un faux a été produit pour combler les manques soulevés à la première audience. Un élément que les avocat-es de la défense ne manquent pas de soulever pour motiver la demande de renvoi. Le parquet demande sans surprise de nouveau de la détention provisoire pour Matéo. Ses avocat-es plaident quant à elleux pour une assignation à résidence en Italie où il justifie d’un travail et d’un domicile stable.
En fin d’après-midi, la décision tombe : Matéo est relâché, doit « fixer sa résidence » dans la périphérie de Lyon au domicile de la personne chez qui il justifiait d’un hébergement (lors de ses passages devant le JLD). Il doit en outre pointer dans un commissariat (en France) toutes les deux semaines et à interdiction de paraître dans Lyon. Son procès aura lieu le 26 juin à 14h au tribunal.
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