Deux conflits sanglants en Afrique
Deux situations différentes
Au Soudan, une guerre par procuration et une guerre contre-révolutionnaire menée contre le peuple soudanais par deux cliques militaires ; en RD Congo une nouvelle agression militaire menée par le Rwanda et ses milices…
Mais, de nombreuses similitudes
Les points communs sont le pillage des ressources (minières, agricoles, forestières), la destruction de l’environnement, les ventes et trafics d’armes, les interventions extérieures, les massacres, viols, crimes de guerre et génocides... au profit de multinationales, de milices et d’États.
Rencontre vendredi 23 mai 2025 à 19 heures avec Sudfa et Génération Lumière
Sudfa media (collectif franco-soudanais) informe sur la révolution et la guerre actuelle au Soudan,
Génération Lumière(collectif franco-congolais) lutte contre la guerre de l’extractivisme en cours en RDC.
Suivie de la conférence clownesque « Palomar vend des armes » (d’après Delfeil De Ton)
dans le cadre des actions artistiques de l’Observatoire des Armements.
Palomar et Zigomar, deux clowns autrefois compagnons de route, se retrouvent par hasard. Palomar est devenu marchand d’armes. Il donne une conférence sur le sujet. Zigomar, libre d’esprit, resté fidèle à ses engagements, met le foutoir dans ses convictions. En vain ? (Durée 15 mn)
Bar, petite restauration et tables de presse. Participation libre aux frais d’organisation.
Et, cela se passe à l’Atelier des canulars, 91 rue Montesquieu - 69007 Lyon
Organisé par la Coordination Régionale Anti-Armements et Militarisme-Lyon, Écran Total Lyon et Stop 5G Lyon.
En savoir plus et agir
Les guerres au Soudan et en RDC ont des causes locales, internes, internationales, militaires, politiques, économiques comme coloniales étroitement mélées... Voici sans prétention quelques éléments d’information.
Soudan et RD Congo : Deux situations politiques différentes
Soudan
La « Révolution de décembre » de 2018/2019 a mis à bas les trente années de dictature militaro-religieuse d’Omar El Béshir qui alliait répression féroce, oppression religieuse, corruption et guerres (Sud Soudan et Darfour). Cette révolution populaire s’est appuyée sur la contestation sociale, l‘action des comités de résistance créés en 2013 et l’engagement massif des femmes soudanaises dans la lutte.
Mais, en 2021 les Forces Armées Soudanaises (FAS), mènent un coup d’État contre la révolution en cours avec le soutien des Forces de Soutien Rapides (FSR). Celles-ci sont issues des milices Janjawed, responsables de génocide durant la guerre du Darfour (2003-2020) et devenues en 2014 des forces armées régulières.
Mais ces deux cliques militaires aux intérêts divergents finissent par s’affronter en 2023 . La guerre s’étend à tout le pays en provoquant au moins 150 000 morts, 11 millions de déplacés et la famine.
RDC
Depuis 30 ans, cœur du conflit se situe au Kivu à la frontière rwandaise. Il trouve en partie ses origines dans la guerre civile rwandaise et le génocide des « Tutsis » par les extrémistes « Hutus » (avril-juillet 1994 (Note : les termes tutsis et hutus sont entre guillemets car ils correspondent à une catégorisation ethnique fabriquée par le colonisateur belge).
Après avoir perdu la guerre civile, les génocidaires se réfugient au Kivu en 1994 et y règnent par la violence armée. Depuis, des milices de tous bords se financent en terrorisant les populations pour exploiter le coltan, minerai vital pour l’industrie électronique.
Par trois fois dans le passé, le Rwanda dictatorial de Kagamé et ses alliés miliciens ont envahi la RDC. Officiellement il s’agissait de combattre les extrémistes « hutus » mais surtout de prendre le contrôle des ressources minières. Six à dix millions de personnes y auraient perdu la vie. S’y ajoutent sept millions de déplacés et quatre millions de réfugiés à l’étranger. La nouvelle invasion de 2022/23 par le Rwanda et son allié du M23, n’est que la poursuite des guerres précédentes.
Des interventions extérieures au profit de multinationales, d’États et d’impérialismes petits ou grands
De tout temps, les guerres attirent des convoitises et des interventions extérieures multiples.
Soudan
Les militaires des FAS sont soutenus par l’Iran, l’Égypte et la Turquie. Les FSR le sont principalement par les Émirats Arabes Unis (EAU), la faction libyenne du maréchal Aftar. Les russes font des affaires avec les deux parties.
Rwanda et RDC
Le régime dictatorial de Kagamé est soutenu par de nombreux pays occidentaux car il sait leur rendre de nombreux services. le Royaume-Uni - le Rwanda avait accepté de recevoir les migrants expulsés de Grande-Bretagne - ; la France - il intervient militairement au Mozambique pour défendre les intérêts pétroliers de Total - ; L’UE - Kagamé a signé un accord pour un approvisionnement « durable » de l’UE en minerais critiques (congolais !) - ; l’ONU à qui il fournit des soldats pour des « missions de paix » au Soudan du sud et en Centrafrique.
Soudan et RDC : des « bijouteries à ciel ouvert » où chacun peut se servir et financer sa guerre
Soudan
L’or, et les productions agricoles sont au cœur du conflit. L’or est exporté illégalement vers l’Égypte et les Émirats Arabes Unis (EAU).
Pour assurer leur « sécurité alimentaire » les Émirats ont massivement acheté des terres au Soudan (200 000 ha) et importent massivement des productions agricoles soudanaises. Les FSR ont ainsi transformé une partie de l’État de Gezira en« gigantesques ranchs militarisés » au profit des Émirats.
RDC
Au Kivu le contrôle des ressources minières locales par les milices finance la guerre et les achats d’armes. Le coltan (mais aussi l’or) sont ensuite illégalement exportés au Rwanda pour alimenter le marché international. Le Rwanda est ainsi devenu un des premiers exportateur mondial de coltan, alors qu’il n’a pas de mines sur son territoire.
Très récemment le gouvernement congolais aux abois espérait conclure un accord sur les minerais stratégiques avec l’administration Trump afin d’obtenir l’appui américain contre le Rwanda tandis que celui-ci s’est déclaré favorable à un accord pour « accueillir » les migrant illégaux expulsés des États-Unis par cette même administration.
Des guerres lointaines pour la pseudo transition numérique, écologique et énergétique et son mode de vie insoutenable, ici et ailleurs
L’or (soudanais comme congolais), le cobalt, le coltan, le cuivre de RDC sont des métaux vitaux pour la relance du capitalisme mondial et sa nouvelle source de profits, la pseudo « transition énergétique ». La « révolution numérique » mondiale imposée par la multiplication d’objets connectés, de téléphones, de data centers pour alimenter l’ogre IA, d’outils de surveillance, de contrôle et de guerre, ne peut exister que grâce à l’extractivisme criminel néocolonial qui ravage ces pays.
Et, en RDC l’extractivisme militarisé des milices n’est qu’une des facettes d’une exploitation aussi massive qu’illégale du cobalt, de l’or et du cuivre par des entreprises principalement chinoises avec la complicité des autorités congolaises.
Voici ce que déclarait une habitante de Fungumura en RDC expulsée de son village : « Nous avons perdu nos maisons et nos champs. Quel genre d’énergie propre est-ce ? ».
Dans ces deux pays et bien d’autres, les mines polluent sols, air, eaux ; détruisent forêts, terres agricoles, milieux naturels, espèces et sociétés rurales pour le seul profit des armées, des États et de multinationales qui ont pour noms : Apple, Samsung, Sony, Tesla, NVDIA, Open AI (ChatGPT), Microsoft, Intel, STMicroelectronics, Soitec, Dassault, Nexter, Safran, Thalès, Navalgroup…
Massacres, viols, crimes de guerres, génocides : des stratégies délibérées afin de briser toute résistance
Depuis longtemps, les guerres se font de plus en plus massivement et directement contre les civils. Il s’agit de détruire « l’ennemi », socialement, physiquement et psychologiquement par tous les moyens possibles en le terrorisant.
Les bombardements massifs sur les hôpitaux, les écoles, les marchés, les immeubles, les camps de réfugiés cela se pratique à Kharkiv, à Gaza, comme à Khartoum ou Goma...
Le génocide est un autre de ces moyens. Au Soudan, les Janjaweed l’ont pratiqué au Darfour contre les populations non arabes et l’ont réitéré en tant que FSR en 2023 contre les Massalit.
En RDC, l’armée rwandaise et ses alliés de l’AFDL ont massacré en 1996-1997. les « hutus » parce que « hutus »
Les viols de guerre sont une stratégie délibérée de tous les belligérants.Cette forme de guerre spécifique frappe les femmes, les filles et les enfants : viols de masse commis devant les familles - provoquant au Soudan de nombreux suicides collectifs de femmes ou l’engagement dans des groupes armés - exécutions, mutilations sexuelles (RDC). Si en RDC l’action du docteur Mukwege (prix Nobel de la Paix 2018) a permis de sauver de nombreuses femmes violées et mutilées, ces violences ne peuvent se perpétuer dans les deux pays que grâce des années d’impunité au plus haut niveau.
Des guerres alimentées par une industrie militaire et des trafics d’armes mondialisés
Le business des armes éclate au Soudan et en RDC dans toute son horreur et son cynisme avec des États qui parfois fournissent sciemment des armes aux deux camps.
Rwanda et M23
Des armements sophistiqués (missiles et drones) sont vendus par la Pologne. Slovaquie, Serbie, Israël fournissent les armes légères. La Russie fournit des hélicoptères tandis que l’industrie militaire chinoise cartonne : blindés, drones, avions…
RDC
La Chine fournit (comme c’est étrange) des drones de combat et des armes légères. Les avions et hélicoptères sont russes ou français, les blindés russes, français, Émiratis, israéliens brésiliens, turcs… Belgique, Israël, Russie, Serbie, Égypte et États-Unis livrent des armes légères. Depuis 2023 de nombreux mercenaires français, roumains et bulgares sont présents.
Soudan
L’armée soudanaise utilise des matériels russes, chinois (blindés, aviation, artillerie), ukrainiens, iraniens et turcs (drones).
Les Émirats soutiennent et arment les FSR pour protéger et développer leurs intérêts colonialistes comme ils le font déjà au Yémen.
Le microscopique État que sont les EAU dispose d’une puissance financière et économique colossale. Cela lui permet d’acheter des armements occidentaux à tour de bras, principalement à la France. Celle-ci renvoie l’ascenseur par une série d’accords permettant aux Émirats de développer une industrie d’armement locale au service de leurs intérêts.
L’entreprise « International Golden Group » liée étroitement à l’État émirati leur permet de contourner les embargos de l’ONU et de l’UE. Les FSR reçoivent ainsi des obus et drones chinois, des obus de mortier bulgares, des blindés émiratis équipés du système Galix, conçu par les entreprises françaises Lacroix, Nexter et Métravib (Métravib est situé à Limonest, près de Lyon)...
Que défaire pour ne pas laisser faire ?
Ces conflits ont tous des causes internes mais ils ne peuvent durer que grâce à des acteurs extérieurs, États, multinationales et trafiquants qui y ont directement intérêt (zones d’influences, approvisionnement en matières premières, ventes d’armes) ou qui espèrent en tirer profit à plus long terme en fermant les yeux, en protestant mollement et en jouant la comédie de l’impuissance.
Qu’ils agissent directement ou indirectement, France, Russie, les Émirats, la Chine, l’Iran, l’Égypte, les États-Unis, le Rwanda, l’Ouganda, la Turquie alimentent cette spirale infernale de combats, massacres, viols, esclavagisation des populations, pillages et famines… dans l’indifférence et l’hypocrisie généralisées.
Ici, nous pouvons lutter en dénonçant l’État et les entreprises qui alimentent directement et indirectement ces guerres en fournissant les armes,
Ici, nous pouvons lutter contre les causes et conséquences guerrières, coloniales, capitalistes de l’extractivisme qui ravagent ces pays pour notre bien-être,
Ici, nous pouvons lutter contre les multinationales qui veulent imposer sur toute la planète un ordre techno-capitaliste numérique au service d’un pseudo « révolution numérique » d’aliénation généralisée qui détruit la planète, là-bas et ici.
Ici, nous pouvons lutter avec les groupes d’ici et de là-bas qui refusent ce qui est présenté comme une fatalité,
Ici, et là-bas, nous pouvons lutter contre les guerres néocoloniales et toutes les guerres, ceux qui les préparent, les arment et les mènent.
CRAAM-Lyon
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