Pour préparer le contre sommet de Cancun, des organisations autonomistes de Mexico-ville se sont mobilisées pour organiser un campement à 30 km de là, à San Salvador de Atenco, permettant par là même de rendre visite à celles et ceux avec qui ils ont combattu il y a 4 ans, maintenant que les derniers prisonniers sont libérés depuis quelques semaines et que le camp des insurgés à la machette est aujourd’hui élu localement.

Rappel historique bref et partial

Atenco est une zone champêtre, dans les abords immédiats de Mexico. Les gens y cultivent encore la terre à l’ancienne, avec ânes, chevaux et machettes... Wikipédia me précise qu’il s’agit principalement d’agriculture de subsistance, avec peu d’excédents vendus...

Un jour, Vicente Fox, président d’alors, décida de la construction d’un nouvel aéroport pour la mégalopole mexicaine, et signa un arrêté d’expropriation (une sorte de projet d’intérêt général, comme on dirait chez nous), après avoir acheté quelques terres à vil prix.
Cependant qu’une réunion officielle avait lieu, des paysans certains accompagnés de leur femme, de la ville s’en irent le chercher pour obtenir quelques explications courtoises mais tombèrent sur une police nombreuse, s’ensuivirent deux jours de « violences urbaines rurales » comme dirait un de nos journalistes avec son langage codifié.
Un matin du troisième jour, me semble-t-il, les renforts sont arrivés, sous la forme d’étudiantEs zapatistes, et pendant trois jours supplémentaires, sont restéEs pour défendre la ville avec pierres et machettes contre l’agresseur policier, bras armé du dépossesseur des terres, super vilain du dérèglement climatique pour les seuls intérêts des classes supérieures globalisées (comme dirait Saskia Sassen). Pour le côté Spectacle, le sous commandant Marcos a pointé le bout de sa pipe et Manu Chao a dit 3 ans plus tard que les policiers étaient des terroristes

Le bilan final est coloré, varié, original et nauséabond.

On peut ainsi y trouver des prises d’otages de policiers, l’arrestation de plus de 200 personnes (chiffres variables), sur lesquelles ont pu se défouler un peu les policiers choqués dans leur amour-propre de voir que les manifestants peuvent aussi faire leurs propres gardes-à-vues. On a ainsi pu mettre en évidence après enquête (c’est-à-dire qu’on ne parle que de ceux qui ont été prouvés), des tortures et / ou traitements cruels, inhumains et / ou dégradants (subtiles distinctions judiciaires) parmi lesquels des viols et / ou abus sexuels (toujours subtiles distinctions) sur au moins 26 femmes parmi les 40 arrêtées...
Certains policiers virés, et 6 ont tout de même été jugés et il semblerait condamnés, de l’autre, jusqu’à 67 ans de prison pour enlèvement de policier, et autres choses méchantes contre l’Etat de droit. 12 étaient encore en prison après 4 ans en juin 2010, mais la justice a déclaré il y a peu que les preuves recueillies étaient illégales et irrecevables et ont donc touTEs été libéréEs et déclaréEs innocentEs.

Synthèse expéditive du campement

Et c’est donc ces charmantEs hôtesSES qui nous ont reçuEs, chantant « la tierra no se vende, se ama y se defiende, Zapata vive, la lucha sigue », dans le parc municipal durant 3 jours, puisqu’ils sont maintenant élus locaux dans cette ville de 15 000 habitants, gagnant après des élections mouvementées, à 10 voies d’écart contre les représentants du Parti Révolutionnaire Institutionnel (sic).
Et, afin de préparer le contre-sommet de Cancun, les jeunes universitaires de Mexico du collectif Anti-C@p ont donc eu le loisir de se voir inculqués des petites leçons pratiques et théoriques d’écologie, et un petit point d’information sur les différents mouvements autonomistes du pays.

On a ainsi :
 cuisiné avec un vélo, pour mixer avec ses pieds, que du végétarien, local, sans drogue ni alcool pendant toute la durée du campement, pour ne pas prêter le flan aux critiques des opposantEs et aux attaques des flics...

 pu chier dans des toilettes sèches, alors qu’existaient des toilettes dans le parc, avec à chaque fois une petite allusion à cet élément symbolique dans les discours montrant combien nous pouvons être exemplaires pendant 2 jours...
 écouté les nouvelles de la police communautaire de Guerrero, dont les rangs sont constitués par des habitantEs de la ville, qui fonctionne depuis 15 ans et aurait fait baisser le taux de délinquance de 95%, selon un companero ;
 eu un brillant exposé sur l’iniquité des objectifs de Cancún, faisant de l’existence même du sommet une entreprise d’extension de la marchandisation du monde et d’ouverture de nouveaux marchés à l’économie capitaliste mondialisée, mais absolument pas, ni même d’ailleurs dans l’objectif des négociations, une volonté de protéger l’environnement. Elle consiste à une volonté de mettre en bourse sur le marché global l’air (bourses de CO2) et les forêts (REDD+). Et donc si le parti du pouvoir et de l’argent se met d’accord pour ces nouveaux commerces, le sommet réussit, une nouvelle défaite sera enregistrée pour l’environnement ;
 écouté les odes au decrecimiento de propagandistes locaux, au discours bien semblable à nos décroissants locaux, peut-être un peu plus ascétique et moins jouisseur que nos chers lyonnais ;
 eu un exposé en plein-air sur le projet d’aéroport, avec vue sur les terres épargnées et le nuage de pollution de Mexico, accompagné de prières aux éléments avec cérémonies mystiques métisses catho-indiennes ;

 entendu plusieurs mouvements de résistance locale aux méga-projets d’infrastructures aussi variés que métro, autoroute, décharge, barrage, qui tous nient le patrimoine, la culture, et la vie locale en général, pour se mettre au service de la compétition planétaire pour attirer les investissements des entreprises capitalistes locales et mondiales qui n’ont d’autre objectif que le profit, et comme condition que la vitesse et l’acceptation docile ;
 écouté un thésard en histoire expliquer au petit déj’ que comme le prouvent les expériences malheureuses de San Juan de Copala et de Tlanepantla de Morelos, ainsi que celles, victorieuses de l’EZLN et de San Salvador de Atenco, des mouvement autonomistes ou zapatistes mexicains des dernières années, les seuls qui ont réussi sont ceux qui étaient organisés et armés, les autonomes proclaméEs et pacifistes ont subi tout autant, voire plus, des enlèvements, tortures, assassinats de la part des para-militaires, et l’autonomie ne leur a pas été donnée en échange de leur gentillesse...

Le sommet de Cancún aura lieu du 29 novembre au 10 décembre 2010.

Jean V.