J’ai décidé de répondre publiquement et anonymement à cet email. Je ne voudrais pas que cette déclaration vienne compromettre ma certification en juin 2020, car vous l’avez bien compromis, la DRDJSCS sera regardante et en évaluera ma dévotion de future professionnelle.
A cela je réponds : Cela fait 3 ans que je suis en formation d’assistante de service social, 3 ans que j’entends le même discours. Nos conditions de travail sont médiocres, mais nous avons choisi ce secteur par vocation... alors sacrifions nous ! Nous sommes constamment dans l’obligation d’adapter nos accompagnements au manque de financement, nous devons être flexibles, adaptables, discret-es et altruistes. Nous continuons à appliquer des dispositifs qui nous semblent injustes et contraires à notre déontologie : des conditions d’accueil et d’accompagnement difficiles dans les centres d’hébergement, dans les appartements éducatifs pour les mineurs, les MECS et les hôpitaux ; des consignes imposées par la Préfecture discriminantes et irrespectueuses envers les personnes migrantes ; les financements stables sont rarissimes et remplacés par des appels à projets éphémères, provoquant ainsi une grande insécurité chez les travailleurs sociaux et chez les personnes accompagnées ; et enfin, une évaluation de nos pratiques professionnelles en terme d’efficacité et non pas de relation d’aide.
Mes 3 ans de formation m’ont suffi à me décourager du secteur social, et pourtant je continue car je reste persuadée que l’entraide est primordiale dans notre société. Oui, nous avons choisi cette profession car nous sommes des personnes altruistes et empathiques. Mais personnellement, je l’ai également choisi par engagement, par conviction, pour lutter pour une société plus juste, où les travailleurs sociaux seraient inutiles car la solidarité serait l’affaire de tous et toutes. Une société qui arrêterait de créer de la misère et de l’entretenir.
Le gouvernement Macron a tourné le dos au secteur médical et social, et aujourd’hui, il nous demande d’aider la « Nation » car « nous sommes en guerre ».
Le gouvernement a maltraité les professionnel-les du soin, ainsi que les travailleurs-ses sociaux-les, et aujourd’hui c’est la population qui paye les pots cassés. Je suis en colère car il y a un mois de ça, nos manifestations et revendications étaient réprimées par les forces de l’ordre, par l’État. Nous demandions inlassablement des financements permettant de proposer un accueil digne des personnes en situation de vulnérabilité, que ce soit dans les structures médicales ou sociales. Nous avons tenté de prévenir le gouvernement. Et quelques semaines plus tard, nous sommes appelé-es à la dévotion pour sauver les structures qui, de plus, accompagnent ces personnes oubliées, discriminées, maltraitées et humiliées par l’État. Les personnes sans domicile fixe, les personnes migrantes, les personnes précaires, les personnes porteuses d’un handicap limitant leur autonomie (dans la société qui leur est proposée) et les personnes âgées ne font plus parties des priorités de notre gouvernement. Et nous, travailleurs sociaux et professionnels du soin, sommes quotidiennement témoin de la violence que cela induit sur elles. Nous sommes contraint-es de flirter constamment avec la maltraitance, du fait du manque de moyen, de temps et de personnel. Cela est insupportable.
Aujourd’hui, vous nous demandez de nous sacrifier pour ces personnes que vous avez vous-même mis en souffrance. Vous nous promettez des conditions de travail sécurisées, or nous sommes informé-es de la rupture de stock des masques, des gants et du gel hydroalcoolique dans les structures médicales et médico-sociales. Nous ne sommes pas dupes.
Je vous demande donc, face à quel choix nous mettez-vous ?
L’équipe de soin de l’hôpital Edouard Herriot a été entièrement contaminée à cause du manque de matériel de protection. L’État nous enverrait-il au casse-pipe ? L’État compte sur nous pour assurer l’accès aux soins pour tous et pour limiter les dégâts dans les structures sociales, mais une fois de plus il ne nous donne pas les moyens de faire notre travail dans de bonnes conditions.
Si je refuse d’être volontaire, je serai égoïste et peut-être devrais-je me justifier de ce choix lors de ma certification. Si j’accepte, je sacrifie potentiellement ma santé et celle de mon entourage, mais je serai héroïque, telle un-e soldat au front ? Mourir pour mes idées d’accord, mais de mort lente !
Malgré les beaux discours et les applaudissements de 20h, l’État continue de fermer les yeux sur les réalités de nos professions.
Aujourd’hui, le gouvernement m’empêche de pouvoir aider les personnes dans le besoin, il m’empêche de répondre à mes missions d’assistante sociale et d’agir en accord avec mes convictions.
Je ne répondrai pas à cette mobilisation, et je refuse d’en porter la responsabilité.
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