Riposte face au mouvement des matons !

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En ces temps de mouvement des matons, l’émission La petite cuillère propose quelques éléments d’analyse contre le système carcéral.

Les matons sont en grève, les médias sont aux petits soins. Et, comme d’habitude, les détenu·es trinquent dans un silence assourdissant.

La petite cuillère, émission anticarcérale sur Radio Canut (102.2FM) tente avec d’autres de briser ce silence, de donner voix aux résistances et de contrer l’image victimaire que les matons veulent se donner.

Voici donc la dernière émission de La petite cuillère à écouter et télécharger ici.

Voici aussi l’appel d’un collectif de détenus du quartier hommes de la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis :

Nous, prisonniers, condamnés ou prévenus, enfermés à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis, lançons un appel contre la conquête sécuritaire qui se joue en ce moment à travers les mobilisations des surveillants de prison dans toute la France.

Cet appel vise également à construire une force collective entre les détenus en lutte et à l’extérieur.

Depuis plusieurs jours, des surveillants de prisons bloquent les entrées des maisons d’arrêt, centrales et centres de détention du territoire français. Ici, à Fleury Mérogis, l’établissement est régulièrement paralysé depuis le début de semaine par plusieurs dizaines de surveillants, empêchant les parloirs avec nos familles, parfois venus de loin, empêchant les extractions dans le cadre des procédures judiciaires (bloquant les aménagements de peine), l’entrée des avocats, les cantines, les cuisines, le nettoyage et toutes les activités dédiées à la prétendue « réinsertion » Leurs revendications sont simples, ils réclament plus de moyens et plus de sécurité pour le personnel pénitencier, ce qui se traduit concrètement par un armement généralisé des surveillants, l’imposition de menottes aux détenus lors de leurs déplacements hors des cellules, et des restrictions conséquentes de nos libertés et de nos droits, pour le peu qu’il en reste.

Leur mouvement fait suite à diverses manifestations supposées de violence depuis quelques temps, qui, si elles existent, ne sont que des actes isolés, bien souvent en réponse à une violence bien plus importante de l’institution carcérale et de l’État en général. Depuis une semaine, nous assistons à une surmédiatisation d’événements sporadiques et minimes sur toutes les chaînes de télévision, sur fonds d’antiterrorisme. Une insulte devient une agression, une bousculade un passage à tabac et un retard en cellule une mutinerie. Et nous voyons ainsi défiler ces mensonges sur BFM depuis le week-end dernier. Les surveillants et leur syndicat, interviewés par les médias, ont présenté la prison comme un « sanctuaire de criminels » où les détenus avaient « pris le pouvoir » dans des zones totalement abandonnées par les pouvoirs publics. Mais cette stratégie de désinformation ne s’arrête pas là et se couple à des actions bien réelles à l’encontre des détenus.

Ce jeudi 18 janvier au matin, alors que tous les parloirs avaient été annulés, que les activités n’avaient pas lieu et que nous étions séquestrés en cellule, sans information et sans même avoir été nourris, l’administration a finalement décidé, en réponse aux mobilisations de leur personnel, de lancer une nouvelle entreprise de terreur comme on n’en voit qu’en prison à l’encontre des détenus, et alors que rien ne s’était encore passé. Vers 11h, plusieurs dizaines de surveillants et d’Eris, armés, cagoulés et près à intervenir étaient déployés dans toute la prison. Alors que les départs en promenade se faisaient sous pression, ponctués de coups de matraque et de bouclier, de fouille à nu arbitraires et d’insultes diverses, nous avons décidé de nous organiser contre ces violences gratuites, exercées pour satisfaire des surveillants en mal de reconnaissance. Sur le bâtiment D2, nous étions plus d’une centaine à refuser de réintégrer nos cellules à l’appel de fin de promenade, qui avait été réduite à 45 minutes au lieu des deux heures quotidiennes. Sur le bâtiment D1, c’est cette fois l’administration qui nous enfermait plus de 4h en promenade, pour prévenir un risque de blocage et en profiter pour fouiller une bonne partie des cellules. Dans les autres bâtiments, nous tentions plusieurs blocages, la plupart mis en échec par l’intervention violente des Eris.

À travers ces blocages, nous voulons exprimer notre droit à manifester, qui nous a été arraché lors de notre incarcération et nous voulons lancer un message vers l’extérieur, contre ce qui se joue en ce moment devant les prisons françaises : l’invisibilisation des violences quotidiennes à l’encontre des détenus – insultes régulières, coups, pressions administratives, les suicides réguliers, les piqûres forcées, les cellules en flamme comme à Fresnes il y a quelques jours, et même les viols, comme à la MAF ou à Meaux il y a quelques mois. Mais également, la stratégie des surveillants qui rappelle celle des policiers qui manifestaient illégalement, masqués et armés, en direction des lieux de pouvoir à l’automne 2016 au cri de « la racaille en prison ! », pour réclamer et finalement obtenir un nouveau permis de tuer.

À travers ces actes de résistance collective, nous nous mobilisons contre cette répression grandissante et contre l’entreprise sécuritaire de l’État pénal. Mais pour ce faire, nous avons besoin de construire une force collective, et que nos luttes soient entendues et relayées à l’extérieur. La violence, la vraie, elle est du côté de la prison, de la justice et de la police, qui frappent, séquestrent et légitiment ces exactions. La violence, c’est l’État.

Nous ne sommes pas des bêtes, nous sommes des êtres humains, et nous refusons d’être enfermés et renvoyés à des faits qui feraient de nous des parias, sans droits et sans dignité. Nous en appelons aujourd’hui à toutes celles et tous ceux qui, à l’extérieur, luttent contre les violences d’État.

Nos mobilisations sont vaines si nous ne somme spas soutenus et si les acteurs des luttes actuelles ne se font pas écho de nos combats. En effet, nous payons le prix fort de ces blocages, la vengeance de l’administration est terrible, plusieurs personnes ont d’ores et déjà été envoyées au mitard, le quartier disciplinaire, et nous savons tous que nos conditions de détention seront rendues encore plus difficiles, du seul fait d’avoir refusé ces injustices. Par ailleurs, nous avons besoin que des mobilisations fortes appuient nos mouvements, car l’administration sait qu’elle a les moyens de nous faire taire, en chargeant nos dossiers en vue de nos procès à venir ou en refusant nos aménagements de peine.
 
Ce texte ne s’adresse ni aux institutions, ni aux défenseurs des soit-disant droits de l’homme et des politiques traditionnelles car à nos yeux, il n’existe pas de prisons « plus justes ». C’est un appel à toutes celles et tous ceux qui, au printemps 2016, se sont soulevés contre la loi travail ; car nous aussi, nous sommes les premières victimes d’une précarisation massive qui nous a contraint à choisir entre la misère et la prison. C’est un appel à celles et ceux qui luttent contre le racisme, car nous aussi sommes les premières cibles d’un racisme d’État qui enferme toujours les mêmes personnes, des jeunes non blancs, parqués dans les prisons françaises. C’est un appel à celles et ceux qui luttent contre les violences policières, car nous sommes ceux qui subissent depuis toujours les violences des forces de police et nous sommes ceux qui se lèvent toujours lorsqu’un de nos frères tombe sous les coups ou sous les balles des forces de l’ordre.
 
Mobilisons-nous, à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons. Construisons une vraie force contre la répression en bloquant et en perturbant les institutions répressives et les politiques sécuritaires. Brisons le silence de la prison, et brisons les chaînes qu’elle nous impose. Liberté pour toutes et tous.
 
Un collectif de détenus incarcérés à la maison d’arrêt des hommes de Fleury Mérogis.

Ce texte est relayé ici par L’envolée.

L’émission La petite cuillère aime recueillir les paroles de détenu·es et de proches de détenu·es pour les relayer. Vous pouvez donc envoyer un témoignage ou une information à lapetitecuillere /at/ riseup.net. Vous pouvez aussi laisser un message sur le répondeur au 07.81.35.93.71 ou envoyer une lettre à La petite cuillère - atelier d’écriture, 91 Rue Montesquieu, 69007 Lyon.

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  • Le 28 janvier 2018 à 19:33, par

    Suite de contestation par l’OIP (observatoire international des prisons)

    Depuis onze jours maintenant, le mouvement des syndicats de surveillants et la multiplication des blocages de prisons donnent à voir un système pénitentiaire à bout de souffle. En voulant sortir de ce conflit social au plus vite, le gouvernement a cependant fait le choix de céder à certaines des revendications les plus répressives des syndicats. Une régression qui accélère la plongée de la politique pénitentiaire dans une spirale sécuritaire contreproductive et attentatoire aux droits de l’homme.

    « Ce qui nous était demandé par les organisations syndicales [se] retrouve très globalement [dans les propositions] » a reconnu la ministre jeudi soir. Alors que son ministère a amorcé un vaste projet de réforme sur le sens de la peine dans le cadre des Chantiers de la Justice, les annonces du gouvernement Philippe augurent d’une accélération des mutations sécuritaires du système carcéral.

    Le gouvernement promet d’abord de massifier une approche ultra-sécuritaire de la prise en charge des détenus considérés comme radicalisés ou dangereux. Le nombre de places réservées dans des « quartiers spécifiques devant garantir les conditions d’étanchéité totale » devrait ainsi exploser : alors que Jean-Jacques Urvoas avait annoncé la création de 125 places au sein de six quartiers pour détenus violents (QDV), le gouvernement envisage de multiplier ce chiffre par dix en proposant 1350 places. L’ancien ministre avait prévenu que « les règles de sécurité les plus strictes leur seront appliquées » avec « fouilles régulières, changements de cellules, limitation des effets personnels… » et restriction des contacts avec les autres détenus. Aujourd’hui, le gouvernement ajoute l’installation de passe-menottes aux portes des cellules et le menottage des détenus durant leurs déplacements. Ce qui ressemble dangereusement au retour des quartiers de Haute sécurité (QHS) dans les prisons françaises, fermés en 1982 par Robert Badinter qui dénonçait leur « régime inhumain ».

    La pratique du regroupement, qui conduit à rassembler des personnes aux « niveaux d’ancrage très disparates » dans la radicalisation, avait par ailleurs été épinglée par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL). Car, comment imaginer que les soumettre à un régime extrêmement coercitif et stigmatisant, propre à nourrir le sentiment de désaffiliation et à renforcer leur adhésion à une identité commune, puisse contribuer à contenir leur ressentiment et à les faire renouer avec la société ? Si les détenus concernés n’ont plus aucun espoir de réhabilitation, si la façon dont ils sont étiquetés en fait des personnes n’ayant plus rien à perdre, le principal risque est de les voir s’ancrer dans le cercle vicieux de la violence.

    Ces quartiers s’ajoutent aux 150 places déjà prévues dans les quartiers d’isolement pour les détenus jugés les plus dangereux. Or, les effets délétères de l’isolement total sur les détenus sont connus, au point que cette pratique a été qualifiée de « torture blanche »[1] : altération des sens, déstabilisation des repères spatio-temporels, décompensation psychologique… « Pour la plupart, l’isolement prolongé rend complètement fou. La mort psychique qui en résulte est un phénomène très inquiétant », raconte un praticien. « En l’absence de relations humaines, soit la personne parle toute seule, soit elle ne parle plus. Très vite, sa pensée devient anémiée, car il n’y a plus de mots, mais la recherche de sensations immédiates. Donc des automutilations, des gens qui se cognent la tête contre le mur… »

    En outre, loin d’être réservée à la prise en charge des détenus considérés comme dangereux, la démarche sécuritaire du gouvernement contamine l’ensemble de la prison. En témoigne la proposition d’étendre les possibilités de poursuites disciplinaires contre les détenus ou de créer de nouvelles sanctions « infra-disciplinaires » pour réprimer « certains actes mineurs ». Mais aussi, le projet à peine masqué[2] de réformer l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 pour permettre à nouveau un usage massif des fouilles à nu en détention, pratique pourtant condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme comme attentatoire à la dignité humaine[3]. Et ce pour quel gain en matière de sécurité ? En 2016, la CGLPL relevait en effet qu’ « aucune donnée significative ne permet de démontrer que l’instauration par la loi pénitentiaire d’un cadre restrictif de recours aux fouilles a eu pour conséquence d’augmenter l’introduction d’objets interdits en détention ».

    La voie dans laquelle s’engage le gouvernement est donc celle d’une atteinte massive aux droits fondamentaux des personnes détenues en remettant au goût du jour des dispositifs abandonnés pour leur nocivité et leur antagonisme profond avec les droits de l’homme. Sans que cette régression ne garantisse que soit atteint l’objectif de sécurité qu’elle prétend poursuivre. Ainsi que l’expliquait très récemment l’ancien Contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue[4], « ce n’est pas en multipliant les mesures de force et de contrainte que l’on va renforcer la sécurité dans les prisons. […] Plus de sécurité, c’est renforcer le modèle français dans ce qu’il a de plus négatif. Je crois qu’il faut dans l’intérêt même des surveillants renforcer un lien de confiance, construire les détenus comme des personnes responsables et à ce moment-là la sécurité reviendra dans les prisons. »

    « Reconnaître la prison comme une violence institutionnelle nous semble être un préalable à toute réflexion sur les causes et les réponses » à apporter aux violences, affirmait le Syndicat national des directeurs pénitentiaires en 2010. Or, avec ces propositions, le gouvernement passe à côté des causes de cette violence : les conditions indignes de détention, aggravées par la surpopulation, l’absence de sens d’une peine sans contenu, la déshumanisation des relations entre surveillants et personnes détenues, la confiscation de la parole et de tout moyen de protestation…

    En allant dans le sens de certaines revendications des syndicats de surveillants, le gouvernement fait le choix de ne pas écouter d’autres voix, qui au sein de l’administration pénitentiaire, ont pu appeler à une autre politique ces dernières années. Enterrées, les conclusions d’un groupe de travail composé de personnels pénitentiaires et de chercheurs qui, afin de réduire la violence en prison, appelait en 2007 l’administration pénitentiaire à « questionner et mettre à plat l’ensemble de son dispositif sécuritaire défensif » et « donner sa place à la dignité des relations sociales en développant la vie sociale en détention » – donc à l’exact opposé de ce qui est proposé aujourd’hui, où l’accent est mis sur l’isolement et la répression. Oublié, le Rapport Brunet-Ludet[5] sur l’expression collective des détenus qui expliquait qu’« il est nécessaire de pouvoir construire un système de relations sociales internes qui associe la parole de ceux qui sont gardés avec celles de ceux qui gardent afin de désamorcer certains conflits, de libérer l’espace de la parole et de créer les échanges sociaux, propres à tout milieu où des hommes vivent ensemble et cohabitent, fût-ce malgré eux. » L’illusion sécuritaire semble avoir de beaux jours devant elle.

    Contact presse : Pauline De Smet – 07 60 49 19 96

    [1] Ainsi que le soulignait la CNCDH en 2004 dans une étude sur les droits de l’homme en prison, 11 mars 2004.
    [2] Cf tract de l’UFAP du 25 janvier 2018.
    [3] CEDH, 2006, Frérot c. France
    [4] Invité des Matins de France Culture, mardi 23 janvier 2018.
    [5] Le droit d’expression collective des personnes détenues, 2010.

  • Le 28 janvier 2018 à 19:26, par la petite cuilllere

    Sur le site, on peut voir la vidéo :
    https://lenvolee.net/

    Appel à la conférence :

    CONFÉRENCE DE PRESSE SUR LES CONSÉQUENCES DU MOUVEMENT DE GRÈVE DES SURVEILLANTSNITENTIAIRES SUR LES PRISONNIERS

    Le mouvement de grève des gardiens de prison suite à l’agression d’un des leurs par un prisonnier menacé d’extradition est largement médiatisé, mais les conséquences de leur mouvement sont systématiquement passées sous silence. Prisonniers et prisonnières sont privés de travail et de cantine ; les promenades sont écourtées ou supprimées ; dans certains établissements, les surveillants coupent l’eau et l’électricité. De nombreux parloirs sont suspendus, ou reportés.Le maintien des liens familiaux, déjà si difficile, est encore mis à mal. La violence de ce traitement exacerbe encore les frustrations des prisonniers, qui subissent déjà la violence de l’enfermement : ce mouvement ne peut que les pousser à bout et provoquer de nouveaux débordements.

    L’Envolée, le Syndicat pour le respect et la protection des prisonniers et l’association Pour les détenus de France, harcèlement physique et moral appellent à une conférence de presse à ce sujet.

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