Spectacle du Komplex Kapharnaüm aux Invites de Villeurbanne

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Compte-rendu et avis totalement subjectif du spectacle proposé par le Komplexkapharnaum au festival des Invites à Villeurbanne au début du mois de juin 2009.

Place Wilson, à Villeurbanne, hormis quelques lambeaux d’affiches sur les flancs de l’église, rien ne laisse présager qu’il va y avoir la représentation du spectacle « Mémento, face B » du KomplexKapharnaüm, la suite de la face A présentée la veille. Bon, on s’installe en terrasse, on salue les connaissances et on commande à boire. Les conversations roulent, délicieusement mondaines « Ah, mais ce n’est pas la Croix-Rousse ici. Au moins on peut se garer devant le bar où on boit un coup ! Ah ah ah ».
Tiens, on voit apparaître le bus du Komplex, on y prête une attention distraite.

Au bout d’un moment, des sons et le mouvement de la foule attirent l’attention. On voit brusquement surgir 4 ou 5 personnes qui traversent la foule en courant et en poussant des petites carrioles qui portent la technique : platines vinyles, consoles, projecteurs, caméras. D’autres distribuent quelques tracts qui portent des slogans tels que « il faut rendre la colère plus efficace ». On les suit rassuré, c’est une déambulation, on connaît.

Les premiers instants confortent dans l’idée qu’on ne sera guère bousculé. Les façades d’immeubles servent d’écran à des projections de plans fixes, interfaces de téléphones portables, slogans ou vidéos. Certaines interviews projetées font tendre l’oreille mais on continue à se saluer et à deviser gaiement.

Malgré tout, un fil conducteur, une trame apparaissent doucement à l’arrière plan.

Au bout d’une vingtaine de minutes se déroule un tableau un peu plus construit associant vidéo, interview, projections murales et collages.
Trois des pousseurs de carrioles se transforment en trois comédiens-plasticiens et font apparaître leurs propres portraits qu’ensuite ils peignent, déchirent, recollent des fragments de leurs propres portraits ébauchant ainsi des personnages à multiples facettes, pléiomorphes pour illustrer la multiplicité d’individus qui coexistent au sein d’une même personne et par là-même l’ineptie de vouloir définir une personne selon des codes normés.
On parle de folie et donc de « normalité », de la manière dont la société actuelle tend à aplanir les différences, par exemple en donnant de plus en plus une réponse médicamenteuse à ceux qu’elle estime « malades ». Déjà on sent poindre la nécessité de résister à cette normalisation.
On reprend notre chemin en regardant les façades, émaillées de petites projections et on s’arrête de nouveau. Là, le groupe s’attaque à un autre sujet sur lequel on cherche à masquer ce qui pourrait faire débat, en l’occurrence les massacres du 17 octobre 1961 à Paris, lorsque plusieurs dizaines de personnes ont été assassinées par la police alors qu’elles manifestaient à l’appel du FLN.

Le tableau illustré par des vidéos et de l’affichage commence d’abord par des descriptions des bidonvilles qui ceinturaient Paris à cette époque et dans lesquels vivaient les travailleurs venus d’Algérie, puis glisse doucement vers le climat politique et la répression dont ils ont été victimes, sur ordre du préfet de police de l’époque, Maurice Papon, notamment à travers la lecture de témoignages de victimes. Le ton devient plus dur, l’ambiance se tend. Dans la foule, les gens sont de plus en plus attentifs.
La transition nous fait avancer quarante ans en avant au moment de l’instauration du couvre-feu de novembre 2005. Là aussi, pas de slogans simplistes mais juste la superposition de déclarations de l’époque et au travers d’une sorte de morphing des présentateurs des JT une critique de l’uniformisation du traitement de l’information et de sa manipulation, qui culmine avec le cas des « terroristes » du TGV.

Le voyage urbain se termine par un retour place Wilson où, sur une toile géante, l’individu et son contrôle sont replacés au centre du débat et le final réaffirme la nécessité de résister à ce contrôle, à l’encadrement forcé et à l’uniformisation qui fait se fondre les personnalités riches en couleurs en une masse inerte, grise.

Les artistes viennent saluer le public, manière de s’approprier et de revendiquer leur action.

KomplexKapharnaüm prend la rue et la détourne. Il en fait une tribune politique et sociale et propose une grille de lecture à entrées multiples : la biologie végétale, la psychiatrie, l’histoire des résistances pour que la cité redeviennent un lieu de discussion et d’échange, le lieu où se fait la politique.

La déambulation, prétexte au rassemblement, est ponctuée d’interpellations qui doivent servir de catalyseurs à la discussion collective. Chaque phrase ou scène projetée est plus qu’un simple slogan sans appel ou une jolie phrase poétique.

Au final, KomplexKapharnaüm évite deux écueils : celui d’un spectacle trop esthétique, lisse, qui ne provoque aucun débat et celui d’une action militante spectaculaire, rafales de slogans et de scènes convenues que l’on a ensuite plus qu’à répéter bêtement et digérer tranquillement

P.-S.

ouaip, j’attends des retours avec plaisirs.

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  • Le 6 juillet 2009 à 14:04, par tommy

    effectivement, on parle souvent d’un nombre plus proche des 200 ou plus je crois que de seulement quelques dizaines, mais il semble que le nombre soit difficile à établir, notamment à case de la disparition de nombreux corps et par le fait que la police a tout fait pour noyer, au propre comme au figuré cet évènement. D’ailleurs, je suis à la recherche d’info sur cette journée, si quelqu’un a des sources à proposer.

  • Le 5 juillet 2009 à 17:03, par nerpro

    massacre du 17 octobre : des centaines de morts et non des dizaines.
    Merci

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