Squat : entre étiquettes et multi-facettes

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Dans quelles mesures pourrions-nous affirmer qu’un squat est un lieu d’action qui permet de se représenter une chose future, considérée comme plus probable que le rêve, et plus proche de sa réalisation que le simple projet ; contenu de cette représentation ?
Entre lieu de vie et lieu d’activité le squat pose problème pour certains qui le présentent comme étant un problème à résoudre. Bien que ceux qui choisissent d’y vivre se rassemblent et se lient socialement dans le besoin. Pour d’autres, il est important, voire crucial de propager l’idée de remettre en question la société et la propriété privée dans le but de la transformer en propriété d’usage.

"Le projet de loi sur la LSI qui s’appuie sur la LSQ va encore plus loin. Bien que le document publié par le Monde du 27 septembre 2002 n’est pas la version définitive et peut faire l’objet de remaniements, ce texte démontre l’esprit dans lequel se trouvent ces messieurs de l’UMP : chasses aux immigrés, aux prostituées, aux mendiants, aux mal logés, aux itinérants gitans et roms.
Dans la LSI le côté « criminalisation de la misère » est particulièrement accentué. La double peine qui permet la condamnation et l’expulsion des étrangers va être élargie aux racolages et également aux troubles à l’ordre public. Cela signifie que les étrangers ne vont plus pouvoir manifester, sous peine d’expulsion. Le racolage, la mendicité et le squat deviendront des délits passibles de six mois d’emprisonnement.
Il permettra aussi de renforcer les pouvoirs de police : extension du fichage génétique, tous les fichiers des organismes publics (ANPE, Sécurité sociale, CAF, Trésor Public.) ou privés (saufs ceux
des médecins et des avocats) pourront servir à la police. Avec ce texte le gouvernement a décidé d’entrer en guerre contre les pauvres. Le projet du ministère de l’Intérieur, s’il était adopté, pourrait conduire à un État encore plus autoritaire et à réprimer tous ceux qui ont eu le malheur d’être rejetés au bord de la route. Parce qu’il vise, pêle-mêle, les mendiants, les sans domicile fixe, les jeunes, les gens du voyage, les prostitués, les militants qui mèneraient des actions revendicatives, ce texte institue une République où la pauvreté est constituée en délit et où la manifestation d’une révolte devient un crime."

Plus de dix ans déjà que le Monde Libertaire a écrit cet article. Certains amendements ont été votés, tandis que d’autres ont été rejetés. Ainsi, grâce à la solidarité de milliers de personnes en oppositions à ces projets liberticides, certains de nos droits n’ont pu être bafoués par cet Etat dirigiste.
En effet, il est toujours possible d’ouvrir des lieux d’habitation et d’émancipation collective afin qu’un grand nombre des mal-logés, des laissés pour comptes et des libre-choisisseurs soient en capacité de vivre décemment.

Dans quelles mesures pourrions-nous affirmer qu’un squat est un lieu d’action qui permet de se représenter une chose future, considérée comme plus probable que le rêve, et plus proche de sa réalisation que le simple projet ; contenu de cette représentation ?
Entre lieu de vie et lieu d’activité le squat pose problème pour certains qui le présente comme étant un problème à résoudre. Bien que ceux qui choisissent d’y vivre se rassemblent et se lient socialement dans le besoin. Pour d’autres, il est important, voir crucial de propager l’idée de remettre en question la société et la propriété privée dans le but de la transformer en propriété d’usage.

Tout d’abord, les squats sont vus généralement par la majorité des gens comme des lieux de débauche, sales et mal-fréquentés, où les personnes qui y logent sont en total rejet de la société. C’est ainsi que la plupart voit d’un mauvais œil le fait de toucher à la propriété privée et d’user de droits tel que la CMUC ou le RSA, qui sont ces mêmes impôts que déboursent les braves travailleurs. D’autre part, les squatteurs sont perçus comme étant en marge de la réalité. Comme des gens vivant de bric et de broc, faisant les poubelles pour se nourrir et dégradant la vie d’un quartier par des comportements et des accoutrements hors normes.

Ce côté anti-social et provocateur choquent bon nombre de citoyens. Ceux-là mêmes jugent, supposent et se font un apriori sur des gens qu’ils définissent comme des personnes n’ayant aucun sens moral ou éthique envers la société qui les a vu naître et les aurait éduqué au mieux. Vus comme des profiteurs de la propriété sacrée aux yeux du plus grand nombre, une minorité qui impose sa loi aux autres, les squatteurs sont le profil type des mange-miettes, des traîne-savates ou encore des saltimbanques des villes et des campagnes de France et de Navarre.

Ensuite, le squatteur est souvent décrit comme quelqu’un de physiologiquement et psychiquement fragile, sensible aux aléas du quotidien. Entre violence comportementale et vie de l’organisme, état et besoins physiques du corps liés aux carences et à la misère physiologique de cet individu. Celui-ci se comporte par tourments et déséquilibres mentaux qui font mauvaise figure auprès des instances gouvernementales du pays.

De plus, le gouvernement en place choisira le plus souvent d’endiguer ce soi-disant mal qu’il croit être à l’origine de l’insécurité, de la non tranquillité et de l’insalubrité publique qui touche une commune ou un quartier. Nous pourrions comparer le squatteur à une sorte de parasite, de cancer, de “kyste” comme le dit si bien monsieur Valls. Éradiquer comme un fléau qui se propagerait, la mouvance squat est ressentie comme une menace, voire une maladie dont il faut à tout prix se débarrasser car elle gêne. En vue de cette société hygiéniste au possible où le paraître triomphe sur l’omniprésence : cette présence permanente qui en tout lieux squatté réside (d’une personne, d’une idée, d’un sentiment). “On est catalogué, coupable à chaque fois, mis à l’écart, fiché ou même montré du doigt. Présumé jeune et dans la mauvaise voix. Et dit "hors la loi".”

Le titre “Pris pour cible” du groupe de rap Sniper défini bien comment les jeunes d’aujourd’hui qui sont en marges du système ont tendance à être jugé. Par conséquent, les habitants de squats font souvent l’objet d’interpellations policières et souvent étiquetés par la presse et les médias de marginaux ou de délinquants aux attitudes irrespectueuses et irresponsables.

Dans un second temps, il existe parmi tous les torchons médiatiques, quelques bonnes parutions qui permettent toutefois de soutenir une cause, un mouvement, une lutte, un évènement ou une situation d’urgence. En effet, celui-ci porte l’intention d’ouvrir sur une perception nouvelle, en complément direct avec l’idée habituelle que les masses se font du mouvement “squat”.
Comme par exemple, lors du “Festival de L’impasse” qui se déroula sur trois jours dans deux squats de Vaise en février 2012, un journaliste du quotidien lyonnais le “Progrès” fit un article qui mit en valeur les tenants et les aboutissants de cet évènement.

Ou bien, cela sera l’affaire de quelques médias dit “politiques, militants ou indépendants” et dont le public ciblé est bien restreint par rapport au nombre d’habitants d’une agglomération ou d’une région. Mais celui-ci fonctionne bien plus en réseau. Il donnera la possibilité aux mouvements d’une certaine éthique ou politique (dite de “gauche”) de pouvoir s’exprimer dans le but de se faire connaître et d’établir un lien entre l’émetteur et le récepteur du message écrit.
Qu’il se nomme Indymédia, Démosphère, Rebellyon, ou autre Squat.net et Jura Libertaire, ces médias indépendants sensibilisent un public engagé parfois ou conscient de l’utilité de ces outils informatiques.
Ainsi, les habitants de squats en font leur promotion car c’est un des moyens qu’ils ont de se faire mieux connaître et de pouvoir parler de ceux à qui les “grands médias” ne donneraient pas la parole ou bien les catalogueraient.
En plus des médias du web, les radios ont aussi un rôle de catalyseur et d’émancipation de la mouvance squat. “Radio Canut” est cette radio libre, militante et revendicative sur la région lyonnaise, à Turin, c’est “Radio Blackout” qui mène la danse depuis la fin des années 70.
Par ailleurs, il y a ce que l’on appelle les info-kiosques, les fanzines, toutes ces infos papiers qui circule de mains en mains dans les squats politiques, artistiques, …

Ensuite, les squats sont tous différents, allant du squat d’une nuit, le squat en appartement, le squat d’habitation, le squat de Rroms, le squat de sans-paps ou de réfugiés politiques, le squat politique, le squat à chien, à chat ou à puce, le squat à punk ou à pirate, le squat artistique, le squat de campagne ou de montagne, le squat de zonards, le squat de luxe, le squat sans eau, ni électricité, le squat chez les autres, le squat de rainbow/hippies, le squat féministe, le squat à concert, le squat pour tous, le squat en plein air ou dans un monastère, le squat de travellers, le squat de clowns, le squat de A à Z, enfin bref, une flopée de lieux aussi différents que les personnes qui les habitent.

De part et d’autre des villes et des campagnes, des lieux souvent temporaires prennent vit et meurent tant que la justice veille au bon déroulement des opérations d’expulsions par les forces de l’ordre. Depuis des années c’est le même refrain qui fait écho : réquisition = expulsion. Sauf pour certains espaces autogérés comme les “Tanneries” à Dijon qui tiennent depuis plus de treize ans, avec reconduction tacite entre la mairie de la ville des ducs de Bourgogne qui est “propriétaire” dudit bien, les squatteurs et l’association Maloka.
Ou encore du “Mimir” à Strasbourg à qui la mairie a accordé un bail amphythéotique de 2 fois 20 ans. En outre, comme à Lyon avant l’expulsion de grands complexes artistiques tel que la “Friche rvi” qui perdura pendant plus de 8 ans ou à Marseille avec la “Belle de Mai”, ces villes étaient riches d’une contre-culture pluridisciplinaire regroupant de nombreux individus en quête d’exploration spontanée et protéiforme, voire fermée sur une ouverture mystérieuse et vidés d’un trop plein d’écœurement du système capitaliste et libéral.

Chaque expérience de vie collective prend fin lorsqu’elle devient un peu trop gênante pour les intérêts de leurs propriétaires qui, bien qu’ils prétendent dans 75% des cas avoir un projet de réhabilitation de leur bien immobilier ou foncier, ô grand jamais ne réaliseront leur plan de construction et ne feront que murer un bâtiment de plus. Malgré cela, prenons l’exemple à Paris du squat d’artistes de la rue Rivoli qui a été restauré trois ans durant et qui fut réhabilité par ses anciens résidents.

L’avenir du squat, et bien pour l’instant il n’y en a pas. Les sans-abris restent toujours dans la précarité et la politique française sur le droit au logement n’évolue pas. Alors que se battent encore quelques avocats pour le droit aux personnes, le droit de la famille, le droit au logement, et des membres d’associations, … La loi n’est pas toujours du côté des ouvreurs de squats qui se font expulser illégalement, manu militari, par ou sans le consentement du préfet. Parfois comme Julien à Montpellier qui se voit comparaître pour du pénal le 24 juin prochain pour vol d’énergie alors qu’il prouve avoir une facture d’électricité, violation de propriété privée alors que la propriétaire de la maison ne peut garantir que c’est bien son domicile principal, et pour refus de prélèvements ADN.

Bien que de belles expériences de vies en collectivités se conjuguent au passé, des bâtiments vacants restent et resteront toujours exploitables par la capacité du squatteur à repérer un lieu vide. Il est un temps où comme à son habitude il devra, lui et ses acolytes, encore une fois plier bagages pour de nouvelles aventures, pour le cas de français de nationalité. Pour d’autres comme les Rroms ou les sans-paps qui doivent presque se cacher pour ne pas être expatriés dans leur “pays d’origine” et qui n’auront d’autres choix que de continuer les procédures à répétitions avant qu’ils ne trouvent travail, passeport, visa ou carte de séjour, CMUC et un logement digne de se respecter eux-mêmes et leur famille, d’envoyer les enfants à l’école pour qu’ils puissent être éduqués et s’offrir, peut-être, un meilleur avenir que n’ont eu leurs parents.

Le squat est un moyen et non une fin en soi où l’émancipation des esprits et des cultures est possible. C’est un lieu d’échange et de partage de nos déstructurations mentales que l’on croient perverties par ce système qui détruit l’âme humaine et toute une palette de libertés qui se réduisent, des injustices vécues au sentiment d’abandon, ou de ne pas trouver sa place. Le squat est un espace d’individus en recherche de destruction créatrice, ou encore d’opportunité de se retrouver seul à plusieurs, de jouer avec la vie et avec la mort, de créer une brèche, une faille dans l’espace et dans le temps.

Le mode de vie en squat est bombardé d’étiquettes, d’interprétations, de préjugés souvent discriminatoires et contestés par ceux-là mêmes qui résident entre ses murs. C’est aussi un endroit d’anticipation car rien ne dit que de telles expériences ne font ou feront point jaillir de terre des projets ou des initiatives au potentiel et au talent insoupçonné de ceux qui auraient vécus ces moments impérissables.

Enfin, nous pourrions nous demander si toute loi est juste ? Ou bien s’il y a une différence d’usage pour des squatteurs français et Rroms, sans-paps ou réfugiés politiques ? Est-ce que la législation évoluera dans le sens des squatteurs ou au contraire n’en fera que des “criminels” dans encore plus de misère sociale et culturelle ?

-Black List-
Parce qu’on fait tous partie d’une certaine “Liste Noire”

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