Soixante personnes, dont de nombreux mineurs, demandeurs d’asiles, qui avaient trouvé refuge dans le couloir d’un hôtel à la Part-Dieu, parce que la Croix-Rouge n’a pas de lit pour eux, parce que l’État et la Préfecture refusent de leur trouver une solution légale.
Des femmes, dont une enceinte, des enfants en bas âge (de 5 et 6 ans).
Un jour où on jette par dizaine des matelas, des tentes -des dons, vos dons, peut-être- et les affaires personnelles de ceux et celles qui ont eu le malheur de ne pas être là au moment de l’expulsion.
En France, c’est la crise. On peut pas accueillir tout le monde. On n’a pas les moyens matériels. Mais on a les moyens matériels de jeter le nécessaire vital des gens, de jeter la vie des gens, les moyens matériels de monter des murs grillagés pour empêcher les gens d’accéder au lieu où ils ont vécus pendant des mois comme les moyens de payer un vigile avec un chien enragé pour monter la garde...
De la même manière, aujourd’hui, 10 novembre 2017, plusieurs centaines de personnes vivent dans des campements à Sans Souci, on peut pas les loger, mais on construit un bâtiment monumental à cinquante mètres.
Et eux aussi seront expulsés demain. Ou dans une semaine. Ou dans un mois. Expulsés pour aller où ? Bah là où ils pourront, sur un autre terrain vague.
Demain, il y aura aussi des mineurs sans papiers expulsés parce que l’État français considère que des tests osseux, à la fois complètement erronés (quand ton poignet a trente ans et ton coude seize ans, on fait la moyenne des deux pour fixer ton âge) et eugéniques sont plus valides que des papiers de ton pays d’origine .
Faire disparaître les gens en les déplaçant. On a des gouvernements magiciens. Rendre la vie invivable. Un combat qui en mobilise des forces, pour le coup !
A Calais, à Paris ou à Lyon, les pouvoirs publics se déchargent de leurs prérogatives sur les associations ; des associations qui ont des moyens matériels et humains effectivement limités face au dénuement de tous ces gens.
On a refusé un hébergement d’urgence à plusieurs milliers de personne à Lyon, l’année passée, par le 115… pas de place pour vous.
Et puis on a fermé un centre d’hébergement à la Croix-Rousse parce que le bâtiment était bien plus propice pour un hôtel de luxe.
Il y a quelques semaines, pour la venue de Macron, on a expulsé des camps de Roms parce que vraiment, c’est pas très bon pour l’image de la ville.
Aujourd’hui, 10 Novembre 2017, un jour vraiment comme tous les autres.
Des associations d’aide aux personnes mal logées et aux migrants, il y en a. de nombreuses même. Et elles bossent, et elles ont des victoires : sur des cas individuels souvent -ou des groupes, parfois. Elles font tout un boulot juridique, d’aide matérielle ; leurs bénévoles donnent de leur temps, de leur énergie.
Mais il y a un problème. Il n’y a pas de mobilisation collective suffisante sur le sujet. L’apathie, le silence et l’indifférence règnent.
J’ai l’impression que la lutte contre la chasse aux migrants est toujours reléguée à l’arrière plans de nos luttes. Je me demande pourquoi, alors que cela faisait apparemment une semaine que les grillages se montaient, très peu de personnes étaient au courant de ce qui se passait.
Il me semble anormal que la lutte incombe à quelques associations, complètement débordées, ou même à la bonne volonté de quelques voisin.es. Parce qu’à Part Dieu, par exemple, c’était le cas dans les premières semaines : quelques-un.es, qui ne connaissaient pas forcément le milieu militant et associatif se sont occupé.es, de donner une aide matérielle de premier soin (brosses à dents, savons, etc..) aux quelques dizaines de mineur.es sans papiers qui étaient là au début (certain.es ont depuis étés pris en charge, notamment des mineurs). Même chose pour le collectif Agir Migrant, qui surveille seul si les flics ne délogent pas les migrants des archives départementales (Sans Souci), en faisant des rondes régulières, par exemple. Même toutes les opérations de relogement -squats- sont menés par des personnes qui doivent aussi s’épuiser.
Trop d’attaques du gouvernement dans toutes les sphères de la vie publique. Trop de luttes à mener. Et cela se comprend. On est nombreux à être dans la galère. Et à donner de son temps dans les luttes. Mais cela ne m’empêche pas de penser qu’il est dommage de fermer un peu les yeux sur ce qui ne touche pas directement nos intérêts. Parce qu’au fond, à qui le tour ?
Pourquoi est-ce que les manifestations en soutien aux migrants et aux mal logés ramènent toujours aussi peu de monde ?
Et pourquoi pas remettre cette question au centre des luttes ?
Parce qu’aucun.e de nous ne vit plus concrètement l’État policier et répressif que ces personnes.
Parce que la France et ses habitants-citoyens-avec un toit sur la tête sont objectivement privilégiés. Mais que ce qui arrive aux autres, pourrait nous arriver un jour.
Parce que notre confort vient directement de l’exploitation mondialisée par la division internationale du travail, des politiques guerrières et impérialistes de nos gouvernants -ventes d’armes, opérations armées, etc.
A Lyon, ce serait super qu’on arrive à mieux se coordonner entre les différentes associations d’aide aux migrant.es et mal logé.es (RESF, collectif jamais sans toit, collectif des étudiants sans papier, Agir Migrants, MRAP, milieu squat, ...) pour qu’on puisse construire un rapport de force contre les pouvoirs publics.
Pour qu’on fasse éclater l’omerta. Éclater nos privilèges.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info