Une loi qui risque d’aggraver la pénalisation des prostitué-e-s

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Le14 octobre, le débat sur la loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel » débutera. Le Planning Familial publie une tribune par la voix de ses co-présidentes considèrent qui risque de renforcer « la précarité économique et sanitaire des prostitué-e-s ainsi que la stigmatisation à leur égard. »

A la veille du débat sur la loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel », Le Planning Familial publie une tribune par la voix de ses co-présidentes considèrent qui risque de renforcer « la précarité économique et sanitaire des prostitué-e-s ainsi que la stigmatisation à leur égard. »

Mercredi 14 octobre 2015 sera débattue en deuxième lecture au Sénat la loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ». Cet intitulé est aussi grandiloquent qu’illusoire : ce que cette proposition législative risque de renforcer, ce sont plutôt la précarité économique et sanitaire des prostitué-e-s ainsi que la stigmatisation à leur égard.

Le texte soumis au Parlement s’appuie sur deux ressorts très souvent utilisés de façon conjointe dans le traitement des questions sociales : la répression - via sa mesure phare, aujourd’hui, la pénalisation des clients - et la morale. Or, ni l’une ni l’autre ne font bon ménage avec la défense du droit des personnes et singulièrement des plus vulnérables d’entre elles. Notre expérience, celle du Planning familial, mouvement actif depuis presque 60 ans dans la défense de droits des femmes - de toutes les femmes - et dans la construction d’une société plus égalitaire ne trompe pas.

Il y a 40 ans, en effet, un autre débat cristallisait le même type d’antagonisme : celui concernant la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Les opposants brandissaient l’interdiction en se targuant de protéger des femmes « en souffrance », « traumatisées » voire « irresponsables », tandis que nous défendions la liberté pour ces mêmes femmes de disposer de leur corps et leur capacité à effectuer des choix de manière autonome, en connaissance de cause. Infantilisées, culpabilisées, les femmes le sont toujours. Ce sont en effet, à peu de choses près, les mêmes arguments et la même rhétorique que nous retrouvons aujourd’hui : les prostitué-e-s sont présentées comme de simples « victimes », incapables de savoir où se trouverait leur intérêt et de maîtriser leur destin ; il faudrait donc les mettre à l’abri (de leurs clients, de leurs souteneurs mais aussi d’elles-mêmes, finalement) et les aider à s’en sortir à tout prix (quand bien même elles ne le demanderaient pas expressément) !

Nous ne sommes pas dupes : nous savons que parmi les personnes prostituées - majoritairement des femmes étrangères et sans papiers - certaines sont confrontées à des situations éprouvantes et exposées à des formes exacerbées de violence. Néanmoins, en tant qu’association féministe, nous nous devons d’inscrire ces trajectoires individuelles dans une analyse plus ample des rapports sociaux de sexe, qui replace la prostitution dans le continuum de la domination masculine. Ce qui revient à refuser de faire des prostituées des femmes « à part », de dresser une barrière infranchissable entre « elles » - des individues qui seraient intégralement soumises à l’oppression et impuissantes - et « toutes les autres » - des femmes qui seraient libres de toute contrainte, en mesure de s’épanouir et de s’engager dans une sexualité sans entraves.

Féministe, le Planning familial est aussi un mouvement d’éducation populaire. Il refuse d’endosser le regard jugeant et surplombant que les majorités portent trop souvent sur les groupes minoritaires ou socialement défavorisés dans le but de se rassurer en établissant une hiérarchie morale toute à leur avantage. Qui peut s’arroger le droit de déconsidérer à priori la parole des personnes prostituées, une parole d’ailleurs loin d’être univoque sur la question ?

En l’occurrence, ces femmes s’expriment, et ce qu’elles disent pour beaucoup c’est que la loi dont il est question, telle qu’elle est conçue, ne résoudra aucun des problèmes qu’elle prétend régler, voire les aggravera. Qu’au lieu de pénaliser les clients, elle aboutira principalement à une pénalisation de fait des personnes qui se prostituent, en renvoyant la sexualité tarifée à la périphérie des centres urbains ou dans les lieux les plus clandestins, mettant en péril leur santé - avec une exposition accrue au VIH/sida et aux IST - et leur sécurité, bien davantage que cela n’est le cas aujourd’hui. Sans compter l’inévitable stigmatisation sociale qui, de tout temps, ici ou ailleurs, a toujours résulté des politiques prohibitives ou répressives.

Cette parole nous ne pouvons pas l’écarter. Nous devons au contraire la considérer comme un point de départ essentiel de notre réflexion, l’une des conditions du processus de notre émancipation individuelle et collective. Depuis 1956, Le Planning familial défend les droits des femmes face à celles et ceux qui souhaiteraient décider à leur place. Nous restons fidèles à notre histoire, celle des droits acquis pour toutes.

La suite à lire sur : https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/131015/une-loi-qui-risque-daggraver-la-penalisation-des-prostitue

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