Urgence sociale

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Alors que l’explosion de colère se nourrit du mal-vivre, de la désespérance, du déni de reconnaissance et de dignité, le Premier Ministre n’a en réalité rien proposé de concret si ce n’est la réduction de la scolarité obligatoire de 16 à 14 ans pour les jeunes qui en ont le plus besoin !
Oui à l’urgence sociale, Non à l’état d’urgence.

Au-delà de la nécessaire réponse de sécurité pour mettre fin aux violences inacceptables et aux atteintes aux personnes et aux biens, le retour au calme passe par un effort immédiat et considérable pour apporter des réponses concrètes aux souffrances des populations concernées.

Il faut, à l’inverse du mouvement de casse des services publics, développer leur présence pour répondre aux besoins fondamentaux qui relèvent de l’État.Oui à l’urgence sociale, Non à l’état d’urgence !

« La révolte des banlieues »

Au cours de ces derniers jours, l’émeute n’a cessé de s’étendre. Elle a gagné des centaines de communes. Des milliers de voitures ont brûlé, des centaines de locaux et de magasins ont été saccagés.

Voilà l’État d’urgence, voilà le couvre-feux !

Instituée par la loi du 3 avril 1955 qui en déclarait l’application en Algérie,
mise en œuvre en octobre 1961 avec les conséquences que l’on sait !

L’ampleur et l’extraordinaire vigueur de ce mouvement s’expliquent par les effets cumulés, sur plusieurs décennies, du chômage, de la pauvreté et de la discrimination.

C’est aussi une réaction au cynisme de cette classe qui trône au sommet de "l’ ordre républicain ", qui verse quotidiennement son mépris sur « la racaille des banlieues », et dont la mentalité réactionnaire s’incarne parfaitement dans le langage provocateur, méprisant et belliqueux du ministre de l’Intérieur.

Aucun effort n’est épargné pour stigmatiser les révoltés et cacher les véritables causes de leur colère. Ils seraient des voyous, des criminels, des imbéciles manipulés par des caïds ».

Ceci est un soulèvement de la jeunesse, de la jeunesse la plus opprimée, la plus écrasée, la plus désespérée.

Même si les émeutes devaient continuer, elles auraient du mal à détruire autant d’entreprises, d’emplois, de services publics que le vandalisme des voyous - en costume-cravate certe, en détruit et qui siègent au MEDEF ou à l’UMP.

Oui, ils ont la haine !

Mais, la haine peut être un puissant levier d’émancipation humaine, dès lors qu’elle est dirigée contre l’injustice d’un système néfaste.

Du point de vue des militants, il y aurait beaucoup à dire sur les méthodes employées par les jeunes révoltés. Ce ne sont pas les méthodes du mouvement ouvrier. Ils se trompent de cible. On ne peut pas cautionner la destruction d’écoles, de crèches, d’entreprises, de véhicules, ... .

Avant l’émergence des premières organisations syndicales, au XIXe siècle, il arrivait que des ouvriers désespérés détruisent des usines et des machines, ou s’en prennent à la propriété tous azimuts. Or, les jeunes dont nous parlons ne connaissent pas le monde du travail.

Dans beaucoup de cités, le taux de chômage frôle les 40%.À la différence de grévistes, qui disposent d’organisations et d’instances de décision collective, ils n’ont aucun moyen de l’exprimer.

Quoi qu’il en soit, l’attitude du gouvernement et des médias envers de telles destructions est parfaitement hypocrite.

On comprend parfaitement la colère des travailleurs et des familles qui souffrent de ces destructions. Ils sont eux-mêmes des victimes du capitalisme.

De Villepin et Chirac en appellent au « retour à l’ordre ». De Villiers aussi, qui préconise l’envoi de l’armée pour mater la rébellion. Mais de quel ordre s’agit-il ? C’est l’ordre d’un petit nombre de grands capitalistes soumettant l’ensemble de la société à leur soif de profit et de pouvoir.C’est un ordre où la jeunesse accepte passivement son sort, où les travailleurs se plient docilement aux lois du marché, où les riches s’enrichissent davantage pendant que la pauvreté et la précarité se généralisent.

L’hostilité implacable de Sarkozy envers les banlieues, allègrement présentées comme des nids d’intégristes musulmans, de criminels, voire de terroristes, n’est que l’autre versant de son hostilité envers les travailleurs de la SNCM, de la RTM ou de n’importe quelle autre catégorie de salariés qui essayent de lutter contre la régression sociale.

Cette rébellion recoupe celle qui couve dans le monde du travail. Elle interpelle le mouvement syndical et politique, qui ne doit pas se tenir à l’écart d’un mouvement aussi important. Entre cette jeunesse et les représentants endurcis du capitalisme qui leur envoient les CRS, notre choix est fait.

Quand François Hollande se refuse à demander la démission de Sarkozy, sous prétexte de ne pas vouloir encourager les émeutes, il ne fait qu’encourager Sarkozy lui-même !

Ceci dit, la seule démission de Sarkozy ne suffirait pas. Ce qu’il faut revendiquer, c’est l’organisation immédiate d’élections législatives, pour se débarrasser de ce gouvernement au plus vite.

Les jeunes n’ont pas besoin de discours moralisateurs, mais d’un programme d’action audacieux.

Nous devons exiger de ce gouvernement qu’il réunisse immédiatement, dans toutes les préfectures, l’ensemble des personnes, hommes, femmes, jeunes, élus, représentants des services publics, des associations qui aujourd’hui, agissent face à cette situation pour entendre les besoins et élaborer les réponses. Ce dialogue doit déboucher dans les jours qui viennent sur la mise en place au plan national de mesures d’urgence.

Aujourd’hui, notre devoir, c’est d’expliquer patiemment mais sans détour à chaque jeune, à chaque travailleur, à chaque chômeur et à chaque retraité que le capitalisme signifie la régression sociale permanente.

Le système capitaliste est absolument incapable de répondre aux besoins de la population. Son existence est devenu incompatible avec les conquêtes sociales.
Ses représentants s’en prennent aux travailleurs, aux chômeurs, aux retraités. Le chômage, la précarité et la misère s’aggravent. Au moment même où de Villepin parle d’atténuer la « souffrance » de la jeunesse, le gouvernement et le Medef lancent une nouvelle attaque contre l’indemnisation des chômeurs. La révolte des banlieues est une expression concrète des très vives tensions qui traversent la société française.
Elle est une nouvelle preuve - parmi bien d’autres - que la France est entrée dans une époque de profonde instabilité sociale, au cours de laquelle les travailleurs de ce pays seront confrontés à l’impérieuse nécessité de mettre fin au capitalisme.

Saddok Abed, conseiller du 1er ardt Lyon

« Là, ce peuple travaille et souffre et la souffrance et le travail sont les deux figures de l’homme » V.Hugo

  • Le 17 novembre 2005 à 23:24, par Luc Comeau-Montasse

    Oui pour tout ce que vous donnez à comprendre de ce qui a explosé ces dernières semaines

    Ci-dessous, un texte qui 50 ans après, colle encore de très près à l’actualité, et dénonce par avance la dérive dans laquelle nous entrainent les irresponsables à la recherche de fauteuils élyséens, gestionnaires de haine.

    « L’ennui est que nous n’en savons pas assez sur la haine.
    En conséquence, nous ne la prenons pas assez au sérieux.
    Considérez, par exemple, la question de la délinquance juvénile aux Etats-Unis à l’heure où nous écrivons. L’opinion publique pratique la « politique de l’autruche », plus encore qu’elle ne l’avait fait pour des sujets comme la tuberculose ou les maladies vénériennes.
    ...
    La syphilis est devenue une maladie comme une autre. Nous avons séparé le dégoût moral provoqué par les conditions dans lesquelles elle est contractée du problème de la guérison. Nous avons laissé au prédicateur, au professeur, à l’éducateur de la santé publique le soin de s’occuper du rôle moral de la question. Le médecin approchera la personne atteinte avec toute l’objectivité qu’on peut attendre du sérieux médical.
    Tous les sentiments de honte, d’embarras et de culpabilité que le public attachait originellement à cette maladie sont maintenant réservés au fait que nous ne connaissons pas toutes les réponses au problème de la prévention, que les mesures préventives et curatives, même quand elles sont connues et utilisées, ne sont pas toujours assez vite accessibles et assez bon marché dans toutes les communautés.

    En ce qui concerne la délinquance juvénile, nous n’en sommes pas arrivés à un stade aussi éclairé. Nous ne la prenons pas assez au sérieux.
    Considérons un crime particulièrement choquant, par exemple celui d’un adolescent, délinquant sexuel, qui tue un enfant plus jeune, pas tout à fait de sang froid, mais dans une crise de panique et sans ce soucier réellement de la victime.
    Quelle est la réaction générale du fidèle lecteur des journaux qui rendent compte, d’une manière incomplète et habituellement déformée d’un crime comme celui-là ?
    Elle oscille généralement entre deux extrêmes.
    Le lecteur est d’abord choqué comme il se doit ; il espère qu’on trouvera bientôt le criminel, qu’il aura ce qu’il mérite et qu’on le mettra en sûreté là où il ne pourra plus faire de mal.
    Ce pourrait être une bonne occasion aussi, pense-t-il, pour réduire les frais du budget de la maison de correction locale et pour admonester le superintendant de l’école afin qu’il veille à ce que les trois « R »* soient enseignés convenablement, plutôt que de gâter ces jeunes par toutes sortes d’absurdités baroques, comme des loisirs organisés et des groupes de discussion de type familial, et tout ce qui s’ensuit.
    On peut aussi juger nécessaire de dépense une somme considérable pour que les institutions de l’Etat comptent quelques « chambres fortes » de plus.
    Cela règle le problème pour un moment.

    L’autre réaction se manifeste de manière naïve et sentimentale. Le lecteur d’un tel fait divers peut se souvenir de ce qu’il a tiré d’un roman récent, ou d’un film où la psychiatrie est vaguement évoquée, ou du discours de l’autre jour au local de l’Association des Parents et Maîtres. En conséquence, il verse de chaudes larmes sur les pages racontant le cas du délinquant.
    Voyez, il n’a jamais eu de chance, pauvre gosse ! La façon dont il a été élevé ! Car après tout, qui est à blâmer, sinon les parents et l’école ? Il n’a pas assez lu la bible ou l’a trop lue !
    ... Et peut-être que l’on devrait prendre la peine de distribuer quelques ballons de football de plus dans ce vilain quartier, et pourrait-on envoyer des rideaux neufs à la maison de redressement, après tout.
    Ou peut-être pourrait-on suggérer qu’on envoie en prison les parents des délinquants au lieu de leurs enfants, ou au moins qu’on les « force » à suivre des cours sur l’éducation à donner aux enfants.
    ...
    En résumé, l’attitude des contribuables envers de telles questions est assez pitoyable à considérer. Ou bien nous nous durcissons, et avons recours aux défenses les plus démodées et les plus visiblement stupides contre la honte, l’anxiété et la culpabilité, ou bien nous devenons sentimentaux et pleins d’illusions quand nous considérons la malheureuse chaîne d’évènements qui conduit à un crime comme celui-là.

    Sur deux points, disons le en passant, les deux camps sont d’accord.
    D’abord, il faudrait « donner bientôt une solution » à ces problèmes.
    Ensuite une telle solution devrait « être simple et pas chère ».
    Car qui, même mieux informé, oserait se rallier publiquement à l’idée d’une cotisation élevée destinée aux mesures préventives et curatives ?

    Nous pensons qu’il est temps pour la communauté de s’éveiller à des faits vitaux. La délinquance, et particulièrement le phénomène de la haine, invariablement en cause dans les crimes les plus graves est une chose sérieuse.
    Nous n’en savons pas assez sur le sujet, et nous devons en apprendre davantage.
    Il ne convient pas de gâter le délinquant en considérant comme « astucieuses » ses escapades mineures jusqu’à ce que vienne le jour où le volume de haine accumulé éclate dans une destruction sans frein.
    il ne convient pas davantage de le mettre en prison, de l’envoyer d’audience en audience, afin que le public ait sa représentation et soit assuré « qu’on fait quelque chose » bercé de l’illusion que la prison ou les soins dans une quelconque institution de redressement résolvent le problème.

    En fin de compte, cela revient à dire que notre civilisation est devenue trop policée et trop décente pour recourir à la grossière mesure qui consisterait à détruire ou à isoler l’individu qui ne s’y adapte pas. Malheureusement, elle ne semble pas encore assez sage, ou capable du nécessaire courage financier pour franchir les degrés qui conduiraient à la guérison. »

    * « R »eadind, w« R »ritting, a« R »ithmétic : lire, écrire et compter.
    Toutes ces tendances sont clairement perceptibles dans les actions de ce gouvernement.

    Fritz Redl et David Wineman « L’enfant agressif » (Tome 1 « Le moi désorganisé » 1951)


    Apparemment, ceux qui gèrent les problèmes actuels relatifs aux émeutes que nous avons connus ces dernières semaines, ont choisi l’option que les auteurs décrivent comme illusoire et inefficace sur le long terme.
    Pire même, plus de cinquante années après cette analyse, certains hommes politiques, en France mais aussi dans beaucoup d’autres pays dits civilisés, se tournent à nouveau vers ce que Fritz et Wineman considéraient comme des solutions (barbares) d’un autre temps à savoir celles qui retirent au délinquant (considéré parfois comme « terroriste » de manière à pouvoir lui appliquer un régime d’exception) ses droits de citoyen du monde et lui font subir des sévices psychologiques et physiques d’un autre temps.

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