Au-delà de la nécessaire réponse de sécurité pour mettre fin aux violences inacceptables et aux atteintes aux personnes et aux biens, le retour au calme passe par un effort immédiat et considérable pour apporter des réponses concrètes aux souffrances des populations concernées.
Il faut, à l’inverse du mouvement de casse des services publics, développer leur présence pour répondre aux besoins fondamentaux qui relèvent de l’État.Oui à l’urgence sociale, Non à l’état d’urgence !
« La révolte des banlieues »
Au cours de ces derniers jours, l’émeute n’a cessé de s’étendre. Elle a gagné des centaines de communes. Des milliers de voitures ont brûlé, des centaines de locaux et de magasins ont été saccagés.
Voilà l’État d’urgence, voilà le couvre-feux !
Instituée par la loi du 3 avril 1955 qui en déclarait l’application en Algérie,
mise en œuvre en octobre 1961 avec les conséquences que l’on sait !
L’ampleur et l’extraordinaire vigueur de ce mouvement s’expliquent par les effets cumulés, sur plusieurs décennies, du chômage, de la pauvreté et de la discrimination.
C’est aussi une réaction au cynisme de cette classe qui trône au sommet de "l’ ordre républicain ", qui verse quotidiennement son mépris sur « la racaille des banlieues », et dont la mentalité réactionnaire s’incarne parfaitement dans le langage provocateur, méprisant et belliqueux du ministre de l’Intérieur.
Aucun effort n’est épargné pour stigmatiser les révoltés et cacher les véritables causes de leur colère. Ils seraient des voyous, des criminels, des imbéciles manipulés par des caïds ».
Ceci est un soulèvement de la jeunesse, de la jeunesse la plus opprimée, la plus écrasée, la plus désespérée.
Même si les émeutes devaient continuer, elles auraient du mal à détruire autant d’entreprises, d’emplois, de services publics que le vandalisme des voyous - en costume-cravate certe, en détruit et qui siègent au MEDEF ou à l’UMP.
Oui, ils ont la haine !
Mais, la haine peut être un puissant levier d’émancipation humaine, dès lors qu’elle est dirigée contre l’injustice d’un système néfaste.
Du point de vue des militants, il y aurait beaucoup à dire sur les méthodes employées par les jeunes révoltés. Ce ne sont pas les méthodes du mouvement ouvrier. Ils se trompent de cible. On ne peut pas cautionner la destruction d’écoles, de crèches, d’entreprises, de véhicules, ... .
Avant l’émergence des premières organisations syndicales, au XIXe siècle, il arrivait que des ouvriers désespérés détruisent des usines et des machines, ou s’en prennent à la propriété tous azimuts. Or, les jeunes dont nous parlons ne connaissent pas le monde du travail.
Dans beaucoup de cités, le taux de chômage frôle les 40%.À la différence de grévistes, qui disposent d’organisations et d’instances de décision collective, ils n’ont aucun moyen de l’exprimer.
Quoi qu’il en soit, l’attitude du gouvernement et des médias envers de telles destructions est parfaitement hypocrite.
On comprend parfaitement la colère des travailleurs et des familles qui souffrent de ces destructions. Ils sont eux-mêmes des victimes du capitalisme.
De Villepin et Chirac en appellent au « retour à l’ordre ». De Villiers aussi, qui préconise l’envoi de l’armée pour mater la rébellion. Mais de quel ordre s’agit-il ? C’est l’ordre d’un petit nombre de grands capitalistes soumettant l’ensemble de la société à leur soif de profit et de pouvoir.C’est un ordre où la jeunesse accepte passivement son sort, où les travailleurs se plient docilement aux lois du marché, où les riches s’enrichissent davantage pendant que la pauvreté et la précarité se généralisent.
L’hostilité implacable de Sarkozy envers les banlieues, allègrement présentées comme des nids d’intégristes musulmans, de criminels, voire de terroristes, n’est que l’autre versant de son hostilité envers les travailleurs de la SNCM, de la RTM ou de n’importe quelle autre catégorie de salariés qui essayent de lutter contre la régression sociale.
Cette rébellion recoupe celle qui couve dans le monde du travail. Elle interpelle le mouvement syndical et politique, qui ne doit pas se tenir à l’écart d’un mouvement aussi important. Entre cette jeunesse et les représentants endurcis du capitalisme qui leur envoient les CRS, notre choix est fait.
Quand François Hollande se refuse à demander la démission de Sarkozy, sous prétexte de ne pas vouloir encourager les émeutes, il ne fait qu’encourager Sarkozy lui-même !
Ceci dit, la seule démission de Sarkozy ne suffirait pas. Ce qu’il faut revendiquer, c’est l’organisation immédiate d’élections législatives, pour se débarrasser de ce gouvernement au plus vite.
Les jeunes n’ont pas besoin de discours moralisateurs, mais d’un programme d’action audacieux.
Nous devons exiger de ce gouvernement qu’il réunisse immédiatement, dans toutes les préfectures, l’ensemble des personnes, hommes, femmes, jeunes, élus, représentants des services publics, des associations qui aujourd’hui, agissent face à cette situation pour entendre les besoins et élaborer les réponses. Ce dialogue doit déboucher dans les jours qui viennent sur la mise en place au plan national de mesures d’urgence.
Aujourd’hui, notre devoir, c’est d’expliquer patiemment mais sans détour à chaque jeune, à chaque travailleur, à chaque chômeur et à chaque retraité que le capitalisme signifie la régression sociale permanente.
Le système capitaliste est absolument incapable de répondre aux besoins de la population. Son existence est devenu incompatible avec les conquêtes sociales.
Ses représentants s’en prennent aux travailleurs, aux chômeurs, aux retraités. Le chômage, la précarité et la misère s’aggravent. Au moment même où de Villepin parle d’atténuer la « souffrance » de la jeunesse, le gouvernement et le Medef lancent une nouvelle attaque contre l’indemnisation des chômeurs. La révolte des banlieues est une expression concrète des très vives tensions qui traversent la société française.
Elle est une nouvelle preuve - parmi bien d’autres - que la France est entrée dans une époque de profonde instabilité sociale, au cours de laquelle les travailleurs de ce pays seront confrontés à l’impérieuse nécessité de mettre fin au capitalisme.
Saddok Abed, conseiller du 1er ardt Lyon
« Là, ce peuple travaille et souffre et la souffrance et le travail sont les deux figures de l’homme » V.Hugo
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