Violences policières à Calais : le défenseur des droits accuse le gouvernement

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Il ressort de l’ensemble de ce rapport que les politiques publiques guidées par le risque d’appel d’air ont des effets délétères sur l’accès aux droits fondamentaux des exilés. Indépendamment des violences liées aux conditions de vie, de celles liées au caractère peu cohérent des missions confiées aux forces de l’ordre, le fil conducteur des différentes étapes du parcours des migrants est marqué par le primat du contrôle sur le respect des droits fondamentaux

Il ressort de l’ensemble de ce rapport que les politiques publiques guidées par le risque d’appel d’air ont des effets délétères sur l’accès aux droits fondamentaux des exilés. Indépendamment des violences liées aux conditions de vie, de celles liées au caractère peu cohérent des missions confiées aux forces de l’ordre, le fil conducteur des différentes étapes du parcours des migrants est marqué par le primat du contrôle sur le respect des droits fondamentaux, qu’il s’agisse d’entrer sur le continent européen ou de traverser ensuite les différentes frontières, la frontière calaisienne n’e n’étant qu’une parmi d’autres. Les personnes se trouvant à Calais ont déjà derrière elles un parcours migratoire dense. Le contrôle qu’elles subissent est bien antérieur à ce lieu et contribue à les mettre dans l’état de dénuement qui est le leur. Par exemple, alors que la traversée de la méditerranée sur des embarcations de fortune est extrêmement périlleuse et nécessite fréquemment des interventions, la priorité donnée au contrôle des frontières peut néanmoins se faire au détriment même de ce sauvetage. Cela ressort d’abord des pressions exercées par les États européens sur l’Italie pour arrêter l’opération de sauvetage humain Mare Nostrum (opération italienne décidée après un naufrage particulièrement meurtrier) et privilégier l’existence d’opérations de surveillance orchestrées par Frontex . Le ministre de l’Intérieur français avait lui - même montré sa réticence au développement d’une tell e opération de sauvetage qui comportait un risque, encore une fois, d’appel d’air : « si l’opération de sauvetage de la marine militaire italienne [Mare Nostrum] a permis le sauvetage de nombreux migrants en mer, [elle] a aussi eu pour conséquence de créer des points de fixation des migrants dans le nord de la France » 154 . Ces revendications se sont ensuite accentuées lorsque l’Italie, dans un souci de faire pression sur le reste de l’Europe pour ne plus financer seule Mare Nostrum , a décidé de laisser les migrants entrer sur le territoire européen sans collecter leurs empreintes dans le fichier Eurodac, empêchant ainsi les autres États de faire réadmettre sur son territoire les demandeurs d’asile. C’est alors que l’Union européenne a mis en place une opération sous l’égide de Frontex aux lieu et place de Mare Nostrum.

Cet objectif de « sécurisation » (des biens, pas des personnes) n’est en rien dissuasif, les exilés ayant derrière eux un parcours migratoire déjà semé d’obstacles et de prises de risques, précédé souvent lui - même de persécutions dans le pays d’origine qu’ils ont fui. Mais en plus de porter atteinte à leur intégrité physique, il est aussi parfaitement inégalitaire : en faisant augmenter le prix des « passeurs » qui, eux, parviennent à emprunter des voies moins risquées, il conduit à ce que cette prise de risque soit plus importante encore pour les exilés les plus démunis. Le fait que les morts retrouvés électrocutés ou noyés dans le bassin de rétention d’Eurotunnel soient des mineurs ou de très jeunes migrants, des femmes, parfois accompagnées de bébés, en atteste particulièrement Car, l’ultime violence faite aux exilés, celle de recourir aux trafiquants de migrants, est bien la conséquence directe choix ainsi opérés. À cet égard, l’unanimité dont la lutte contre ces trafiquants fait l’objet, tant dans les discours politiques européens que nationaux, n’interdit pas de s’interroger. La CNCDH préconisait que « soit définie et mise en œuvre u ne politique pénale intransigeante et ambitieuse de lutte contre le trafic de migrants. La coopération avec le Royaume ‐ Uni et la coopération européenne doivent également être renforcées pour le démantèlement des filières » . Le rapport ARIBAUD - VIGNON point ait à son tour que « la région de Calais souffre d’une insuffisance d’ambition de la politique pénale concernant la détection et la poursuite des réseaux et filières » . Par ailleurs, les exemples rapportés par la presse (70 morts de suffocation dans un camion abandonné par les conducteurs / violences, mainmise et racket dans certains campements du Calaisis ) attestent, s’il en était besoin, que les exilés fuyant leur pays sans moyens légaux de se déplacer sont dans une situation de très grande faiblesse et en proie à toute forme de domination. Leur besoin de protection est indéniable et celle - ci devrait être immédiate . Il convient néanmoins de s’interroger sur l’ambiguïté que peut revêtir l’injonction unanime à lutter contre les passeurs, les mettre hors d’état de nuire, voire les supprimer physiquement par des opérations militaires organisées par l’ONU, notamment en Lybie. Lutter contre les passeurs dans l’intérêt des migrants qui en sont victimes peut revenir à ce que ces migrants soient en réalité, plu s encore, empêchés de fuir un pays comme la Syrie ou l’Érythrée qu’on leur interdit de quitter légalement. Il semble donc que la seule façon de protéger efficacement tout exilé contre le risque de faire l’objet d’un trafic d’être humain tient en l’ouverture de voies légales d’émigration via des dispositifs prévus par la législation européenne et précédemment énumérés, tels les visas humanitaires par exemple. Cette solution aurait le mérite d’aboutir à ce que le respect des droits fondamentaux prime enfin sur la logique de blocage .

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Exilés et droits fondamentaux : la situation sur le territoire de Calais

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