Ce texte a été écrit par une amie et camarade de Sonia. Cette action s’inscrit dans une semaine de mobilisation contre les expulsions et la fin de la trêve hivernale.
Hommage à la reine des abeilles.
Tout le monde connaît son nom. Sonia est « la femme portée disparue » du squat de Denuziere. Elle est décédée dans l’incendie du lieu la nuit du 2 au 3 décembre. Elle pourrait être une morte anonyme de la rue en plus. Mais parce que cette mort est insupportable il faut qu’on l’écrive.
D’abord parce que cette mort aurait pu être évitée, les pouvoirs publics ont une responsabilité immense dans cet « accident » et on ne cessera de le dire. Le bâtiment dans lequel elle est décédée était une propriété de la mairie, qui connaissait pertinemment les défauts du lieu et a eu l’opportunité d’y faire des travaux. Tous, État, Métropole, Mairie, ont dénié leur responsabilité, à un moment où l’autre. Notamment en proposant des mises à l’abri inadaptées, normées et conditionnelles.Les médias, aussi. En contribuant à une importance graduelle des morts. Pour n’en citer qu’un, Le Progres parle d’une personne « en situation régulière ». Quelle importance ? Sonia était française. En plus d’être fausse, cette affirmation est raciste.
Pourtant, toute la Guillotière connaît Sonia. Déjà parce qu’il est impossible d’avoir eu ses habitudes au Court Circuit ou à la place Mazagran sans l’avoir croisé. Les voisin.es de la place ont toustes entendu sa voix, parfois tard la nuit, ou elle appelait ses proches. Pilier de la place, elle connaissait toutes les personnes par leur prénom et échangeait avec toutes les communautés qui y passent du temps.
Des larmes ont coulé sur toutes les joues le soir de la découverte de sa mort.
Sonia était une personne solidaire, qui a rendu tous les services. Présente dans plusieurs squats, proche des enfants, sa présence a toujours marqué, en bien, parfois en mal. Loin de l’idée d’un parcours lisse, d’une vie facile, elle a souvent pris à deux mains des chaises pour les écraser sur la tête des hommes qui lui manquaient de respect et elle est à ce titre une icône misandre à part entière
Sonia, j’aimerais parler de ta personnalité, de ta passion pour la boxe et de dessin, de ton franc-parler inégalé. Mais j’ai le sentiment que parler de toi, de qui tu étais, quelque part, c’est me résoudre à faire mon deuil. Or, ni deuil ni résignation ne sont possibles tant que les conditions qui ont mené à ta mort n’ont pas changé. Tant que les coupables de ton décès ne sont pas nommés et inquiétés.
Sonia, Ton absence laisse un vide irremplaçable, qu’il est aujourd’hui impossible d’accepter. Notre peine est immense et n’a d’égal que notre colère. Nous n’avons qu’une promesse, c’est d’être pire qu’avant. C’est de continuer, chaque jour, à se battre contre le mal logement, l’Etat raciste, l’anonymat de ses victimes, et l’indifférence.
Malgré le deuil, nous avons des armes : la solidarité, l’amitié, les blagues, la lutte.
N’oublions pas son nom, ni aucun autres.
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