Si vous emmerdez les luttes féministes, alors vous êtes des ennemis politiques, dites-le clairement. Dans ce cas-là, merci de laisser ce site internet aux personnes qui se battent pour leur libération, et écrivez ailleurs.
Si les luttes féministes vous emmerdent, alors fermez-la et ne vous battez pas contre elles.
Si vous croyez faire partie des luttes féministes, ça montre une certaine bienveillance et on pourra peut-être discuter, mais alors il va falloir être sincères, vraiment. Pas passer par 4 chemins et se chercher des excuses, ni se victimiser. Surtout écouter, écouter, écouter...
On va commencer par le début : j’suis un gars aussi, hétéro, et pendant longtemps j’ai pensé être féministe, connaître cette lutte. Juste parce qu’être de gauche c’est lutter contre la domination masculine. Maintenant, on va faire la part des choses.
C’est pas moi qui me fait siffler dans la rue.
C’est pas moi qui me fait violer ; si ça arrive, y’a très peu de chances que ce soit une meuf qui passe à l’acte sur mon corps.
C’est pas à moi qu’on coupe la parole, ou alors ce sont des gars.
C’est pas moi qu’on ignore quand je parle.
C’est pas moi qui lave les chiottes (aujourd’hui, dernier exemple en date).
C’est pas moi qu’on aborde en disant « tu me fais bander », « t’es belle », « t’es bonne », « t’es moche »...
C’est pas moi qui flippe de rentrer seul, régulièrement depuis de nombreuses années.
C’est pas moi qui prends la pilule.
C’est pas moi qui vais chez un médecin (homme le plus souvent) 1 ou 2 fois par an faire un frottis.
C’est pas à moi qu’on a appris à me taire et à réprimer ma colère…
Y’en a plein d’autres comme ça.
La domination masculine, ce n’est pas moi qui la subis au quotidien depuis que j’ai quelques mois, ou quelques jours seulement. Je n’en ai pris conscience qu’après avoir longuement discuté avec les copines, lu aussi, et pour la grande majorité des choses c’était tout récemment.
En revanche,
C’est moi qui ai longtemps pensé que la maison n’est pas si sale.
C’est moi qui ai violé plusieurs copines dans le cadre de relations de couple.
C’est moi qui ai lancé et participé à de nombreuses et violentes joutes verbales.
C’est moi qui cherche le regard des filles dans la rue, à défaut de mater les
seins.
C’est moi qui ne fais pas trop gaffe quand je mets une capote (et quand elle craque, c’est « ma » copine qui court à la pharmacie chopper une pilule qui lui retourne le ventre).
C’est moi qu’on écoute quand je parle en réunion, et encore plus en AG.
C’est moi qui suis muet dès qu’il s’agit de parler de mes relations affectives…
Y’en a plein d’autres comme ça.
Tout ça, je ne m’en suis pas rendu compte tout seul... ou quand je m’en suis rendu compte, je ne l’ai pas admis, accepté, comme faisant partie de mes comportements. Y’a des copines qui me l’ont dit, qui me l’ont répété, qui se sont énervées contre moi ou devant moi, sur des comportements sexistes. Alors j’les ai écoutées, observées, et je me suis rendu compte qu’elles me confrontaient grâce aux moments non-mixtes qu’elles partageaient entre elles.
C’est grâce à la force qu’elles avaient que je me suis vraiment remis en question. Alors, de voir des gars qui critiquent, condamnent la non-mixité femmes (ou gouines, ou trans, ou pédés, ou personnes racialisées, ou...) ça m’énerve.
Ça m’a fait aussi comprendre une chose : des fois, je suis inutile. Pire, je suis nuisible : je ne fais pas partie de la communauté de vécus des copines. Je n’ai pas cette expérience. Je suis celui qui leur a fait vivre ça. Pas tout ça, individuellement à chacune d’entre elles, mais j’en ai fait vivre assez, à un assez grand nombre, pour que je fasse partie de la classe des oppresseurs. Et avec un agresseur dans la salle, ce n’est plus possible de partager une communauté de vécus en tant que dominées (et si ça l’est pour certaines femmes, dans certaines situations ou toute la vie, ça n’enlève pas que pour de nombreuses copines ça marche pas).
Quand j’étais à la fac, je ne voulais pas de profs ou de président.e d’université dans les grèves et les AG ; et tout le monde était d’accord, au moins pour limiter fortement leur présence...
Les personnes qui se battent contre leur propre oppression ont besoin d’espaces d’où les gens qui les oppressent sont exclues. Ce raisonnement fonctionne partout, alors cessons de le remettre en cause pour la lutte féministe.
Je n’ai aucun conseil à donner aux luttes féministes, les femmes n’ont pas besoin de moi pour se battre pour leur libération.
Du coup, en tant que gars bio, hétéro, je ne serai jamais féministe. Parce que je ne serai jamais attaqué en tant qu’homme. Je le serai en tant que pédé, péquenot (de la campagne), pauvre, étranger, non-universitaire blabla, ouvrier, racialisé... Plein de trucs qui sont aussi sociaux, mais qui portent des noms (ou pas) : hétérosexisme, racisme, capitalisme, xénophobie, … Mais une chose est sûre, ce n’est pas la domination masculine, ce n’est pas le patriarcat. Parce que j’en suis une cause, parce que je l’exerce, parce que je fais partie du problème. (Même si je veux changer et je fais plein d’efforts sur moi.)
La seule chose que je peux faire, c’est me remettre en question, et remettre en question les gars qui m’entourent. Ça commence par écouter ce que les féministes ont à dire aux gars en général, et à moi personnellement sur la merde que je fais. Ça continue par accepter que les féministes ont besoin d’espaces non-mixtes pour combattre l’oppression que j’exerce et que je symbolise.
Et aussi, des fois c’est vraiment dur d’être un gars... Pitchoune. Il faut être fort, parler bien, bander 24h/24, se la jouer devant les copains, réprimer ses émotions et draguer les filles. Bon, c’est coller à des attentes de la société, c’est adopter un rôle, celui qu’on a appris depuis tout petit. Là ça se complique un peu, mais rien n’est simple. Ce rôle de gars, c’est celui qui permet d’entrer dans la classe dominante. Le système qui m’impose ce rôle-là, c’est le genre, un système de pouvoirs qui dit qu’il y a 2 sexes et que l’un est supérieur à l’autre. Pas du tout une raison de se victimiser ou de monopoliser l’attention une fois de plus. Contre le genre, en tant que gars, on peut faire un truc : Déserter, arrêter d’être un homme. Parler de nos émotions aux copains ; considérer les femmes comme d’autres êtres humains et non comme des proies sexuelles ; écouter quand quelqu’un.e parle ; s’habiller avec des vêtements non masculins ; essayer de mater des gars dans la rue ; écouter les « non » dans nos relations sexuelles et affectives en général ; occuper moins d’espace... on peut en trouver plein, c’est à chaque instant de la vie.
Et j’pense faut aussi épargner aux copines nos chagrins de mec en déconstruction, c’est lourd :
Par exemple, c’est moi qui ne parle qu’à des copines de mon flippe depuis que je me suis fait cracher dessus (une fois) parce que je suis en jupe dans la rue.
Ramener les copines à leur rôle de femme-confidente-qui-rassure-les-gars, ça fait partie de la domination masculine.
Quelques ressources sur la non-mixité :
Les émissions de Lilith, Martine et les autres, radio non-mixte féministe sur Radio Canut (essaie de te rappeler de la dernière fois dont tu as parlé de ces thèmes avec tes potes gars, ou que des copines les ont abordé simplement et en toute liberté devant toi).
Les émissions de On n’est pas des cadeaux, radio non-mixte trans, gouines, pédés sur Radio Canut.
Christine Delphy sur la non-mixité : « La non-mixité : une nécessité politique ».
Christine Delphy sur les hommes qui se pensent féministes : « Nos amis et nous. Fondements cachés de quelques discours pseudo-féministes »
Non-mixité femmes, recueil de textes, RéSISTE ! ÉDITIONS 2003 (brochure, à dénicher dans les infokiosques qui traînent...)
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