Tout le monde a entendu parler des 43 étudiants de l’école Normale d’Ayotzinapa ( Mexique) disparus le 26 septembre 2014 dans la ville d’Iguala. Au Mexique cet événement est la goutte d’eau qui a engendré un des mouvements sociaux les plus importants depuis la révolution mexicaine. Le peuple est dans la rue jours après jours depuis 6 mois pour demander le retour des 43 étudiants sains et saufs.
L’ampleur de ce mouvement est internationale, les parents des disparus, leurs proches et camarades de classe ne cessent de se déplacer à la rencontre de la société civile et de diverses organisations afin de demander justice. Trois caravanes parcourent actuellement les Etats Unis d’Amérique pour expliquer ce qui s’est réellement passé le 26 septembre 2014 et recevoir le soutien du peuple américain.
C’est à San Diego, Californie, que nous avons eu la chance de rencontrer une de ces trois CARAVANA43, celle qui parcourt l’ouest des Etats Unis d’Amérique.
- RETOUR SUR LES FAITS
Les écoles Normales sont les écoles publiques où sont formés les futurs professeurs des zones rurales paysannes. Elles sont l’héritage de la révolution mexicaine. L’enseignement, la nourriture, le logement, les uniformes y sont gratuits permettant aux classes sociales les plus pauvres d’avoir accès à une formation d’instituteur et de professeur. Ces écoles ont vu leur nombre diminuer les dernières années. La réforme éducative impulsée par l’actuel président Enrique Pena Nieto vise a privatiser les écoles mexicaines ce qui est une énième attaque envers la gratuité de l’enseignement. Les écoles normales se sont donc mobilisées pour protéger leurs futurs.
Angel Neri de la Cruz, étudiant de deuxième année à l’école normale d’Ayotzinapa et survivant des évènements du 26 septembre nous explique le fonctionnement collectif et horizontal des groupements d’étudiants, sans chefs, sans leader, avec des représentants qui tournent à tour de rôle. Il n’y a pas de partis politiques au sein de ces groupements.
Angel nous parle ensuite du déroulement des évènements qui ont abouti aux disparitions. Le 26 septembre 5 bus d’étudiants de l’école Normale d’Ayotzinapa se rendent à la ville d’Iguala. Suite à l’impossibilité de se rendre jusqu’au terminus d’autobus à cause du blocage d’une route, les véhicules se séparent. Le chauffeur de l’un d’eux conduit le bus jusqu’à la station centrale d’autobus, en sort et y enferme à l’intérieur une poignée d’étudiants. Contactés par leurs camarades enfermés les étudiants présents à proximité se regroupent et vont à leur secours. Tous ensemble, ils s’échappent du terminus à bord de 3 bus et se retrouvent en plein centre ville d’Iguala, ville qu’ils ne connaissent pas.
Un des bus est arrêté par la police. Les occupants des autres véhicules décident de descendre et d’aller aider leurs camarades. Angel nous raconte alors “ nous avons couru vers le bus qui venait d’être arrêté par la police. C’est à ce moment que la personne derrière moi tombe au sol, une balle en pleine tête. Nous crions aux autres “ ils ont tué un étudiant”. La police a alors commencé à tirer sur les étudiants et les bus.” Angel passe rapidement sur les détails morbides et nous dresse le bilan de cette soirée : 3 morts par balle, 25 blessés et 43 disparus…
Cela fait 6 mois que les survivants de cette nuit et les familles cherchent les 43.
Pour lui, le seul crime commis cette journée est celui d’avoir voulu défendre la gratuité de l’éducation, d’avoir voulu défendre leurs villages, leurs communautés paysannes et indigènes. “ nous défendons le droit à l’éducation pour nous les pauvres”.
- ET DEPUIS
La parole passe à Blanca Luz Nava Vélez, mère de Jorge Alvarez Nava porté disparu, à Estanislao Mendoza Chocolate, père de Miguel Ángel Mendoza Zacarías porté disparu et à Cruz Bautista oncle de Benjamin, Ascencio Bautista porté disparu.
Depuis 6 mois ils n’ont cessé de chercher leurs enfants, demandant au gouvernement mexicain de prendre ses responsabilités. Le gouvernement, dont les forces policières sont à l’origine des disparitions et des meurtres, se retrouve face au mur. Avec l’aide des médias de masse, dont Televisa et TV Azteca, de fausses versions des faits sont amplement diffusés au peuple mexicain. Les familles nous mettent bien en garde sur le rôle des médias de masse.
Selon la version officielle, des corps ont été brulés dans une déchetterie prêt d’Iguala puis les cendres jetées dans le fleuve San Juan. Ce serait des narco-trafiquants, les Guerreros Unidos, les responsables de ces actes. Seulement il y a un “hic”, personne des parents et des proches des victimes ne croient à cette version. Il savent que les narcotrafiquants sont l’excuse qui couvre toutes les exactions commises par leur gouvernement.
Des parents, dont Estanialao, se rendent sur place. Ce sont pour la plupart des paysans qui connaissent bien leur terre. Ils constatent alors que les traces laissées par le feu ne correspondent pas à un feu ayant permis la crémation de corps humains. Un labo indépendant argentin, “el Equipo Argentino de Antropología Forense (EAAF)” dément aussi la version officielle et affirme que les restes retrouvés ne correspondent pas aux étudiants disparus.
Le gouvernement ment et la société civile se rend bien compte du rôle joué par la police dans ces évènements. Estanislao nous souligne que chaque étudiant possédait un téléphone lors des faits. “ Des relevés GPS ont été demandés aux compagnies téléphoniques mais le gouvernement fait blocage pour que nous n’y aillons pas accès.”
Les parents, les proches, les étudiants normalistes d’Ayotzinapa ainsi que la société civile mexicaine et internationale demandent et exigent du gouvernement mexicain la vérite et le retour des 43 étudiants sains et saufs.
- LA RESPONSABILITE DES ETATS UNIS D’AMERIQUE
La parole arrive à Josimar de la Cruz. Il interpelle les personnes présentes. “ les Etas Unis se disent être le pays le plus puissant du monde et nous voulons, avec vous, faire pression sur votre gouvernement afin qu’il se mobilise et exige la vérité à Enrique Pena Nieto et son gouvernement”.
Il nous parle ensuite du plan Merida. Dans la soit-disant guerre contre le Narcotrafic (qui a fait plus de morts que la révolution mexicaine et les divers coups d’Etats d’Amérique centrale cela dit en passant), les Etats Unis d’Amérique et le Mexique ont signé un accord, le plan Merida, autorisant la présence de forces armées américaines sur le territoire mexicain et permettant l’acheminement de nombreuses armes.
Dans les faits, ce plan Merida a soutenu la répression exercée par le pouvoir envers les populations locales, a permis l’expropriation de milliers de paysans et indigènes, a permis l’armement de nombreux groupes paramilitaires, ironiquement au main des narco-trafiquants et tout cela pour faciliter l’implantation de compagnies trans-nationales (en partie Americaines et Européennes) sur le territoire mexicain.
Les participants de la Caravana43 demandent au gouvernement américain l’abolition du plan Merida. Ils nous expliquent qu’une partie des impôts payés par les citoyens américains sert a financer ce plan merida et ainsi contribue directement aux atrocités perpétuées.
- SOLIDARITE INTERNATIONALE
La Caravana43 lance un appel à solidarité internationale afin que partout dans le monde les peuples fassent pression sur leurs gouvernements pour le retour des 43 étudiants sains et saufs.
Lorsqu’un étudiant du city college de San Diego demande à son homologue mexicain “ et moi en tant qu’étudiant américain qu’est ce que je peux faire ?” Angel lui répond que tout le monde peut se tenir informé et peut diffuser autour de soi, tout le monde peut organiser des évènements, des manifestations, des pétitions, faire des dons sur le site de caravana43,…, mais surtout chaque personne doit utiliser sa créativité afin de trouver les moyens de lutter qui correspondent à notre époque et aux contextes de chaque pays et de chaque environnement social.
La caravana43 se solidarise avec toute personne qui subit la répression policière, peu importe le pays, avec toute personne qui lutte contre les grandes corporation et le système néoliberal. Avant de terminer Angel nous dit “ aux Etats Unis comme au Mexique et dans d’autres pays les gouvernements nous tuent pour le simple fait de dire non, pour le simple fait d’avoir la peau d’une autre couleur et avant tout, pour le simple fait d’être pauvre et dire YA BASTA”
La conférence de presse a été suivie d’une marche en direction du bâtiment du Congrès de San Diego où plusieurs centaines de manifestants demandèrent haut et fort
“ Ils les ont enlevés vivants, vivant nous les voulons !!!”
Pour plus d’information ou pour faire un don veuillez visiter le site internet http://www.caravana43.com/ ou le facebook https://www.facebook.com/Caravana43
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