Dans le cadre de la sortie de notre brochure de dé-codage de la smart-city lyonnaise (dont nous livrons ci-après l’avant propos et que vous pouvez retrouver à la Gryphe, aux Clameurs, ou encore au CEDRATS), nous, membres des Décâblés, proposons à toutes et à tous de nous rejoindre le dernier mercredi de chaque mois pour une visite du quartier emblématique de la ville-machine : la Confluence.
Donnons-nous rendez-vous devant la longue station de vélo’v qui se trouve au sud de la gare Perrache, Rue Dugas-Montbel proche Place des Archives, les mercredis 27/10, 24/11 et 29/12 à 17h30 pour démarrer ce que nous aimerions voir se rapprocher de ce que certains ont appelé Dérive.
Servons-nous des places et des dispositifs que nous croiserons sur notre route pour nourrir une réflexion sur les différentes formes que prend la ville-machine. Pointons du doigt les équipements bien matériels de la nouvelle économie immatérielle. Tentons de percer ensemble la logique qui soutient l’invasion de nos rues par des appareils connectés. Échangeons autour des résistances que nous pouvons opposer à l’établissement de la ville-machine.
Pas de discours d’expert donc mais le moment pour nous de partager notre travail d’enquête, pour se rencontrer et mettre en commun idées et vécus de la ville.
« Le projet Lyon Smart Community est un projet ambitieux que nous sommes fiers de voir émerger sur le territoire de l’agglomération. Ce démonstrateur à l’échelle d’un quartier tout entier, celui de La Confluence, nous projette d’ores et déjà dans cette ville du futur que nous voulons construire ! Une ville intelligente qui associe croissance économique tout en réduisant l’impact des activités sur l’environnement… ».
Gérard Collomb
Ancien Sénateur-Maire de Lyon, et Président du Grand Lyon
« On ne parlera probablement plus de smart city. On l’aura intégré ».
David Kimelfeld
Ancien Président du Grand Lyon
Le terme de « Smart City » n’a pas eu le temps d’être questionné que sa réalité s’est imposée, à nous qui vivons aujourd’hui dans une ville en pleine « mutation ». Car en effet, que signifie cet anglicisme qui nous sonne si faussement familier, à nous de plus en plus cerné.e.s de smart-bidules (à commencer par les smartphones ) ? Élégant, intelligent, habile, ou futé… Peut-être un peu tout cela à la fois, ou pour le dire autrement, comme une manière de masquer par le flou ce qu’il se passe vraiment !
A Lyon peut-être plus qu’ailleurs, nous est promis de vivre dans la ville de demain, à la pointe de l’innovation qui la rendra plus agréable. En attestent les nombreuses distinctions glanées [1] par la métropole dans les classements qui confrontent les « Smart Cities » du monde entier, et dont se félicitent les élu.e.s locaux pour lesquel.le.s la smartification est le fer de lance d’un « territoire » en pleine conquête des premières places dans le juteux marché de « l’attraction territoriale ».
Mais ne nous y trompons pas. Si la ville de Lyon joue la bonne élève lors des congrès « Smart Cities », si elle se plaît à apparaître à la première place des villes innovantes françaises, c’est que cette labellisation est un gage, pour les investisseur.se.s, de la pénétration chez la classe politique locale de l’impératif selon lequel aux maux d’aujourd’hui il faut apporter une réponse technologique, et qu’alors, Lyon est une ville à laquelle on peut tout vendre, où l’on peut tout tester, sur laquelle on peut compter pour trouver tout le soutien nécessaire à l’innovation… Bref, un bon « partenaire ».
Bien évidemment, il va falloir justifier les investissements consentis, et pour cela, une stratégie a fait ses preuves : s’appuyer sur les discours de la terreur, celui de la crise écologique, celui de l’insécurité, et enfin celui du risque sanitaire. La ville intelligente est en cela une ville « résiliente » dans laquelle sont « coconstruits » l’ « apaisement » et le « bien-être » au sein d’ « éco-quartiers » où l’on se connecte et l’on partage (des locaux, des voitures, des avis). En deux mots : la vie y est facile et meilleure.
Misère des mots quant ils ne renvoient plus à rien de réel, pire, lorsqu’ils masquent la réalité de ce qui se passe derrière les discours qui s’en vêtissent. C’est bien à travers le langage que les idées ont pris demeure dans nos vies et dans nos villes, et avant toutes les autres, l’idée que l’avenir est technologique, que la technologie est numérique, que le numérique est immatériel et donc libre… que la « Smart City » est en somme la ville de toutes les libertés ! Mieux, qu’elle est la ville de la libération.
Le discours smartificateur des médias, technicien.ne.s, entreprises et politiques cherche à apparaître comme étant de l’ordre du sens commun, du pragmatisme, de l’évidence. Pourtant, ces évidences n’en sont pas, et c’est ce que nous a révélé notre enquête, notre plongée dans les méandres des rapports des apôtres de la « Smart City ». C’est pourquoi nous avons choisi de construire ce texte à partir des 6 principaux préceptes qui structurent l’imaginaire smartien : La ville agile, La ville facile, La ville durable, La ville terrain d’expérimentation, La ville sûre, La ville participative.
Le label « Smart City », que l’on pourrait traduire par « ville intelligente », désigne un système où l’intelligence, étymologiquement le pouvoir de discernement, de décision et d’action, est captée par la machine de sorte que notre assujettissement à sa logique calculante est notre incrustation dans ce que nous appellerons désormais la ville-machine. Nous tentons alors dans cette brochure de mettre en lumière la réalité de cette ville-machine occultée par un discours, un imaginaire, une invasion des dispositifs numériques. De penser sa provenance dans le mode de gouvernementalité propre à la modernité occidentale, la cybernétique, et de montrer en quoi cette reconfiguration de la ville contribue à l’accomplissement de la cybernétique dans la réduction de la vie humaine à un fonctionnement. De rendre palpable l’unité de toutes ces transformations que subissent nos villes, nos jobs, nos vies... De lire entre les lignes et révéler ce qui se joue derrière les sermons et prophétismes envoûtants des « décideur.se.s », et d’en dénoncer le caractère inhumain et autoritaire. Nous restituons ici un travail amorcé en 2018 sur les formes que prend la ville-machine à Lyon enquête réalisée à partir de documents de la métropole, rapports, revues d’ingénieur.e.s, articles, lectures diverses, débats et conférences mais aussi d’un sens commun revendiqué, de l’échange autour de nos ressentis provenant de nos vies citadines.
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