Des yeux pour pleurer d’accord... mais quand est ce qu’on rigole ?

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Lunettes ou pas lunettes en manif ? C’est autour de cette
question un peu énigmatique que s’est tenue, le dimanche 21
septembre à la Duende, une petite réunion même pas ennuyeuse...

Au programme : échanger des inquiétudes, des expériences, des petites ficelles ou des grandes questions concernant en particulier les techniques actuelles du maintien de l’ordre public (et c’est vrai avec aussi l’idée et l’envie de le prendre en défaut ou de le déborder un peu). L’enjeu : face à la police, comment créer de pratiques communes pour se protéger en manifs, se les réapproprier, reprendre l’initiative ?

Vaste programme « pour le bon millier de participantEs » (selon les dés-organisateurs/trices) / « pour les deux personnes présentes » (version police). On a commencé par faire un tour de table, histoire de faire circuler un peu la parole, de dire les envies et les préoccupations des unEs et des autres, et d’apporter un peu de matière. Au terme de cette première séquence, des thèmes ont émergé, reformulés aussi sec en une série de mots clefs un peu mystérieux : « dynamique collective, stress, groupes affinitaires, coordination ou souplesse (tant physique que collective), remise en cause, équipement, arrestation-répression-police, équipes médicales et légales... ».

La réunion a continué ensuite par petits groupes, pour faire en sorte que chacunE puisse participer un peu. Pour finir, avant la dispersion, il y a eu un retour collectif qui a permis d’esquisser quelques projets pour la suite (préparation des manifs à venir avec mise en place d’une équipe médicale ; brochure permettant de reconnaître les différentes « marques » de flics, leur équipement, leurs tactiques, leurs attributions ; date de la prochaine réunion, etc.).

Voilà pour le cadrage un peu formel. Alors ensuite, plus concrètement, il s’est dit plein de choses intéressantes. Beaucoup trop en tout cas pour que je puisse en proposer une synthèse cohérente et nécessairement constructive. Les quelques lignes à la suite correspondent plutôt à un petit discours indirect libre, qui cherche à relier le plus lisiblement possible certains échanges, certaines remarques qui me sont passées à portée d’oreilles.

La police fait peur, c’est son boulot. Ça fait partie de son efficacité. Pour faire peur les flics se costument, ils s’entraînent, s’équipent ; ils agissent de façon coordonnée et fixent les règles en particulier en manif. Avoir peur en manifestation (en situation), c’est en partie avoir la sensation d’une déprise, d’une absence de maîtrise sur ce qui se passe. On est affecté par les gaz : suffoquements, les yeux piquent, y a plus qu’à courir. Pour reprendre un peu d’assurance et gagner en liberté d’action il y a la possibilité de s’équiper : avec des lunettes de plongée et quelque chose qui fasse office de masque on peut penser à autre chose (et faire autre chose) que « sortir des gaz pour plus avoir mal » ; par exemple voir s’il manque des gens, se regrouper, perturber le plan d’action de la police, apporter des soins...

Retrouver une maîtrise de son environnement, des événements,
ça passe aussi par la « dynamique collective », par « une petite mécanique entre les manifestantEs ». A l’ordre public
version policière il s’agit d’opposer la capacité de (dés)organisation et d’improvisation de la manif. Et ça peut passer en particulier par l’action de « groupes affinitaires ». Un groupe affinitaire est à la fois un groupe de pratique et un groupe de réflexion sur cette pratique (aux plans politique, tactique, au plan aussi du vécu, de l’affectif...) ; il rassemble des personnes qui se
connaissent, qui fonctionnent ensemble en dehors de la manif
 on ne devient pas affinitaires spontanément, par contre on peut avoir une spontanéité si on a ce fonctionnement de groupe affinitaire ») et qui décident d’aller faire quelque chose dans la situation ouverte par la manifestation. Au sein d’un groupe affinitaire on peut parler (entre autre) de ce dont on se sent capable ou non, de la signification politique qu’on attache à telle ou telle pratique, de sa peur... c’est aussi un espace de remise en cause, où on peut essayer de faire la part entre l’engagement du corps (qu’on sent plus ou moins bien) et les comportements de bravade (dans leurs composantes romantiques ou virilistes...).

La signification de ce mode de (dés)organisation dépend de ce qu’il permet de faire : non seulement développer des pratiques de solidarité face à la police, mais surtout pouvoir aller en manif pour y être actrice ou acteur de la
situation (que ce soit sur un mode festif, offensif, sournois, rigolo...). « Y faire quelque chose » c’est faire de la rue autre chose qu’un espace de circulation dévoué à la consommation et à l’échange marchand, autre chose qu’un espace décoré par la pub et réglé selon le bon ordre policier. Que d’autres êtres et d’autres événements puissent apparaître, qu’on puisse y voir, y entendre d’autres mots, et mettre en pratique d’autres usages de l’espace public (qui fassent à touTEs la part belle) : voilà pour les significations politiques de la « protestation de rue ».

Et quant à l’exercice du droit démocratique à manifester ses opinions, une précaution s’impose : avoir bien à l’esprit que ce droit s’arrête exactement là où tombent les
lacrymos et les coups de matraque
.
NAV

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