On a appris dimanche 15 mai que des interdictions de manif avaient été distribuées à des militant·es parisien·nes. Plus tôt dans la semaine, d’autres avaient reçu la visite de policiers juste pour des arrestations préventives avant la manifestation du 12 mai.
D’après Defcol, le collectif de Défense collective parisien, ce sont en tout plusieurs dizaines d’interdiction de manifester qui ont été distribuées, le chiffre exact n’étant pas encore connu. Lundi matin parle de 25 interdictions distribuées dans différentes villes et précise qu’aucune des personnes concernées n’avait déjà été interpellée pendant le mouvement. Les interdictions n’auraient été distribuées que sur la foi des fameuses notes blanches des services de renseignement. Contrairement aux assignations à résidence, c’est la préfecture qui décide de cibler tel ou telle militant·e ou journaliste.
Il s’agit des premières interdictions de manifestation. Elles ont été prononcées grâce à l’article 5 de la loi sur l’état d’urgence votée en février. Son article 13 prévoit les sanctions en cas d’infraction de l’interdiction : six mois de prison et 7 500 € d’amende. Ironie de l’histoire, ou fait révélateur, c’est un rapport sur le maintien de l’ordre rédigé suite à la mort de Rémi Fraisse qui a préconisé des interdictions de manifester sur le modèle des interdictions de stade. Jusqu’alors l’interdiction de manifester n’existait que « sous la forme d’une peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge pénal ». La police recourrait alors aux contrôles d’identité prolongés pour empêcher des manifestant·es d’exercer leurs droits.
Les interdictions distribuées, qui viennent satisfaire les demandes de la très réac et conspi CGT Police ciblent notamment sur Paris des membres du Mili et de l’AFA-Paris Banlieue. À Nantes, d’après la presse proche de la pref, 8 interdictions auraient été délivrées à des manifestant·es potentiel·les. Mais elles concernent aussi l’auteur d’un livre sur les violences policières qui a été éborgné en 2007 et un photographe indépendant qui documente régulièrement les exactions des flics.
Certaines personnes ont refusé de signer l’interdiction amenée en mains propres. Conséquence : elles seraient donc interdites mais sans savoir exactement le périmètre concerné ni la durée. D’autres n’étaient pas chez elles : elles ne sont pas notifiées donc a priori pas interdites de manif comme cela avait pu se produire pour les assignations à résidence.
Ces interdictions rappellent les assignations à résidence de plusieurs dizaine de militant·es pendant la COP21. De nombreux témoignages (1 2) avaient été écrits à ce sujet, ainsi qu’un entretien vidéo.
La dérive autoritaire du gouvernement se confirme chaque jour. Elle se transforme apparemment en panique avec l’expansion du mouvement prévue cette semaine et les appels à la grève reconductible. La conjonction des manifs qui ne s’arrêtent plus avec l’arrivée imminente de l’Euro 2016 et de ses 8 millions de supporters attendus ne doit pas rassurer le pouvoir.
La bêtise du gouvernement laisse toutefois pantois : comment penser qu’interdire de manif quelques dizaines de personnes va pouvoir diminuer la rage qui anime des milliers de personnes dans chaque ville ? Comment penser que l’interdiction de manif d’un photographe qui documente les violences policières va empêcher que la police soit photographiée ? Et hier, sur les réseaux sociaux, c’est le Chant des Partisans qui était rappelé :
Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.
Mardi 17, jeudi 19, plus que jamais, soyons des milliers à manifester !
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