Il y a du nouveau

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Le mouvement actuel s’est déployé au travers d’une pratique retrouvée, celle des affrontements avec la police, et d’un goût immodéré pour le blocage. Cette inclination nous renvoie à une évidence stratégique : en tant que telle la grève étudiante n’a pas de sens (elle ne bloque pas la production) et il lui faut donc, pour construire un réel rapport de force, donner lieu à d’autres modes d’action. Or, seul le blocage, en nous libérant du fonctionnement de la fac et des tracasseries administratives, nous permet de nous organiser.

L’université fonctionne sur le mode d’une gestion de flux, par la mise en circulation réglée d’étudiantEs de salles de classe en amphi, de machines à café en salles informatique... Bloquer c’est venir interrompre ce flot et libérer dès lors des possibilités de nouveaux agencements, de rapports diffus qui se nouent au hasard des rencontres.

En cassant tout ce qui tend à nous individualiser, à nous projeter dans des carrières ou des trajectoires étudiantes, la suspension du temps de l’université a permis la création de situations nouvelles et collectives.

Prendre en charge la question de la nourriture dans le cadre d’une cuisine collective, organiser des entraînements d’autodéfense face à la police, tout cela participe à fabriquer du commun.
Lundi 10 avril au matin, on a pu assister à une joyeuse kermesse autour de la « victoire » des anti-cpe, coproduite par Villepin et ses potes des syndicats. Il paraîtrait même que le déblocage a été voté.

La présidence et les anti-grévistes les plus militants espéraient que cette opération signifie un retour à la normale. Mais avec ce qui s’est vécu dans le cadre de la lutte, ce retour à la normale est devenu impossible. Qui peut encore reprendre goût au déroulement insipide de la vie quotidienne ? Beaucoup ont déjà rompu avec l’existence qui leur était destinée, ils et elles ont délaissé le terrain de la grève étudiante pour vivre la grève humaine.

A la limite on pourrait même dire que cette décision nous libère d’une question qui paralysait depuis toujours les AG. Ce qui n’était qu’une question tactique pour l’organisation de la lutte a peu à peu polarisé l’affrontement entre deux camps, entre deux partis : ceux et celles qui luttent d’une part et les tenants d’un retour à l’ordre d’autre part…

De peur d’assumer cet affrontement on a préféré, dès le départ, le « gérer » démocratiquement. On a joué à la démocratie, avec tout ce que cela implique : coups bas, manipulations et jeux de pouvoir.

A présent la rupture de la mascarade bihebdomadaire, avec ses logiques de représentativité, nous impose à la fois d’assumer cette dissension et de nous constituer en force effective.
D’abord, le retrait du CPE nous aura sorti du piège des revendications qui consiste à formuler son existence dans les termes mutilants du pouvoir, c’est-à-dire à avancer en terrain ennemi.
La levée du blocage, elle, nous libère de l’obsession de la légitimité. Désormais celle-ci appartient à qui pense ses gestes. L’occupation de l’université ne tient pas à un quelconque vote majoritaire mais à l’initiative de qui veut la peupler. De même, il n’est plus question de rechercher l’assentiment de la majorité des étudiantEs pour continuer.

Même s’il est formellement levé, le blocage a transformé durablement ce qui pouvait se passer à l’université. Il convient maintenant de le propager ailleurs : non plus là où il nous est seulement utile, mais là où il devient menaçant pour le pouvoir.

Ici quand nous parlons de bloquer, cela ne veut pas dire « jouer aux barricades », « marquer le coup » et nager dans le symbolique, mais bien frapper là où ça fait mal.
Le fonctionnement de la machinerie capitaliste passe par la circulation permanente des marchandises et des informations ; encore une fois c’est le blocage de ces flux qui permet l’émergence de situations nouvelles.

Bloquons tout !

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