Joseph Benoît, ce canut prolétaire, imperturbable partisan de Gracchus Baboeuf, avait écrit ses mémoires. Et c’est Maurice Moissonnier qui nous fit connaître ce grand nom du mouvement ouvrier lyonnais en transformant en livre le manuscrit de 426 pages trouvé à la bibliothèque municipale de Lyon à St Jean : « Joseph Benoît : confessions d’un prolétaire (Lyon, 1871) » (Editions Sociales, 1968).
C’est un insurgé pour le tarif des ouvriers en soie et bien sûr lors des révoltes des canuts. Ce canut fait partie du journal ouvrier l’Écho de la Fabrique, il est un des premiers mutuellistes avec Pierre Charnier, et le fondateur du premier club révolutionnaire de Lyon : la société des fleurs. En 1848 il est élu député ouvrier babouviste-communiste sur le 1er arrondissement de Lyon, mais cela ne l’empêchera pas au bout de trois années d’être carrément arrêté à l’assemblée nationale : on l’emmène du palais bourbon pour l’emprisonner. Il sera ensuite banni à s’exiler…
Joseph Benoît est né en 1812 au sein d’une famille paysanne à St Martin de Bavel, près de Virieu le Grand dans le Bugey. À ce moment-là, Napoléon auto-proclamé empereur est à son apogée avec ses volontés guerrières en annexant la majeure partie de l’Europe. Le père de Joseph Benoît refusant cette dictature veut éduquer son fils avec des idées plus égalitaires et, comme son instruction est assez sommaire à l’école du village avec des instituteurs itinérants, il l’emmène chez un de ses amis horloger à Genève, qui lui fait connaître les livres de Jean-Jacques Rousseau. En 1825, il poursuit ses études au collège épiscopal de Belley, mais refuse de faire sa première communion et se libère définitivement de la religion catholique.
À 16 ans, sa famille étant dans la dèche, il se rend à Lyon pour trouver du boulot. Il se fait embaucher dans une fabrique de tulle bobin. [1] D’abord brasse-roquets [2], il devient canut, c’est-à-dire artisan en soierie, énorme industrie toute en souplesse à Lyon et sa région et qui fait toute la richesse seulement des fabricants de soierie. [3]
Ayant très envie de faire passer ses idées contre l’exploitation de la classe ouvrière, il se consacre, en plus de son travail de canut, à la communication et aux médias de l’époque en écrivant dans de nombreux journaux comme la Fraternité, la Tribune Lyonnaise, le Tribun du Peuple... et bien entendu l’Écho de la Fabrique.
Après, en 1835, la Société des fleurs, dont chaque membre porte le nom d’une fleur ou d’une plante, qui se réunissait clandestinement dans les bois des monts d’Or ou sur les bords de la Saône, il fonde en 1838 toujours à Lyon la Société des égaux.
Joseph Benoît se marie en 1840 avec une fille qui a déjà un enfant, et qui est sur la même longueur d’onde sur ses idées.
La monarchie s’écroule en 1848 et la République est proclamée à Lyon le 28 février. Joseph Benoît fait partie de la commission municipale de la Croix-Rousse qui le délègue au comité municipal provisoire révolutionnaire. Il est désigné pour régler les différends entre patrons et ouvriers et est chargé de nourrir plus de 30 000 familles ouvrières installées dans les casernes. Comme conception du régime politique à mettre en place, c’est une république véritablement sociale à laquelle il aspire. C’est aussi à Lyon l’ardent désir des Voraces.
Joseph Benoît sera d’ailleurs élu comme député à l’Assemblée Constituante de 1848 aux côtés de Raspail, Proudhon, Jean-Louis Greppo sur Lyon, et Blanqui, Barbès, Louis Blanc qu’il fréquente sur Paris. Joseph Benoît est accueilli par une formidable ovation du peuple rassemblé place des Terreaux. Il est un des quatre députés qui refusent de voter les félicitations au gouvernement provisoire. Il vote contre l’instauration de l’état de siège en juin 1848, contre la fermeture des clubs, associations, pour la suppression de l’impôt sur le sel, pour le droit au travail, pour l’amnistie générale. Il vote contre la constitution de la république du 4 novembre 1848 qui amènera finalement très vite à Napoléon III.
Réélu comme député à l’assemblée nationale, il préconise un enseignement primaire gratuit et obligatoire. Mais il n’est suivi ni par les députés situés d’un côté, ni par ceux situés de l’autre côté. [4]
Napoléon III, voulant conserver le pouvoir à quelques mois de la fin de son mandat, organise le coup d’état du 2 décembre 1851 et fait arrêter trente-cinq députés. Joseph Benoît est arrêté en même temps qu’Eugène Sue, il est mis au secret pendant dix-sept jours, puis emprisonné à Sainte-Pélagie jusqu’au 10 janvier 1852. Il doit alors s’exiler. Il part en Belgique, puis en Suisse.
Il ne rentre en France qu’en 1865 et découvre une ville de Lyon transformée ; il a du mal à suivre la section locale de l’Internationale Ouvrière et s’oppose souvent à Bakounine... Son fils légitime, Émile, meurt à l’âge de 24 ans en août 1866. [5] Alors c’est tranquillement qu’il décide de terminer sa vie avec Marie, sa fille adoptive qui tient une petite papeterie au 3, cours Lafayette. Joseph Benoît meurt le 3 mars 1880, l’année où Jules Guesde reprend sa vieille revendication lyonnaise du tarif minimum pour les canuts pour laquelle il s’était tant battu.
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