Mort le 29 août 2007, Pierre Messmer, grand combattant de la première heure contre le nazisme, après 1945, en tant que haut-fonctionnaire, a accompagné la décolonisation, de l’Indochine française à l’Afrique, en s’efforçant de prévoir le maintien de l’influence française. Ministre des armées de De Gaulle, il s’est opposé au putsch des généraux de 1961 en Algérie, et semble avoir dissuadé le grand Charles de faire appel à l’armée en 1968. La suite est moins glorieuse.
Sous Pompidou, d’abord ministre des Dom-tom en 1971, il fut premier ministre de 1972 jusqu’à la mort du président en 1974. On retiendra qu’il a engagé la France dans le tout-nucléaire en lançant le chantier de 13 centrales nucléaires. Et en 1972, et oui en 1972, il entreprit de coloniser la Nouvelle Calédonie, comme le montre la lettre à Xavier Deniau, reprise ci-dessous. Colonisation massifiée sous Giscard, qui conduit jusqu’à aujourd’hui à une situation terrible pour les Kanaks marginalisés et ostracisés sur leur propre terre !
Pour Messmer, les Kanaks, qui peuplent cet archipel depuis près de 5 000 ans, c’est moins que rien, ils n’existent pas. Ou plutôt ils ne sont là que pour se révolter. C’est une justification terrible de la poursuite de l’apartheid, du racisme, de la spoliation, de l’exploitation, du pillage, de la répression, des exactions, des assassinats [1] qu’ont dû subir les Kanaks sur leur terre qui, ne l’oublions pas, fut un bagne [2] avant de devenir territoire d’outre-mer. [3]
Ce qui n’empêchera pas Messmer d’être élu à l’Académie des sciences morales (!) et politiques en 1988, et de finir à l’Académie française où il fut élu en 1999.
Dans une lettre du 19 juillet 1972, Pierre Messmer, alors Premier ministre, écrit à son secrétaire d’État aux DOM-TOM :
« La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants.
Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique.
À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés.
À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants.
Afin de corriger le déséquilibre des sexes dans la population non autochtone, il conviendrait sans doute de faire réserver des emplois aux immigrants dans les entreprises privées. Le principe idéal serait que tout emploi pouvant être occupé par une femme soit réservé aux femmes (secrétariat, commerce, mécanographie).
Sans qu’il soit besoin de textes, l’administration peut y veiller.
Les conditions sont réunies pour que la Calédonie soit dans vingt ans un petit territoire français prospère comparable au Luxembourg et représentant évidemment, dans le vide du Pacifique, bien plus que le Luxembourg en Europe.
Le succès de cette entreprise indispensable au maintien de positions françaises à l’est de Suez dépend, entre autres conditions, de notre aptitude à réussir enfin, après tant d’échecs dans notre Histoire, une opération de peuplement outre-mer. » [4]
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