La prévention situationnelle

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Par Lulu Casse(les)noisettes

Le réaménagement urbain de Lyon, peut laisser ses habitant-es étonné-es : l’uniformité est de mise...
Les place du Pont et Bahadourian, celles de la Bourse, de la République et des Charpennes, l’esplanade de la grande côte, ou bien la petite place du Griffon, qu’ont en commun ces places ? La sobriété et le sol en bloc de granit ? Oui mais encore ?

Elles ont toutes été conçues selon une doctrine appelée « prévention situationnelle ».

Guide de conception à l’appui, les architectes n’ont qu’à suivre les consignes : des espaces dégagés de tout coin sombre, des lieux qui ne doivent pas « provoquer une demande "anormale" de l’intervention policière et permettre le cas échéant l’efficacité de celle-ci »....

Et encore de joyeux principes...

La prévention situationnelle naît des préoccupations sécuritaires et a comme but avoué de lutter contre l’insécurité, mais quand on s’y penche de plus près, pas grand chose de neuf...

L’urbanisme, c’est à dire l’organisation de la ville, a toujours repondu aux attentes des dirigeants de voir leurs ouailles calmes, de pouvoir les surveiller, de pouvoir prévoir chacun de leurs mouvements...

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Au XIX ème, le Baron Haussman entreprend les "grands travaux" à Paris. Il perce de grandes avenues en rasant des milliers de logements avec comme but officiel de moderniser la ville (installer un réseau d’égout et donner du prestige à la ville) mais les visées de contrôle des classes dites « dangereuses » (c’est à dire populaires) étaient de première importance : des grands boulevards, ça permet d’empêcher le peuple de tenir des barricades mais aussi à l’armée de tirer au canon contre toute tentative de celui-ci. La prévention situationnelle, c’est la même chose, sauf qu’on se donne même pas la peine de cacher ses ambitions de contrôle sous des motifs de modernisation... la « sécurité » est le mot magique qui ouvre toutes les portes et libère les langues.

Pour atteindre son but, la prévention situationnelle se dote de plusieurs moyens et objectifs :

- le premier est de créer des espaces où les comportements et les déplacements des futurs usager-es sont prévus et orientés.

Le mobilier urbain est conçu de manière à n’avoir qu’un seul usage possible (celui auquel le destine nos chers dirigeants) ainsi le banc servira de repos à un-e passant-e mais grâce à de subtiles aménagements (barre de métal) il sera impossible de s’y allonger ou d’y dormir. Les réverbères sont enduits de petits picots et d’une peinture spéciale sur lesquels il n’est pas possible de coller des autocollants. D’autres exemples sont à trouver , il suffit de regarder autour de nous.

Ainsi orienté-e à travers un espace balisé, l’usager-e ne peut que faire ce qu’on veut qu’il-elle fasse et aller où l’on veut qu’il-elle aille. L’improvisation est source de conflits et de désordres...

- L’autosurveillance et la surveillance tout court sont aussi des visées de la prévention situationnelle, les espaces crées doivent être dégagés, ne contenir aucun recoin, aucun coin sombre, avec des buissons maintenus à une hauteur de moins d’un mètre ou au feuillage peu dense, par exemple. À tout moment, tout doit être visible d’un regard. Le but ? Dissuader quiconque de faire quoi que ce soit de non-prévu, faire sentir aux personnes qu’elles peuvent être vues et inciter les autres usager-es à surveiller leurs semblables. En bref : faire de chaque usager-e le flic potentiel de son voisin...

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- Le dernier objectif officiel est de faciliter l’intervention policière dans les lieux. Il faut croire que les dirigeants n’ont pas si confiance que çà dans la capacité de surveillance et de délation du bon citoyen... puisque la prévention situationnelle se fixe comme objectif de faciliter l’intervention policière, c’est à dire de créer des lieux très vite contrôlables par les forces de l’Etat (armée, police...)

Cette description de la prévention situationnelle peut sembler un tantinet paranoïaque. En lisant les guides d’application de la prévention situationnelle à l’usage des architectes, on peut se rendre compte à quel point elle n’est pas exagérée. Pas de doute, on s’occupe bien de nous.
Toute liberté, toute spontanéité, tout changement d’usage dans l’espace public est vu comme une menace à empêcher grâce à un urbanisme « bien pensé ».

A nous de nous réapproprier nos lieux de vie et de passage !

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