Le feuilleton des comparutions immédiates à Lyon

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Comptes-rendus de justice

Tant que la justice jugera en catimini, elle chargera plus que le maximum bien souvent. Et l’on voit bien que tout est fait pour casser les personnes, qui après l’incarcération se retrouvent pour la plupart aigries ou malades psychologiquement, pour qu’elles ne puissent même plus se révolter... Beaucoup refusent de reparler de leur affaire par la suite...

C’est pourquoi il est important d’assurer une présence l’après-midi, lors des audiences de comparutions immédiates. A Lyon, c’est au rez-de chaussée du nouveau palais de justice, tout au fond, salle G (14e chambre).

On peut s’aider de la lecture de cette fiche de la boîte à outils de Rebellyon : Comment rédiger un compte-rendu de comparution immédiate.

Voici trois jugements du 6 novembre 2006 au tribunal de Lyon :
- Embarqué dans un coffre de voiture par un négrier, il ramasse un mois de prison ferme.
- Un contrôle brutal pour une jeune fille se transforme en outrage et rébellion.
- Il a 18 ans, jamais emprisonné et ramasse 3 mois ferme pour outrage et rébellion.

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Prison St Paul de Lyon

Embarqué dans un coffre de voiture par un négrier, il ramasse un mois de prison ferme

Comparution immédiate du 06/11/2006 au tribunal de Lyon

- 18h23

M. A. est jugé pour séjour irrégulier en état de récidive légale, détention et usage de faux papiers.
Il a 56 ans, est marié, père de six enfants qui vivent au Maroc.

- Pourquoi ne pas venir en France en situation régulière ? interroge le juge
- Ma demande a été rejetée.
- Vous dites ne pas travailler mais vous travaillez au noir ?
- Oui
- Vous avez été trouvé dans le coffre d’un véhicule conduit par votre employeur, que l’on peut qualifier de négrier. J’aurais préféré avoir à juger votre employeur plutôt que vous. Pourquoi ne pas rester au Maroc ?
- Je dois finir d’aider ma mère qui habite en France. Dès que j’ai fini, je rentre au Maroc.


Réquisitions du procureur


- Les conditions d’interpellation du prévenu sont inadmissibles mais c’est la deuxième fois qu’il est interpellé pour séjour irrégulier dans la région.

Le procureur requiert 6 à 8 mois ferme de prison, une mise en détention immédiate et demande que soit prononcé une interdiction définitive du territoire national et de l’Espace Schengen.

Plaidoierie de l’avocat


- Mon client est en France depuis 2001, il a plus de lien avec la France qu’avec le Maroc. Ce n’est pas un « mauvais bougre », il n’a pas de casier judiciaire et n’a jamais été emprisonné.
- Lors d’un controle de la circulation effectué par les policiers, ceux ci ont entendu au bout de 5 à 10 minutes des coups provenant de l’arrière d’un véhicule qu’ils avaient arrêtés. Ils ont ouvert le coffre et ont découvert M. A ; son employeur et une autre personne était assis à l’avant du véhicule.

- 18h33


Délibéré

Le tribunal reonnait M. A. coupable des faits qui lui sont reprochés et le condamne à un mois de prison ferme.


Un contrôle brutal pour une jeune fille se transforme en outrage et rébellion

Comparutions immédiates, Tribunal de Lyon, le 6/11/06.

- 15h30

Mlle H., 19 ans est jugée pour outrage et violence volontaire sur une policière.
Elle est éducatrice sportive en cours de formation.

Les faits décrits par les procès verbaux

Le 3/11 à 5h15, des poubelles brûlent à Villeurbanne. Trois policiers, qui ont été avisés de l’incident, procèdent au contrtôle d’identité de 3 jeunes filles qui rentrent chez elles. Contrôle des cartes d’identité.

- Quelle est ton adresse ? demande une policière à Mlle H.
- Tu sais pas lire, c’est écrit sur la carte répond la jeune fille.
- Je te demande où tu habites, si l’adresse est valable ?
- C’est bon connasse, t’as qu’à regarder.

Le juge interroge la prévenue :

- Pourquoi avoir réagi comme ca à un contrôle de police ?
- Je n’ai pas insulté la dame.
- Les procès verbaux décrivent des faits rapportés par les policiers.
- Non c’est pas vrai, je ne l’ai pas insultée, elle m’a dit « ferme ta gueule » et je lui ai répondu « je ne vous ai pas manqué de respect, ne me manquez pas de respect ».

Les faits (suite)

La policière relève l’outrage et tente de procéder à l’arrestation de la jeune fille : celle-ci refuse et lui décroche un coup de poing à l’arcade sourcilière. La policière décide alors d’utiliser une « technique policière » de « retournement contre le mur » : la jeune fille lui en décroche un deuxième.
Les autres policiers interviennent pour maîtriser la jeune fille et l’arrêter.

- Pourquoi ce comportement ? interroge le juge
- Parcequ’elle m’a bousculée et mal parlée.
- Vous êtes un peu soupe au lait ?
- Non, la dame m’a maltraitée. Elle a voulu directement m’attrapper les mains.
- Pourtant les 2 autres fonctionnaires de police présents sur place confirment les faits décrits par le PV. C’est étonant, votre parcours ne marque pas de signe particulier. Vous interpeller n’est pas vous provoquer, les policiers font leur travail.
- Elle m’a bousculée.
- Le manque de respect permanent aux policiers devient insupportable. Voulez -vous ajouter quelque chose ?
- Non.

Les réquisitions du procureur

- Les feux inexpliqués sont à la mode depuis quelques semaines en
France, les policiers font donc des rondes et des contrôles.
- Aucun pays au monde ne peut se passer des policiers qui font appliquer la loi.
- 7 jours d’ITT pour deux coups de poing, c’est important.

Le procureur demande 10 mois de prison dont 5 avec sursis et l’incarcération immédiate de la prévenue.

La plaidoierie de l’avocate

- Pourquoi y a-t-il un contrôle de police ce soir- là sur ces individus ?
- Les procès verbaux ne mentionnent pas les dates ni l’heure des feux, il est difficile de faire un lien entre les deux affaires.
- Ce contrôle s’est mal passé simplement à cause d’une histoire d’adresse valable ou non.
- Ma cliente affirme que la policière a cherché à lui sertir les mains dès les premiers instants du contrôle.

- 15h52

Délibéré

Le tribunal reconnaît la jeune fille coupable des faits qui lui sont reprochés. Elle est condamnée à deux mois de prison avec sursis et à verser 550 € à la policière (300€ de dommages et intérêts et 250€ pour les frais de justice).


Il a 18 ans, jamais emprisonné et ramasse 3 mois ferme pour outrage et rébellion

Comparution immédiate du 06/11/06 au Tribunal de Lyon.

- 16h17

M. O. est accusé d’outrage à 3 dépositaires de l’ordre public (des gendarmes) : « espèces de pd, je vais vous niquer » et d’avoir résisté avec violence à son interpellation.
M. O. a été condamné deux fois précedemment pour des délits mineurs, il est actuellement en CDI.

Le tribunal propose au prévenu de juger en plus de cette affaire une infraction pour conduite en etat d’ivresse et rebéllion, commise récemment par le prévenu. L’avocat annonce qu’il n’était pas au courant de cette affaire, il n’a pas vu dans le dossier du prévenu de document lui faisant cas de ces infractions. Le juge déclare qu’il incombe à l’avocat de se renseigner pour connaitre toutes les infractions reprochées à son client.

Le Tribunal jugera les 2 affaires en une.

Les faits selon les procès verbaux des gendarmes (1re affaire)

Le vendredi soir 3 novembre à Mornant, des gendarmes interviennent une première fois suite au coup de fil d’un habitant qui se plaint du rafût qui se passe dans le hall de son immeuble. Plus tard ils reviennent appellés à nouveau par un habitant qui déclare qu’une vitre a été cassée. Dans le hall, 3 personnes discutent et boivent un coup. Les gendarmes déclarent avoir été insultés : « Il vous manque des gardes à vue ? », « Vous venez pour nous faire chier ? ». Le prévenu est alors interpellé, placé en garde à vue et en cellule de dégrisement. Pendant la garde à vue qui se passe à la gendarmerie, le prévenu hurle. Les gendarmes arrivent et « le prévenu se rebelle » ; à cette occasion, un gendarme se blesse tout seul avec son bâton de défense. Le prévenu est accusé d’outrage et de rebéllion.

Les faits selon les procès verbaux des gendarmes (2e affaire)

Le 6/10/2006 lors d’un contrôle de circulation, des policiers procèdent au dépistage d’alcool sur le prévenu. Après le constat positif, le prévenu doit descendre de sa voiture et monter dans le camion de police. Le prévenu a refusé de monter dans le camion, s’est débattu et les policiers l’ont maitrisé pour le faire monter de force. Le prévenu est accusé de conduite sous l’emprise d’un état alcoolique et de rebéllion.

- Pourquoi ? interroge le juge.
- ...

Le gendarme blessé dans le cadre de la première affaire s’est porté partie civile et demande un euro à titre de dommage et intéret .

Les réquisitions du procureur


- Vous êtes un grossier personnage, vous avez insulté un représentant de la république en s’addressant un prévenu.
- Je suis inquiet de voir un jeune homme de 18 ans et demi qui ne sait toujours pas lire le code de la route : si je bois je ne conduis pas, si je veux conduire je ne bois pas, le plus simple est de ne pas boire pour ne pas avoir de problème du tout : n’importe quel abruti sait ca !
- Les représentatnts de l’ordre public sont des personnes respectables et à respecter ; cela ne plait pas au prévenu. Nous avons la chance d’être dans un pays humaniste, d’avoir des lois et des policiers pour faire respecter les lois de ce pays : et monsieur, lui, fait les 400 coups, embête ses voisins, casse une vitre, etc. On ne sait plus quoi en faire.
- Il existe sur les 193 pays du monde des pays ou on peut insulter les policiers, ici en France c’est non.

Le procureur demande 6 mois ferme, la suspension du permis de conduire pour 9 mois et un mise en détention immédiate.


La plaidoierie de l’avocat

- Il s’agit d’un dossier simple que j’ai parcouru rapidement.
- Le lieu des faits est aussi le lieu d’habitation de la mère du prévenu et celle-ci n’a rien entendu ce soir là. Elle déclare « mon fils rencontre de nombreuses difficultés avec la mairie », il subit des contrôles réguliers et peut être trop fréquents.
- Dans les faits du 6/10 et ceux pour lesquels vous êtes saisi aujourd’hui, il y’a un problème d’alcool.
- Concernant la première affaire je ne vois pas comment un prévenu qui se trouve déjà incarcéré dans une cellule peut « se rebeller et refuser d’être interpellé ».

- les réquisitions du procureur sont élevées, elles ne teinnent pas compte des difficultés personnelles de mon client.
- Le prévenu aurait du travailler ce week end et ce jour, monsieur le juge. M. O. bénéficie d’un contrat stable, il est employé en CDI dans une entreprise.
- Pour les deux antécédents qui concernent mon client, il n’a jamais bénéficié de mise à l’épreuve ; je vous demande de ne pas l’incarcérer et que ces faits ne soient pas inscrits à son casier judiciaire.

- 16h42

Délibéré

Le tribunal a jugé M. O. qui a 18 ans, n’a jamais été emprisonné et travaille en CDI, coupable des faits qui lui sont reprochés et le condamne à 3 mois de prison ferme, sa mise en détention immédiate et la suspension de son permis de conduire pour une période de 9 mois. Le dédommagement de la partie civile sera établi lors d’une autre audience.

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