Passons sur l’ingéniosité qui permit de passer par la hache, le fléau, la hallebarde, la fronde, l’arc et la flèche, la catapulte, le trampoline, la grenade, la sarbacane, le révolver, la bombe atomique, le nunchaku, la voiture piégé, le lance-harpon,…
Il aura fallu tout cela pour arriver à rendre possible l’attaque par l’armée israélienne, aviation en tête, des Palestiniens de la bande de Gaza où les groupes armés résistent à la politique coloniale et vivent sous blocus depuis 5 ans. Quels sont les descendants du gourdin qui sont utilisés de part et d’autre ?
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Les médias, quand ils traitent des agressions militaires d’Israël, notamment celle sur Gaza, ne font pas preuve de beaucoup de précisions sur l’armement déployé. Il s’agit en fait d’un véritable mépris pour tout un vocabulaire militaire que se sont employé à formaliser des générations d’experts en la matière. Avec tout ces objets qui font mal et qui tuent, auxquels il a fallu donner un nom, des techniques et stratégies ont été inventées, avec des jolies expressions comme « champ de bataille », « siège », « ligne de front », « tranché », « guérilla »,…et des escouades, des régiments, des grades et des gradés en veux-tu en voilà avec leurs décorations et leurs cimetières.
Par leur négligence quand ils parlent de la guerre, les journalistes piétinent toute une histoire, une tradition, toute une culture militaire qu’exprime un vocabulaire autant fleurie qu’imagé.
Si il faut remercier les médias d’avoir si bien respecté l’esprit et la lettre de ce langage dans leur diffusion d’expression comme « dégâts collatéraux » ou « frappes chirurgicales » ; si il faut reconnaître leur bonne volonté à expliquer avec pédagogie et patience toutes les raisons justifiant les activités militaires (qui sont le corps, l’incarnation de cette culture qui sans cette réelle présence au monde ne serait que folklore) ; si il faut souligner que l’effort de diffusion massive de reportages sur les forces de répressions diverses et variés est remarquable par sa constance et frôle la propagande ; si il faut admettre que la possession, par des fabricants et vendeurs d’armes, d’organes de presses est tout ce qu’il y a de plus appréciable ; il faut cependant noter avec quelle désinvolture les journalistes confondent une « roquette » et un « missile » lorsqu’ils traitent de la résistance palestinienne, ainsi que le manque de précision quand à l’armement israélien.
L’armement est le pré-requis de la créativité militaire, qui ne s’exprime réellement qu’en action. Un bon forgeront possède de bons outils, et il est fier de son outil. Le militaire est à la fois artiste et artisan, sans bon outils il ne peut donner libre court à son inspiration et réaliser son œuvre. C’est beau. Ca se respecte.
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Faisons donc un petit point sur les types de projectiles explosifs en tous genres échangés actuellement.
Une balle est le projectile d’une arme à feu d’un calibre inférieur à 20 mm, comme pour les pistolets, les carabines, les fusils et autre mitraillettes. Au-delà on parlera d’obus.
Un obus est donc les munitions tirées par les canons, d’un calibre égal ou supérieur à 20 mm.
Une bombe est un engin explosif, le terme désigne par extension tout ce qui est largué en chute libre d’un avion et qui explose à l’atterrissage.
Une roquette est un projectile autopropulsé et non guidé. A la différence des balles et obus elles ont un carburant qui continue à propulser pendant le vol la charge explosive.
Un missile est un projectile autopropulsé et guidé, composé d’un propulseur, d’un système de guidage et d’une charge.
On peut retrouves des ouvrages d’entre les deux guerres mondiales qui utilisent les termes de missile et de roquette indifféremment, mais depuis la distinction s’est clairement faite dans le vocabulaire militaire, Sauf pour le traitement médiatique des groupes de résistance armée de la bande de Gaza.
Résumons : une balle et un obus sont tirés, une bombe est larguée, une torpille est mouillée, une roquette et un missile sont lancés.
Donc oui : il y a un point commun entre une roquette et un missile : les deux se lancent et sont autopropulsés. La différence est que le missile est guidé, ce qui implique des moyens de marquages de la cible, ce qui devient vite problématique à grande distance. Sans système de pointe, le marquage se limite aux missiles de très courte portée (inférieur à 5 km).
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Pourtant, ceci n’empêche pas Ha’aretz de publier un article, repris par le Courrier International , titré « Tel-Aviv est-elle menacée ? » où dans le 1er paragraphe on peut lire : « Pour la première fois, le Hamas peut atteindre Tel-Aviv avec ses missiles : deux roquettes sont tombées le 15 novembre, non loin de la ville ».
A y regarder de plus près, la couverture médiatique décrit systématiquement le type d’armes utilisée par les résistants palestiniens. « Des roquettes se sont abattues », « La colonie Gush Etzion touché par une roquette » et parle parfois de « missile ». Mais les actions de l’armée israélienne ne se voient pas accorder ce traitement de faveur, alors qu’elle déploie bien plus de moyen, tant quantitativement que qualitativement. L’armement israélien est une technologie de pointe, elle mérite une couverture de pointe, des descriptions « chirurgicales » et des comptes-rendus « ciblés » sur ses capacités de destruction.
La 1re chose à faire serait peut être de préciser également quel type d’armement l’armée d’Israël utilise pour ses « frappes aériennes » (parfois « violente » ou « disproportionnée », mais toujours justifiées), de décrire quel a été le contenu d’un « bombardement intensif » ? Finalement, ça sert à larguer quoi un « raid » ? C’est quoi la charge explosive de leur « offensive » ? Il ne suffit pas de relever l’effort quantitatif fait par Israël dans les premières heures de l’attaque, comme dans ce compte rendu : « Depuis l’assassinat d’Ahmad Jaabari, une quarantaine d’heure, l’armée israélienne a annoncée avoir mené 466 frappes ; 280 roquettes ont été lancées depuis Gaza. » Le travail des Palestinien pour présenter des armes est respectable, surtout dans les conditions actuelles. Mais une information équilibrée et objective du conflit devrait faire ressortir le constat qu’en matière d’arsenal, l’armée israélienne à plus à fournir. A la bonne volonté de l’amateur, Israël oppose la rigueur du professionnel.
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Car avec quoi les Palestiniens résistent-ils ? Jusqu’à présent il s’agissait de roquettes (al-Qods, al-Nasser, Kafah,…). La roquette Qassam par exemple existent en 3 modèles (mais les coloris dépendent du moment). Le modèle 1, le plus petit, fait 80 cm de long et propulse 0,5 kg de charge explosive pour une portée de 10 km. Le modèle 3, le plus gros, fait 2 m de long pour 10 kg de charge et une portée de 10 km.
Pas de quoi atteindre Tel-Aviv donc, mais de quoi mener une sorte de guérilla d’harcèlement, version assiégée, dans le sud d’Israël à l’intensité modulable selon la période. Ces derniers jours la résistance palestinienne de la bande de Gaza s’est fait remarquer par des tirs atteignant la proximité de Tel-Aviv, des colonies en Cisjordanie et descendant un drone israélien. La portée et la capacité de cibler, les choses sont nouvelles à Gaza. Mais elles sont distinctes dans les faits : les tirs sur Tel-Aviv ou Goush Etzion démontrent une nouvelle portée des projectiles ; descendre un drone demande un ciblage, et donc un missile mais ne dit rien de leur portée. Aucun projectile décollant depuis Gaza n’est allé à la fois loin et ciblé.
La roquette qui a explosé à une quinzaine de km au sud-est de Tel-Aviv semble être une Fajr-5. Parce qu’elle va plus loin, parce qu’elle fait mieux que les roquettes Qassam, la Fajr-5 est qualifiée de « missile ». Mais c’est pas parce qu’on mesure 6 m de long, qu’on a une portée de 75 km et une charge explosive jusqu’à 90 kg qu’on peut se prendre pour un missile.
Quand à ce qui a descendu le drone israélien, c’est probablement un missile sol-air très courte portée de type Strela. 5 km de porté : pas de quoi inquiéter Tel-Aviv, tout juste de quoi obliger l’aviation israélienne à prendre un peu d’altitude. Strela est un missile, donc guidé, ici par un autodirecteur infrarouge qui permet de se caler sur le rayonnement du réacteur ennemi. Il a l’avantage de pouvoir se lancer à l’épaule et de ne produire que très peu de signaux détectables. Il peut abattre des cibles volants à moins de 1 000 km/h, à 750 m d’altitude maximum.
A quelles armes s’opposent les résistants palestiniens ? Avec quoi Israël mène-t-elle des « frappes » ou des « bombardements » ? Sur ces questions, la presse ne dit rien.
Sur un F-16, avions chasseur-bombardier, que peut-on trouver de beau ? Entre autre :
des missiles air-sol Maverik de 2m50 de long, d’une charge creuse de 57 kg ou pénétrante de 135 kg, à guidage électro-optique ou infrarouge.
des bombes MK-82 : non-guidé de 227 kg, avec une charge de 87 kg.
une ou deux bombes BLU : anti-abris souterrains de 874 kg, répartie en plusieurs charges explosant les unes après les autres pour plus de dégâts en profondeur.
Faut avouer que ça plus de gueule. Et il y a aussi des tanks, de l’artillerie, une marine, des hélicoptères,…
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D’une manière générale, le missile représente un signe de civilisation. Un missile est nettement plus intelligent qu’une roquette. Le missile est joueur et peut faire plein d’exercice rigolo comme exploser en dans les airs et disperser plein de trucs qui font mal, exploser à l’impact ou pénétrer un blindage avant d’exploser… Une roquette c’est bête et méchant : une fois partie on sait plus trop où ça va. Il faut des gens formés pour lancer un missile, faire des math et calculer des trucs. Alors que fabriquer un trépied et allumer la mèche d’une roquette c’est moins prestigieux. C’est pas pour rien si les uns sont l’élite de l’aviation militaire et les autres des terroristes. La méritocratie balistique incite à récompenser l’effort, la modernité, l’intelligence.
C’est parce qu’il ne dit rien de tout ceci que le traitement médiatique de l’agression militaire d’Israël manque ces détails et ce sens de la précision qui font les descriptions vivantes et colorées d’un journalisme au prise avec le réel.
Génération Palestine Lyon.
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