B. est originaire de la Mulatière. Après des années de galère à enchainer les chantiers de montage électrique sur les foires et les expos, avec son frère maçon, ils décident d’ouvrir un commerce. La famille se mobilise pour les aider à acquérir un petit local dans le quartier St Jean. Un local dont personne ne voulait tant il était délabré. B. et son frère se retroussent les manches et font 5 mois de travaux pour faire un bar à chicha, petit, convivial, avec une déco moderne, sur les murs, photos de Londres et Paris by night « c’était pas du tout oriental, je voulais pas faire quelque chose de communautaire ».
Le Breaksoft ouvre en 2010, il fonctionne, il est même fréquenté par des fils de grands bourgeois de la ville, B. est encore fier de sa réussite de l’époque. Mais voilà le quartier St Jean est aussi le bastion des fachos. A quelques marches au dessus du Breaksoft, se situe la Traboule, le siège des identitaires. De son bar il assiste à des descentes de groupes armés de battes de baseball qui vont tabasser dans la rue tout ce qui ne ressemble pas à des bons aryens. Il raconte notamment comment un vieux maghrébin un peu alcoolisé s’est fait arracher l’oreille. Il ne s’en mêle pas, il ne veut pas d’embrouilles et fait encore confiance à la police qui, après cette histoire, vient sur les lieux, interroge les Identitaires, mais ne donne pas de suite.
Et puis il commence à recevoir des plaintes, pour nuisances sonores. Le lieu était auparavant une ancienne discothèque, triple vitrage et insonorisation sont toujours en place et l’ambiance de la chicha est plus lounge que club. De l’intérieur on entend même les clients de la terrasse du pub voisin.
Ca n’empêche, appelée par des voisins, la police met la pression, B. ne met plus de musique, les gens continuent de venir. Puis un jour, on l’accuse d’un vol de scooter. L’engin a disparu dans le quartier. « j’ai pas investi 50000 euros pour voler un scooter » dit B. aux flics qui répliquent « on va pas croire à vos conneries ». On retrouve le coffre du scooter dans la cave du bar accessible depuis l’allée commune. B. parle d’un coup monté. Les pressions continuent, la porte qui lui permet d’accéder du bar à la cave est forcée, son lieu est visité de nuit. Au fil des mois, il se décourage et malgré les soutiens des clients, son portable qui sonne sans cesse pour des réservations et les amis qui augmentent sur son facebook, il décide de jeter l’éponge avant l’été 2011, « ils ont vu un maghrébin dans le quartier, ils voulaient pas de nous ».
Il ferme donc boutique et met le lieu en vente pour rembourser sa famille et ses amis qui l’ont aidé à investir. Au début de l’été, alors qu’il accompagne sa famille qui part au bled par le bateau à Marseille, il reçoit un coup de fil, ce sont les pompiers, de l’eau coule dans la rue depuis son local. Des gens se sont introduits une nouvelle fois et ont ouvert les robinets. Même s’il a décidé de partir, les « jeux de gamins » continuent.
Quelques jours plus tard, le 15 juillet 2011 « c’est la touche finale », il arrive dans son local pour accueillir un éventuel acheteur, il découvre son bar retourné. Les spots défoncés, les chichas cassées, les moquettes qui recouvraient les glaces murales arrachées, les vitres cassées et des tags partout : « S.S », « rentrez chez vous, on vous brûlera » « la France ô français », un énorme dessin représentant Hitler et des croix gammés un peu partout. Aucun vol, l’énorme écran plat et la caisse tactile toute neuve « auraient fait un beau butin » mais ils ont préféré les casser. Une signature aussi lors de ce saccage : les auteurs ont laissé un rétroviseur de scooter. La police ne prendra pas le temps de relever des empreintes pourtant encore visibles sur les bouteilles d’alcool laissées par les nazis.
Aujourd’hui, l’état du local ne permet pas de le vendre facilement, la plus-value espérée avec les 5 mois de travaux est tombée à l’eau, B. ne peut pas rembourser ceux et celles qui lui ont fait confiance. Il survit aujourd’hui avec le RSA qui lui permet à peine de nourrir ses 4 enfants « alors que j’étais gérant d’un chicha bar ».
Il ne comprend pas vraiment la débilité de ces actes, il ne fait pas confiance à la police « ça les arrange bien », la plainte qu’il a déposé n’a pas eu de suites. « Ils nous incitent à faire la police nous même » mais il ne veut pas se venger parce que ça ne ferait qu’empirer les choses. Il rapproche son histoire au climat actuel de la politique sarkozyste et des médias qui confondent musulmans et terroristes.
Ce cas n’est pas isolé, les Identitaires et autres nazis occupent le pavé à St Jean, les habitants et les commerçants du coin regroupés en association commencent sérieusement à s’inquiéter et essaient d’alerter les autorités mais il semblerait bien que celles-ci soit de mèche avec les fachos.
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