Cela faisait trois semaines que les maestros (professeurs) de la section 22 du syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE), de l’État de Oaxaca, avaient établi un campement dans le centre historique de la capitale. Ils revendiquaient jusqu’à maintenant une augmentation de salaire, des aides matérielles, comme des petits déjeuners et un transport gratuit pour les enfants, ainsi que le refus de la réforme de l’éducation, qui prévoit, outre une privatisation avancée, une négation de l’apprentissage de l’histoire pré-colombienne du pays.
Rejoints plus tard par des pères de familles, ils ont dû faire face, le 14 juin, à une tentative de délogement par la police de l’État.
A 4h30, peu avant le lever du soleil, des sirènes et des cris se sont fait entendre, suivis à 5h00 par des gaz lacrymogènes. A l’aide de couteaux et de flammes, la police a mis à sac le campement et a rapidement dispersé le millier d’hommes, de femmes et d’enfants présents sur les lieux. Vers 6h00, la résistance a commencé a s’organiser et environ 600 personnes se sont confrontées aux forces de l’ordre de Oaxaca. A l’aide de pierres, de pavés, de barres de fer, parfois de machettes, de bus urbains requisitionnés, de voitures abandonnées, de vinaigre, de coca-cola et surtout d’une phénoménale force collective, ils ont lutté contre les gaz et les uniformes. Jusqu’aux environs de 9h00, la police a subi physiquement les effets de la résistance, avant de se retirer pour envoyer les gaz directement par hélicoptère, sur la foule. Les affrontements ont finalement cessé vers 10h30 et les maestros, les pères de familles, rejoints par une partie de la population, ont reintégré leur campement.
Le triste spectacle de leurs tentes et pétitions en cendres, de la nourriture éparpillée, du nombre de bombonnes de gaz lacrymogène vides dans les caniveaux, n’a fait que raviver un désir de lutte et de rancoeur envers le gouverneur de Oaxaca. Issu du parti de la révolution institutionnelle (PRI), qui est resté 70 ans au pouvoir au Mexique sans élections libres, le gouverneur Ulices Ruiz avait en effet été élu grâce à la corruption et à la falsification des bulletins.
Vers 13h, le bilan de la répression tombe : une femme a dû avorter du fait des gaz, deux enfants sont morts asphyxiés, deux professeurs sont morts, près de 20 blessés et environ 16 prisonniers, dont 12 ont été relachés plus tard. On est sans nouvelle des autres, ainsi que de l’état des blessés. Officiellement, la police ne détenait pas d’armes à feu, mais des dizaines de balles ont été retrouvées sur les lieux. Des actes d’attouchements sexuels, voire de viols, ont également été rapportés.
Après quelques heures de repos, le campement a été reconstruit, et a dû être étendu, du fait du ralliement de la population de Oaxaca. Le quartier du centre de la ville a été barricadé, et des tours de garde ont été organisés durant la nuit.
Le lendemain, diverses assemblées se sont formées, pour organiser tous les angles de la lutte à mener. Le gouvernement mexicain a fait savoir au gouvernement de Oaxaca que les forces fédérales n’interviendraient pas (à la difference de ce qui s’était passé à San Salvador Atenco, en mai dernier). La principale revendication du mouvement est, depuis ce jour, la destitution du gouverneur de Oaxaca, ce qui est un droit garanti par la constitution mexicaine.
Le 16 juin, une megamarcha, la troisième organisée en deux semaines, a réuni près de 300 000 personnes, sur un trajet d’environ dix kilomètres. Il y avait autant de monde sur la route que de gens autour, avec des messages de soutien à la lutte des maestros, mais surtout contre la répression et pour la destitution du gouverneur.
A la suite de cette marche, et de la réappropriation du campement, des négociations ont été ouvertes par le gouvernement. Celui-ci persiste à dire que les moyens manquent pour satisfaire les volontés des maestros, et surtout à ignorer la demande de destitution.
Le 20 juin, les négociations ont été rompues, sans parvenir à un accord. Le campement est toujours en place, le quartier est toujours bloqué, et les campeurs s’attendent à une nouvelle répression policière.
Les préoccupations principales du gouvernement de Oaxaca sont la chute du tourisme et les éventuelles perturbations à prévoir pour les élections présidentielles qui se tiendront le 2 juillet 2006.
Dans la presse nationale et régionale, la censure persiste. Les maestros sont montrés du doigt comme des terroristes prenant en otage toute une région.
En parallèle, le syndicat des professeurs est loin d’être uniforme. Il abrite environ sept courants, et son secrétaire général, membre du PRI, a plusieurs fois été en première ligne lors de scandales de corruption. Proche du parti de la révolution democratique (PRD), la coalition de gauche réformiste, candidate aux élections présidentielles, il est confronté à des aspirations moins institutionnelles, plus proches de l’EZLN du subcommandante Marcos. Ce dernier mène actuellement une otra campaña en marge de la campagne présidentielle, dans tout le pays, pour sensibiliser la population au problème des indiens du Mexique, et à celui des méfaits du néo-libéralisme mondial.
Apres la répression des miniers au début de l’année, celle de San Salvador Atenco en mai, et celle de Oaxaca, le nouveau président à venir va devoir rendre les comptes que son prédécesseur, Vicente Fox (Parti de l’Action Nationale, PAN, libéral), n’a toujours pas rendu.
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