Patagonie libre, sans barrage ni multinationales

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« Qui ne connait pas la forêt chilienne ne connait pas cette planète », Pablo Neruda ; qu’en est-il de ceux qui ne la verront jamais ???

“Qui ne connait pas la forêt chilienne ne connait pas cette planète”, Pablo Neruda.
Et j’ajouterai que ceux qui ne la connaissent pas devrait venir vite avant qu’il n’en reste plus rien…

Je m’explique. A Santiago du Chili, le 9 mai 2011, a été voté par les douze membres de la commission d’évaluation environnementale le projet Hydroaysen, qui autorise la construction de cinq centrales hydroélectriques dans la 11e région, située au Sud du pays, avec la mise en retenue des fleuves Baker et Pascua.

Ce même jour, à 19h, soit une heure après le vote et grâce à l’accélération des modes de communication qui nous permet de rester connectés et de suivre en direct n’importe quel événement, s’agroupe quelques milliers de personnes autour de la Plaza Italia, centre névralgique du trafic automobile santiaguino. S’ensuivront plusieurs heures de course poursuite et de jeu de piste entre les « fuerzas especiales », les CRS locaux, tout aussi bien équipés qu’en France, et les manifestants. Ces dernies sont pour la majorité des jeunes étudiants, sensibles au thème de l’écologie ou tout simplement excédés par la décadence néolibérale du président actuel, Sebastian Piñera.

« Patagonia y Chile no se venden ! », mais quelles sont les conséquences de l’accomplissement de ce colossal projet, dont le budget l’est tout autant ?

Pragmatiquement :
- la retenue des fleuves entrainera, en plus de la sécheresse des territoires privés des ressources en eau, un déséquilibre pour ne pas dire la destruction de l’écosystème local : faune, flore, forêts, en plus de la disparition annoncée de nombreuses espèces natives ; notons que la Patagonie fait l’objet d’une candidature pour être nommé « site mondial patrimoine de l’humanité » de l’UNESCO.
- au niveau social, nous pouvons aisément imaginer les conséquences sur les communautés locales de la venue des équipes de travail, plusieurs milliers de personnes : désintégration des modes de fonctionnement coutumiers, qui cimentent les liens sociaux au sein de groupes numériquement peu importants et généralement protégés des effets de l’urbanisation massive.
- notons aussi la défiguration des paysages, sans doute parmi les plus beaux de cette planète, haut lieu du tourisme plus ou moins responsable.
- la construction des centrales est une chose, la transmission de l’énergie produite en est une autre, qui entrainera la construction sur plus de 1000 km de lignes et de pylônes électriques, détruisant parcs nationaux, forêts, champs destinés à l’agriculture etc…

Pourquoi un tel projet si destructeur ?

L’industrie minière, cœur de la richesse économique du Chili, bien que vendue aux multinationales, est la plus grosse consommatrice d’énergie, dans un pays où la moitié de la population vit dans la capitale. En effet, malgré ces 4000 km de long, le Chili possède une géographie presque inhospitalière, entre désert aride au Nord, et glaciers au Sud.

Donc, ce projet de thermoélectriques a été écrit, débattu et voté afin de subvenir aux besoins énergétiques de l’industrie la plus polluante du pays, qui enrichit les multinationales comme, mais ne permet pas de régler le problème des inégalités révoltantes du Chili. Ici, le salaire minimum est de 172 000 pesos, soit l’équivalent de 250€. A titre de comparaison, un étudiant à peine sorti d’une université privée et entrant dans une entreprise pour la première fois peut espérer un salaire de 800 000 pesos, soit un peu plus de 1000€. C’est dans ce même pays, cette même capitale, que pullulent les 4/4 et les centres commerciaux, mais aux alentours de laquelle certains vivent encore dans l’insalubrité la plus révoltante, parfois même sans accès à cette fameuse énergie électrique. Un pays dans la capitale duquel les citoyens de cette périphérie misérable sont condamnés à y rester, découragés par le prix exorbitant et en constante hausse des transports en commun.

Quelques mois après la catastrophe nucléaire du Japon, alors que la France continue d’être une puissance nucléaire mondiale, et alors que le thème énergétique devient de plus en plus sensible face à l’appauvrissement des ressources fossiles et l’augmentation des scandales et accidents hyper contaminants, plusieurs questions se posent à moi :
-  Quel pourcentage de la population chilienne n’a jamais, et ne mettra jamais, les pieds en Patagonie ? La grande majorité me dit-on.
-  Quel pourcentage de la population chilienne, française, japonaise et autre n’a pas encore conscience de l’importance cruciale du débat ?
-  Comment générer une discussion sociale, un débat, un mouvement global, dans un pays comme la Chili, gangréné par les inégalités et le néolibéralisme ?

Aujourd’hui, c’est la Patagonie qui est en péril, pour le bénéfice des multinationales comme Transelec. En Colombie, ce sont 40% du territoire qui sont menacés par les projets miniers , et demain ?

Demain, j’irai manifester de nouveau, j’irai m’étouffer à travers les fumées des gaz lacrymogènes, et je rentrerai de nouveau chez moi trempée et glacée, pour m’être trouvée encerclée sur une place publique, ou piégée entre deux rues, avec tous les autres, face à ce fameux camion cracheur d’eau, qui parait beaucoup plus grand vu de près. Ici ils l’appellent « le guanaco » , je vous laisse savourer la métaphore… Et oui, parce que de nouveau, une manifestation pacifique, pacifiste, s’est transformée en répression d’Etat, qui ne discute pas son budget « dispersion de manifestants » (même l’hélicoptère était là, c’est dire), mais n’écoute pas non plus les revendications, ne se résout pas à innover pour de bon afin de sortir, enfin, de ce schéma qui nous mène droit à l’échec.

Ca vous rappelle quelqu’un ?

P.-S.

Sources :
http://latercera.com/noticia/nacional/2011/05/680-364408-9-conozca-las-doce-personas-que-hoy-votaran-hidroaysen.shtml

http://www.patagoniasinrepresas.cl/final/contenido.php?seccion=problema, Patagonia sin represas est l’association principale de lutte contre ce projet, et presente sur son site internet de nombreuses informations détaillées, à partir desquelles j’ai extrait ces éléments.

http://www.elciudadano.cl/2011/05/05/40-por-ciento-del-territorio-colombiano-pedido-en-concesion-para-megaproyectos-mineros/

http://www.clinamen.cl/Nortegrande/Camelidos/Guanaco.htm, une sorte de Lama

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