Punir les pauvres : une fois enrôlé comme indic, on s’en débarasse en le mettant en taule !

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Tribunal de Lyon, comparution immédiate du 27/11/2006
Monsieur G., né en 1967, habite en foyer Sonacotra. Il effectue des missions intérims plus ou moins régulièrement.
Il est jugé pour avoir depuis avril 2005 acquis, détenu, transporté, cédé, de l’héroïne.
Monsieur G. est physiquement décharné, très maigre.


Le prévenu est interrogé par le juge

Quand on vous voit, on peut s’inquiéter de votre déchéance commence le juge.

Les gendarmes ont installé une surveillance autour du foyer Sonacotra où vous habitez. Ils vous ont surpris en train de vendre de l’héroïne à un acheteur, vous aviez 1,20 g. d’héroïne sur vous, 50 g. chez vous, 230€ en liquide et le matériel nécessaire au conditionnement. Le travail d’enquête a permis l’identification des clients, puis leur interrogatoire a permis d’estimer les quantités vendues et leur prix comme il se fait d’habitude dans ce genre d’affaire pour avoir une idée des sommes d’argent et des quantités échangées.

Vous êtes consommateur ? (sic)

- J’achète pour revendre puis j’en garde une partie pour ma consommation.

Peut-être un peu plus même, pour vous faire de la gratte. Les prix sont très fluctuants avec vous, c’est comme le pétrole ! (sourire).

- C’est fonction des quantités...

On s’en tiendra à ce qu’a noté le procureur de la république même si on se doute fortement que vous avez 20 ans d’héroïne derrière vous !

- J’étais en Algérie l’année dernière ; j’ai fait une première cure en 1997 puis une deuxième en 2000 et actuellement je suis à la méthadone.

Est-ce que vous pouvez travailler dans cet état ?

- Je travaille quand j’ai ma dose.

Je n’ai jamais vu quelqu’un qui se soigne à la méthadone et qui continue à vendre ou alors c’est dans un but crapuleux de faire de l’argent en vendant de l’héroïne. La méthadone c’est un alibi pour vendre, qu’est-ce qui vous empêche de suivre ce traitement ?

- Il y a l’environnement autour de moi...

L’environnement ? Vous n’avez pas d’attache, pas d’enfant, pas de femme, pas de travail et vous vivez dans un foyer Sonacotra, prenez un sac à dos mettez vous sur la route du soleil, la RN7 et vous faites du pouce, vous êtes libre comme l’air !

- J’ai une famille ici et elle n’est pas au courant de ma toxicomanie, je ne peux pas partir sans éveiller de soupcon... je suis au chômage depuis 1997, mais je travaille en intérim, j’ai fait 6 mois dans une poissonnerie et des CES.

C’est tout ?

- Je vais à l’ANPE tous les mois faire un bilan de mes recherches avec un conseiller, je réponds aux offres qu’il me propose, j’envoie des CV, je téléphone comme me dit de faire le conseiller.

Vous préférez passer des coups de fils ou envoyer des courriers plutôt que de vous déplacer ! Et vous vous contentez de faire le minimum que vous impose l’ANPE.

Je note que vous avez un casier judiciaire vierge.


Les réquisitions du procureur

Monsieur B. est un exemple de l’infantilisation actuelle : il se laisse porter par des flots pas très agités (les contrôles mensuels de l’ANPE).

Je ne vois aucun lien de causalité entre le fait que l’on travaille et le fait qu’on va empoisonner les autres en leur vendant de l’héroïne.

Le ministère public est conscient d’être un vestige face à des dossiers comme celui là :

A qui on vend ? Il y a un des acheteurs qui a 17 ans : on a semé le drame la tragédie, la mort dans cette vie. Ce procès ne doit pas être qu’une génuflexion avec le dealer (il ironise sur l’obligation que son ministère a de prendre en compte le coté pathologique du prévenu) mais aussi de la compassion pour les familles de victimes du dealer !

Ce dealer se souvient très bien des quantités qu’il a l’habitude de vendre et les prix varient d’un client à l’autre, comme le pétrole disait monsieur le président, comme au marché dirais-je, les prix varient en fonction de la tête des clients.

Le procureur requiert 3 ans de prison ferme.

La défense de l’avocat

Le déroulement de l’audience me perturbe. Vous dites dans un premier temps qu’on voit monsieur B. comme un homme rongé par l’héroïne. Avec les réquisitions du procureur on décolle et on tombe sur un discours tout fait : infantilisation des demandeurs d’emploi par l’ANPE, compassion pour les victimes de l’héroïne, caricature des consommateurs qui auraient été débauchés à la sortie du lycée par monsieur B. et finalement on a sur le banc des accusés un garcon qui deale depuis toujours. Ce qui compte dans la justice, c’est la singularisation des audiences !

Tout d’abord mon client a été dénoncé et arrêté suite à un renseignement anonyme : c’est l’usage qui est réservé aux indicateurs de la police qui n’ont plus d’utilité pour celle-ci : un indic qu’on fait cramer dans le jargon policier. Monsieur B. est dans un foyer Sonacotra depuis 1997 et les gendarmes ne se seraient jamais apercu du trafic dont on le charge depuis tout ce temps !

J’ai pensé que vous aviez compris à l’apparence physique de mon client qu’il est sur la corde raide tout le temps et j’ai aussi pensé que vous saviez que la consommation de méthadone, d’héroïne et la vente de celle-ci sont des situations courantes chez les usagers en cours de cure.

Pourquoi supposer que Monsieur B. vend beaucoup et depuis toujours ? Mon client est sur écoute, sous surveillance depuis un an et ses comptes ont été epluchés, il n’a pas du tout été mis en évidence que mon client échangeait de grosses sommes, c’est tout l’inverse, il n’avait que 230€ à son domicile : il faut coller au dossier monsieur le président et pas décoller. Pensez vous qu’il est en train de se faire construire une villa sur la côte méditérannéenne ? Bien sûr que non et il porte la réponse sur lui !

Et il n’y a pas comme le laisse penser le procureur de don de doses d’héroïne à la sortie des lycées dans le but de faire d’innocents lycéens de nouveaux consommateurs du poison : ne faisons pas d’amalgame.

La réquisition qui a été faite de trois ans est démesurée. Vous pensez qu’en le bouclant 3 ans alors qu’il n’a jamais goûté à la prison va être la solution ? Surtout pour un trafic qui est du type à payer sa propre consommation ?

J’entends bien que ce produit, l’héroïne est un produit qui demande une réponse forte de la part de la justice mais je demande une mesure exceptionnelle de 18 mois de prison avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve et obligation de soin pour mon client.

Je vous demande d’individualiser la décision que vous allez prendre.

16h23 : Délibéré

Le tribunal vous reconnaît coupable d’acquisition, de détention, de transport et de cession de produits stupéfiants. Nous avons tenu compte de l’absence de toute infraction sur votre casier judiciaire et la cour vous condamne à 2 ans de prison dont un avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve de 3 ans, la saisie des 230 € trouvés à votre domicile ainsi que les produits stupéfiants qui seront détruits.

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