Mise à jour 22 mai : d’après Rue89Lyon, la conférence aura lieu dans le 5e arrondissement.
Mise à jour 23 mai 13 h : la conférence n’aura pas lieu dans la salle du 5e arrondissement initialement prévue :
Finalement, le responsable de la salle nous a indiqué, ce vendredi 23 mai, que la conférence n’aurait pas lieu chez lui. Officiellement pour une question de « non confirmation de la réservation ». Nous ne savons pas si cette conférence est maintenue. (Rue89Lyon)
Mise à jour 26 mai : Soral et sa clique n’ont visiblement pas réussi à trouver une salle de secours suite à l’annulation de leur réservation dans le 5e et se voient donc contraints d’annuler leur conférence.
Mise à jour 27 Mai : Contrairement à ce qui était annoncé dans la presse, Soral a bien maintenu sa conférence antisémite. Cette dernière a eu lieu à Meyzieu, dans un restaurant de la rue du docteur Schweitzer.
Le titre de la réunion ne laisse pas d’ambiguïté sur les motivations. Le lundi 26 mai aura lieu à Lyon une conférence d’Alain Soral et de l’auteur antisémite Gilad Atzmon : « Les juifs et les autres ».
Outre le sujet et l’affiche, les efforts de communication réalisés depuis plusieurs semaines sur le site très fréquenté d’Egalité & Réconciliation, l’organe de propagande du leader d’extrême droite proche de Dieudonné, laissent penser qu’elle va attirer pas mal de monde.
Où le rassemblement aura-t-il lieu précisément ? On l’ignore pour l’instant. L’adresse ne devrait en effet être diffusée qu’à la dernière minute auprès d’inscrits triés à l’avance. Au vu de la nature de l’événement, la parano règne au sein de l’organisation déjà bien perchée : « La demande de réservation doit obligatoirement mentionner le nombre de places demandées, l’identité de tous les participants (prénom et nom, pas de pseudo) ainsi qu’un numéro de téléphone portable. Le lieu de conférence sera indiqué par courriel et SMS quelques heures avant l’horaire indiqué. »
Voici quelques éléments pour en savoir un peu plus sur les animateurs de la soirée et ses organisateurs locaux.
Egalité & Réconciliation, le fan-club de Soral
Si Egalité & Réconciliation reste groupusculaire en terme de militants, l’organisation s’est spécialisée dans la diffusion sur Internet de ses controverses rouges-brunes. Les vidéos fleuves de son gourou, Alain Soral, qui se présente dorénavant comme « national-socialiste », attirent des centaines de milliers de clics (nul ne sait combien restent jusqu’à la fin). L’organisation a en fait créé un hybride entre une véritable entreprise de presse de mass-média et une marque, avec un éditorialiste en chef PD-G, des rubriquards spécialistes sur telle ou telle thématique édités par la maison d’édition interne, Kontre Kulture, et vendus à travers la boutique internet de l’organisation, des détaillants (les sections locales) une chaîne de télé, des filiales, des sous-marques… L’ensemble décline les produits thématiques classiques de l’extrême droite : l’homophobie, le soutien à différents régimes autoritaires comme Poutine ou Bachar El Assad, le masculinisme (dîtes « Théorie du Genre »), l’opposition au « mondialisme », et bien sûr complotisme et antisémitisme, étroitement liés, comme le résumait l’article que consacrait le Monde diplomatique à Soral en octobre.
Si la démocratie est factice, si les thèses en faveur du néolibéralisme sont aussi fortement propagées, si l’opposition est si souvent affaiblie, c’est parce que des réseaux occultes infiltreraient l’ensemble des organes de décision de... l’Empire, neutralisant ou corrompant l’action politique : des dîners du Siècle aux « nouvelles maçonneries pour l’hyperclasse que sont les think tanks, style Bilderberg et Trilatérale », l’oligarchie prépare et ses manœuvres et l’opinion, tandis que, de complot en complot, elle crée la menace terroriste avec les Twin Towers ou la guerre civile en Syrie. (…)
Au cœur de ces conspirations se tiendraient, liés à l’Amérique rapace, les « Juifs », sinon errants, du moins par nature étrangers à la nation, et de surcroît portés sur l’accumulation de capital. La banque est juive, la presse est juive, le destructeur de l’unité nationale est juif… Soral a pour eux une haine positivement fascinée. Il les voit partout. Evidemment, il lui est facile de préférer parler d’antisionisme ou d’opposition à la politique d’Israël. Mais c’est tout bonnement de l’antisémitisme, et non l’expression d’un soutien au peuple palestinien ou d’un goût marqué pour la provocation supposée libératrice. S’il réédite des classiques de l’antisémitisme dans Kontre Kulture, sa maison d’édition (Edouard Drumont, La France juive, etc.), c’est par ardente conviction. Aucune ambiguïté.
Seule exception notable aux thématiques classique de l’extrême droite, Soral ne fait pas commerce directement de l’islamophobie, mais préfère l’instrumentaliser à ses fins. Le sociologue Haoues Seniguer [1], co-auteur avec Philippe Corcuff d’une tribune récente sur Rue89Lyon « Quand les disciples d’Alain Soral nauséabondent à Lyon » y analyse ainsi la stratégie de Soral :
L’un des axes principaux de la propagande soralienne à l’adresse des musulmans de religion ou simplement de culture consiste à les convaincre que « la communauté juive » dans son ensemble, parfois désignée de manière euphémisée comme « sioniste », organiserait leur ostracisation par son influence déterminante sur les centres du pouvoir.
C’est le retour du thème traditionnel du « complot juif » ! Soral s’efforce alors de fédérer « les musulmans patriotes » autour d’un ennemi commun (…)
Soral et ses affidés jouent sur un ressort principal, dont ils proposent moins le dénouement que l’entretien : le fait que l’islamophobie, c’est-à-dire les discriminations anti-musulmanes et/ou anti-maghrébines, ne soit pas élevée au rang d’un problème public appelant une action ferme de la part des gouvernants. On pourrait même parler d’une certaine porosité électoraliste des gouvernants vis-à-vis de l’islamophobie.
Egalité et Réconciliation a par ailleurs un véritable talent pour transformer des sujets politiques en produits commerciaux. L’écologie ? L’organisation ouvre une boutique de vente de produits bios. La mondialisation de la bouffe ? Hop, on vend du vin. Le site parle régulièrement de guerre civile, ou de perte de l’identité masculine ? Tiens, des stages de survie, mais aussi tout le nécessaire du parfait survivaliste. Sans compter que chaque article est associé systématiquement à un livre ou une vidéo autoproduits. Article 11, dans Alain Soral, petit idéologue mais grand épicier ainsi que Quartiers libres, sur son coach en musculation amateur de t-shirts nazis, ont enquêté sur cette dimension de l’officine d’extrême droite. Pour garder une dimension militante et rassurer tout le monde sur son absence d’enrichissement, Soral fait régulièrement de la retape auprès des militants pour, dit-il, payer ses futures amendes.
Jusqu’à quelques années de ça, peu connu en dehors de son fan-club [2]), la petite entreprise a connu une ascension importante dans le sillage du premier de ses compagnons de route, Dieudonné. Depuis le lancement d’E&R en 2007, Soral et le clown ont toujours mutuellement profité de l’influence de l’autre. Soral a ainsi profité des polémiques de cet hiver et du signe de la quenelle, qu’il a largement participé à populariser. Mais les embrouilles de sous ne sont jamais loin : la compagne de Dieudonné, Noémie Montagne, déclarait ainsi en septembre vouloir conserver l’exclusivité commerciale du geste (!) Une source de tensions depuis, même si l’alliance infernale continue. Faut dire que l’antisémitisme, ça rapporte, et l’humoriste comme le polémiste ont su en faire un confortable business sur le dos des Palestiniens qu’ils prétendent ainsi défendre.
La conférence du lundi 26 mai à Lyon est la suite de cette dynamique renforcée par les effets d’annonce de Valls contre Dieudonné. En janvier, le musicien internationalement reconnu Gilad Atzmon officialisait son soutien aux idées de l’humoriste par une vidéo sur le site d’Egalité & Réconciliation. Il n’a cessé depuis de se rapprocher d’Egalité & Réconciliation.
Gilad Atzmon, la ficelle grossière de la caution de moralité juive
Il faut dire que pour Soral, Atzmon est une prise de choix. Né en 1963, Gilad Aztmon est un saxophoniste d’origine israélienne installé à Londres qui a plusieurs albums à son actif et aurait joué avec « Robbie Williams, Sinead O’Connor et Paul Mc Cartney ». Mais c’est finalement plus pour ses pamphlets, très appréciés dans les milieux antisémites, qu’il s’est fait remarqué ces dernières années sous couvert de solidarité avec le peuple palestinien.
Des délires qui ont eu suffisamment d’écho pour qu’une vingtaine d’intellectuels palestiniens dénoncent ses idées et lancent un appel international à en cesser la diffusion.
Notre lettre ouverte appelle les organisateurs palestiniens, les militants solidaires de la Palestine et les alliés du peuple palestinien à désavouer Atzmon. […] Nous soulignons le danger de soutenir les travaux ou écrits politique d’Atzmon et de fournir des plates-formes à leur diffusion.
Ils précisaient leurs positions, à l’opposé de celles d’Atzmon :
Nous le réaffirmons, cette analyse historique fondamentale de notre lutte exclut toute attaque contre nos alliés juifs, contre les Juifs ou le judaïsme, comme elle exclut la négation de l’Holocauste et se refuse à toute alliance avec des théories conspirationnistes ou des groupements d’extrême-droite, orientalistes et racistes.
Pour Dominique Vidal, journaliste au Monde diplomatique, dans un article intitulé "Les Protocoles de Gilad Atzmon son livre « la Parabole d’Esther » « vise (…) en général les Juifs et le judaïsme, y compris les Juifs antisionistes considérés comme les plus dangereux. » Vidal note par exemple ce passage, parmi beaucoup d’autres :
« La religion de l’Holocauste était déjà bien établie très longtemps avant la Solution finale (1942), bien avant la Nuit de Cristal (1938), les Lois de Nuremberg (1936) et même avant la naissance d’Hitler (1889). La religion de l’Holocauste est sans doute aussi ancienne que les juifs le sont eux-mêmes »
Et de conclure « Une telle diarrhée nauséabonde ne mérite pas de commentaire : elle condamne sans appel son auteur. »
Du côté de l’Union juive française pour la paix, le constat est clair. Dans un texte condamnant le relais de la prose d’Atzmon par le site Info-Palestine, l’un de ses responsables rappellait ainsi que
« Le mouvement de solidarité avec la Palestine a tout à perdre (…) en tolérant les manifestations d’antisémitisme. L’attitude digne et utile, c’est celle qu’avaient eue Edward Saïd, Mahmoud Darwich et Elias Sanbar en empêchant la tenue d’un colloque négationniste à Beyrouth. »
Gilad Atzmon, pour ses bons et loyaux services, a été décoré : il a est désormais désigné comme « Maître Quenellier ». Il était apprécié dans les milieux antisémites, il est devenu une star du site soralien, réalisant régulièrement des entretiens, chacune étant vue des dizaine de milliers de fois. Ainsi, celle diffusée le 15 mai et rendant hommage à Dieudonné avait déjà été vue plus de 47 000 fois 5 jours plus tard. Il faut dire qu’on s’y bidonne grave : on y apprend que c’est le salut nazi qui est une quenelle inversée, et pas l’inverse. Et que la quenelle est un geste « humble et plein de respect » à la différence du « fuck you » anglais, vulgaire.
Gilad Atzmon avouait en mai 2013 au militant d’Egalité & Réconciliation transi d’admiration venu l’interviewer ne pas vraiment connaître Soral. L’organisation semble lui avoir trouvé dans la galaxie soralienne l’espace d’expression et l’audience qui lui conviennent. D’autant qu’il n’abandonne pas sa carrière musicale pour autant : le lendemain de son intervention à Lyon, il jouera avec son quartet à Paris. Pas n’importe où : au Théâtre de la Main d’Or, le quartier général de Dieudonné. Et pas n’importe comment : le concert sera précédé d’une conférence de Jacob Cohen et de Dieudonné…
Si Gilad Atzmon est une pièce importante du déploiement international d’un discours antisémite renouvelé, à l’échelle francophone c’est en effet Jacob Cohen, ancien de l’Union des Juifs Français pour la Paix, qui remplit ce rôle [3]. Il a été suspendu temporairement de l’UJFP le 23 avril 2012 après avoir justement soutenu, sur un site d’extrême droite, les propos de Gilad Atzmon. D’après le Bureau national de l’UJFP, il a refusé de s’expliquer, il est parti de lui-même. Mais il continue de maintenir une certaine ambiguïté sur son appartenance ou non à l’association.
Pour Rudy Reichstadt, animateur du site ConspiracyWatch.info,
Atzmon et Jacob Cohen remplissent au sein de la mouvance formée autour de Soral et Dieudonné une fonction parfaitement claire : celle de « caution de moralité » permettant à leurs amis de parer l’accusation d’antisémitisme – la ficelle est un peu grosse mais cela a sans doute pour effet de sauver les apparences auprès du public qu’ils essaient de séduire.
(Extrait d’un entretien avec Rudy Reichstadt.).
Les réseaux soraliens dans l’agglomération lyonnaise
La section lyonnaise des Soraliens est assez active en ce moment. C’est ici, par exemple, que les premières convergences avec les intégristes de Civitas ont eu lieu l’année dernière, à l’occasion d’une conférence organisée entre le patron de Civitas, Alain Escada, et le cadre soralien Albert Ali. Elles ont abouti cette année, outre le phénomène des Journées de retrait de l’école, à la présence de Farida Belghoul [4], bras dessus bras dessous avec Alain Escada, à la manif parisienne du 11 mai de Civitas, protégée par l’Œuvre Française.
Si Egalité & Réconciliation Rhône-Alpes compte une centaine de sympathisants et une trentaine d’adhérents, un noyau dur d’une dizaine de cadres constitue réellement la section. Ils sont actuellement très actifs sur le projet des « Journées de retrait de l’école » de Belghoul. A l’image du reste de l’organisation comme à Marseille, ils sont dorénavant proches de l’Action française, ce qui a certainement permis le rapprochement avec Civitas.
L’ancien paravent de la section lyonnaise, « Fraternité lyonnaise », aurait semble-t-il été dissout au profit d’une structure au nom moins grillé mais très soralien « Racines et saveurs ». C’est sous ce nom que seraient organisées les différentes activités d’Egalité et Réconciliation Lyon, vente de produits bio (dans la continuité du survivalisme et du conspirationnisme alimentaire qu’ils développent) ou organisation de débats. Avis aux quelques établissements qui louent des espaces pour accueillir des conférences de plusieurs dizaines à quelques centaines de personnes à Lyon, si elles voient traîner ce nom dans leur cahier de réservation, par exemple pour lundi soir…
Autre aspect de l’implantation lyonnaise : la présence en 2012 d’un candidat du minuscule et monomaniqaue Parti Anti Sioniste de Yahia Gouasmi, très proche des mêmes réseaux, qui ne présentait que 4 candidats à l’échelle nationale. Dieudonné à Dreux, deux dans le Nord, et un autre dans le Rhône, dans la 4e circonscription, Mounir Grami. Celui-ci s’est aussi présenté aux dernières municipales à Vénissieux sur une liste « Gauche du travail, droite des valeurs » avant de rallier au second tour le candidat UMP, non sans avoir dénoncé l’invalidation de la liste Benedetti / Gabriac sur son blog.
La pauvre Œuvre Française, en plus d’être dissoute, se retrouve en effet largement devancée sur son cœur de métier, la promotion de l’antisémitisme. Elle tente ces derniers temps de récupérer des miettes du phénomène Soral-Dieudonné. C’est donc à plein poumons cette année, pour sa classique manifestation de Jeanne-d’Arc du 11 mai, qu’elle a entonné ses slogans contre les banquiers juifs et une version adaptée pour l’occasion du Chant des Lansquenets. Une manière de réaffirmer que l’Œuvre n’accepte pas sa dissolution, et qu’elle est suffisamment forte pour revendiquer sa place dans les polémiques autour de la quenelle.
On retrouve ainsi Benedetti, son grand patron, présent sur le pavé bruxellois au Sommet de la dissidence. Le public « cosmopolite » du grand raout soralien a pourtant dû heurter sa sensibilité profondément raciste. À la presse, il tente d’affirmer sa différence avec les soraliens présents, comme le raconte StreetPress : « Yvan Benedetti (…) explique à un journaliste belge un peu perdu entre tous ces dissidents, souvent jeunes mais aux looks très variés : "Soral et Dieudonné dénoncent le sionisme. Moi c’est le judaïsme politique."
Nul doute qu’à la conférence de lundi consacrée "aux juifs", à laquelle seront très certainement présents les nouveaux alliés de Soral (Action Française et cathos intégristes de Civitas) et ses suiveurs (Œuvre Française et Jeunesses Nationalistes), les intéressés pourront aisément comprendre les subtilités de ce commerce de haine si porteur.
A moins qu’une mobilisation n’empêche, dans l’ancienne capitale de la Résistance, la tenue d’une telle rencontre. C’est l’occasion notamment pour les opposants à l’islamophobie comme à l’antisémitisme, pour les antifascistes comme pour les soutiens sincères du peuple palestinien, de se rassembler.
SCIA
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