Bien le bonjour d’Oaxaca,
Cette journée d’arrêt de toute activité a été particulièrement
meurtrière, quatre morts et un grand nombre de blessés par balles, ou
comment se défend la dignité de tout un peuple. Les barricades dans les
colonies et sur toutes les voies d’accès au centre ville ont bien tenu
malgré les escadrons de la mort et surtout les troupes de choc de
policiers municipaux en civil fortement armés face à des gens qui les
affrontaient avec des pierres. Ce sont les municipalités des environs,
encore contrôlées par le PRI, le parti révolutionnaire institutionnel
d’Ulises Ruiz, qui ont recruté et armés ces tueurs et qui sont
directement responsables des violences et des assassinats. La
municipalité de Santa Lucía del Camino où un jeune journaliste nord
américain d’Indymédia a trouvé la mort, et la municipalité de Santa
María Coyotepec où il y eut deux morts et dix huit blessés ont joué un
rôle déterminant dans cet affrontement contre les membres de
l’Assemblée populaire. L’ambassadeur des États-Unis ment en parlant
d’un échange de coups de feu. Rueda Pacheco, dirigeant du syndicat
enseignant, ment en parlant de groupes violents et en se gardant bien
de dire d’où viennent les tueurs. L’État a désormais le prétexte qu’il
attendait pour rétablir l’ordre et l’État de droit comme il dit si
bien. Ulises Ruiz joue-t-il son va tout dans une ultime confrontation
meurtrière ou a-t-il l’aval de l’État pour provoquer des morts en vue
de l’intervention de l’armée et de la police préventive fédérale ?
L’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca n’a pas jusqu’à présent
répondu à la provocation en s’armant, ce qui justifierait l’envoi des
troupes, et c’est les mains nues qu’elle garde les barricades et
qu’elle fait face, avec une vaillance admirable, aux escadrons de la
mort et aux sbires du PRI. Les familles ou les amis restent auprès des
blessés et veillent à ce qu’ils soient soignés par des médecins et
transportés par les ambulances rouges de l’APPO, les ambulances de la
protection civile sont fliquées et l’hôpital n’est pas sûr. La croix
rouge, nous dit-on, refuse d’intervenir sur ordre du gouverneur déchu.
Les disparitions sont nombreuses, la personne qui avait été enlevée ce
matin a été retrouvée en prison. Heureusement la radio université
fonctionne, ce qui permet de coordonner les mouvements, de renforcer
une barricade qui montre des signes de faiblesse par exemple, de
prévenir de la venue des troupes de choc, ainsi s’est organisé tout un
réseau d’entraides, les habitants de Saachila, une commune en
résistance, se sont regroupés pour envoyer des équipes afin de prêter
main forte aux habitants d’Oaxaca, à San Bartolo Coyotepec les
habitants se sont retrouvés pour venir en aide à leurs voisins de Santa
María Coyotepec.
La nouvelle s’est répandue rapidement et la capitale réagit, des
barricades ont été élevées à proximité de l’hémicycle Benito Juárez,
nous dit-on. Le bruit court que le ministère de l’intérieur est occupé
par ceux qui se trouvaient devant le Sénat. C’est le matin, j’apprends
qu’Abascal, le ministre de l’intérieur, vient de donner l’ordre à la
troupe d’intervenir. La complicité entre le gouverneur tueur et le
gouvernement fédéral est donc bien une complicité objective, l’assassin
avait l’aval de l’État pour lancer ses troupes de choc contre les
habitants. La ville est bien décidée à résister et toutes les voies
d’accès sont hermétiquement fermées par des barricades.
Oaxaca, le 28 octobre 2006.
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