« On compte sur vous pour fermer ce centre, c’est catastrophe. on est trop touchés. » Des nouvelles du CRA de Lyon-St-Exupéry

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CRA de Saint-Exupery

La situation continue de s’aggraver au CRA de Lyon-St-Exupéry. En pleine crise sanitaire, alors que la plupart des expulsions sont impossibles du fait de la fermeture de nombreuses frontières, les CRA montrent leur vrai visage : enfermer et punir les personnes jugées coupables du seul crime de n’avoir pas les « bons » papiers. et les soumettre au règne de l’arbitraire, des violences policières et du déni total de leurs droits les plus fondamentaux. Témoignage d’une personne actuellement enfermée au CRA de Lyon (14/11/20). Virus ou pas, il faut fermer les CRA !

Bonjour messieurs-dames. Je m’appelle X. Je suis au centre de rétention de Lyon. En fait je vous appelle pour que vous m’aidiez. Si vous voulez rentrer faire un reportage ici. Écoutez la police comment elle parle ! Écoutez avec nous en live ! [la police amène une nouvelle personne atteinte du covid alors qu’ils sont déjà quatre dans la chambre. on entend des cris. « - non, pas de nouvelle personne ! le gars il est positif ! - t’es positif aussi ! - moi je suis positif ?! moi il me restait deux jours pour sortir. il me restait deux jours, je voulais pas être malade !! - toi t’es déjà malade ! t’es déjà malade mon pauvre ! - oui je suis malade ! je voulais pas être malade ! - toi mets ton masque déjà ! - j’accepte pas lui dans ma chambre ! on est déjà quatre personnes ! - on a pas dit qu’il allait dans ta chambre. - il est là, alors ?! sans matelas ?! »].

Ils voulaient ramener une cinquième personne avec nous. Vous avez bien entendu ? Ils voulaient amener une cinquième personne avec nous ici. On est quatre, ils voulaient ramener une cinquième. Vous avez bien écouté ? Et là y’a une autre personne positive, ça veut dire on est plus de 40 personnes positives. Vous avez bien écouté ? On est positifs et ils ramènent un autre positif avec nous. Ça veut dire nous si on est bien aujourd’hui, on est pas malades, ils ramènent un autre avec nous qui est malade, ils nous ramènent la maladie. Il a pas de matelas il a rien. Ils sont ramenés comme ça, sans matelas sans couverture sans rien. - Dis-le ! ils t’ont ramené ! Parle ! [il passe le téléphone]. « Ils m’ont ramené, ils m’ont dit vous êtes positif, ils m’ont ramené ici. Tout le monde qui est positif il est ramené ici. - On t’a ramené ton matelas ? Tes habits ? - Ils vont les chercher ». Ils sont partis ils ont ramené le monsieur avec rien. Ni matelas ni rien. « Ils t’ont frappé ou pas ? - Ils m’ont frappé, ils m’ont mis au mitard. » Ils ont ramené le monsieur ils l’ont frappé, hier ils l’ont ramené au mitard et ils l’ont amené ici aujourd’hui.

- mais pourquoi ils l’ont frappé ?
Ils l’ont frappé parce qu’il voulait pas venir à l’isolement. Il a dit « il y a beaucoup de gens là-bas, moi je pars pas là-bas, ramenez-moi de l’autre côté. Ils ont pas de chambres vides ». Il a dit « amenez-moi avec une ou deux personnes ». Ils l’ont amené avec cinq personnes. On est cinq personnes dans la chambre.

- Ils ont mis tous les gens qui ont le covid ensemble c’est ça ?
oui c’est ça. Hier y’a une personne elle a cramé son matelas. y’a eu le feu et tout, ils sont venus, ils ont ramené le monsieur au mitard. ils l’ont frappé. parce que ils épuisent tellement les gens, tellement la police parle mal, tout le monde parle mal, y’a pas d’avions, on est 120 personnes dans le centre. y’a quelqu’un qui a une opération de l’épaule, ils veulent pas le laisser sortir pour opérer. Moi j’ai trois gamins français, ma femme française, je travaille en CDI, j’ai des fiches de paye. Ils voulaient pas me libérer, ils me ramènent à l’isolement. Ils parlent pas avec nous. « mets ton masque sinon tu parles pas avec nous ! ».Et là, on était quarante, maintenant y’a quarante et une personnes positives. Y’a tous les jours 4 personnes, 4 personnes, 4 personnes. […]

- et est-ce que vous avez des masques, du produit pour les mains… ?
ils ont donné des masques pour une semaine ! un masque pour une semaine. Si tu acceptes pas tu vas au mitard.

- et les policiers, les gens qui font le ménage, ils ont des protections ?
ils font le ménage une fois tous les trois jours, pas tous les jours. parce qu’ils ont peur. les policiers quand ils viennent ici y’en a qui viennent en tenue normale et y’en a qui viennent en tenue blanche. y’a des femmes de ménage qui mettent la tenue blanche.

- tu disais que les policiers ils vous jetaient les sacs de nourriture ?
oui, ils jettent les sacs par terre. le policier il vient, il prend pas le sac dans la main. ils disent « on a pas le droit de donner le café la main dans la main ». donc y’a pas le goûter et y’a pas le café le matin. et le sac de repas, ils jettent le sac, des fois y’a la sauce dedans et tout. quand ils jettent le sac, le sac je le récupère, plein de sauce dedans. tu vois ?! comme des chiens, on est comme des chiens. y’a quelqu’un hier il voulait se suicider. il a pris la lame il voulait se charcler. il voulait pas partir au mitard. il a charclé son corps. avec la lame. il a une opération, il voulait aller à l’hôpital. son épaule. toujours il pleure, la nuit, il pleure la nuit, il pleure la nuit. il arrive pas, il parle avec la police à six heures du matin, elle a dit « va niquer ta mère, va dormir ». l’autre il a répondu, ils sont venus à trois personnes, ils l’ont frappé.

- et le médecin il dit quoi ?
Le médecin il s’en bat les couilles ! je lui ai dit t’es payé pour ça, il m’a dit « tu me parles pas comme ça. moi suis pas payé pour ça, je suis pas payé pour la merde pour le covid et tout. il m’a dit j’ai mon salaire normal je me casse pas les couilles ». je l’appelle il me dit comme ça « tu me casses pas les couilles ». la dernière fois j’ai appelé la police, j’ai appelé le médecin, « ramène moi un médicament ». ils ont appelé, il était chez lui, il a dit quoi ? il a dit « lui il casse les couilles tous les jours, ramène-le à l’isolement ». ils m’ont ramené à l’isolement.

- il dit rien par rapport au fait que vous pouvez pas respecter les distances sociales et tout ?
il dit rien, il dit rien, y’a pas un mètre de distance, il vient, il voit devant lui, quand il vient on met la pression on crie et tout.

- et les gens de Forum ils font quoi, ils sont au courant aussi non ?
oui ils sont au courant ! mais c’est tous ensemble. ils travaillent ensemble. la police c’est les copains de Forum. la dernière fois, devant moi il a dit à la police « moi je préfère [inaudible] vous, parce vous travaillez avec moi tous les jours ici. y’a des gens qui partent chez eux, y’a des gens qui sont libérés. je m’en bats les couilles des gens. ». il a dit ça J., devant moi.

- il a dit quoi ? j’ai pas compris.
il a dit à la police « moi quand j’ai quelqu’un pour réclamer un truc ou quoi je m’en bats les couilles. il a dit à la police « moi je réclame pas pour vous parce que vous êtes mes collègues. vous travaillez avec moi dans le centre ». après il m’a dit, « moi je vais pas casser les couilles toujours avec la police, la police travaille avec moi tous les jours. » Il a dit ça devant moi. Il s’appelle monsieur J. à Forum. Il travaille avec la police, il fait rien avec nous. Quand on l’appelle avec le numéro de Forum, il voit mon numéro il répond pas. La police elle m’a dit « c’est moi la loi, c’est moi qui décide. je te soule ta vie », il a dit ça.

- il a dit quoi ?
il a dit « c’est moi la loi. si tu suis pas les règles, si tu me casses les couilles, je te mets la misère » il m’a dit. « je te casse ta vie » il m’a dit.

- « je te casse ta vie » ?
ouais il m’a dit « je te casse ta vie ». Il m’a dit ça. « Respecte-nous » j’ai dit, on est pas des chiens, on est pas des animaux. Donne moi le sac dans la main ou bien pose-le. Au moins ramène une chaise, mets-la devant la porte, mets les trucs sur la chaise. Et nous on récupère sur la chaise. Il m’a dit « tu parles pas comme ça avec moi !! c’est moi la loi !! t’as compris ce que je t’ai dit !!? c’est moi la loi !!! tu fais ce que je décide moi sinon tu vas partir au mitard ! je te soule ta vie, je te renvoie chez toi ». Il m’a dit comme ça, « les arabes de merde », et tout. j’ai dit moi mes amis français je meurs pour eux. Les Français, c’est tous des copains à moi. il y a un Français, depuis que je suis prison, au centre, il m’envoie de l’argent. il est venu il m’a amené des cigarettes. y’a un autre Français, mon copain, il part tous les jours chez ma femme il ramène des trucs pour les enfants. J’ai dit « les Français c’est mon copains, pourquoi tu dis les Arabes, les Français et tout ? C’est un mot raciste là c’est pas bien. » Moi je meurs pour les Français. Ma femme c’est une Française. Mes enfants c’est des Français. Ma mère est française. Moi je veux devenir français.

- et est-ce qu’il y a des expulsions en ce moment ?
non y’a pas d’avions, les avions c’est fermé. les gens sont ramenés, sortent, y’a aucun pays qui accepte les avions.

- et y’a quand même des gens qui arrivent au centre ?
y’a des gens qui arrivent tous les jours au CRA. ils ramènent tous les jours des gens au CRA. ils peuvent ramener le corona de l’extérieur, le ramener ici. comme la dernière fois, à cause d’un monsieur qui est rentré sans test, il a ramené le corona de l’extérieur, il l’a ramené ici, on a tous ici le corona.

- tu veux rajouter quelque chose ?
oui, s’il vous plaît, aidez-nous. aidez-nous s’il vous plaît. on compte sur vous pour fermer ce centre, c’est catastrophe. on est trop touchés. comme la France on est trop touchés par le coronavirus. j’ai pas envie de mourir ici, j’ai mes enfants. s’il vous plaît s’il vous plaît s’il vous plaît. […]

Et ils ont ramené une famille complète. Un père, une mère, et un gamin de l’âge de 12 ans miskine, il est là.

- une famille ? ils sont là en ce moment ?
ils sont là ils sont dans le centre. explique-moi, ils ont fait quoi pour être là enfermés ?! Un gamin de l’âge de 12 ans. Son père il est d’un côté et sa mère elle est de l’autre côté, côté femmes, avec son fils.

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