Chili : comme un arrière-goût de persil dans le vagin

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Le Chili est un des cinq pays au monde, au même titre que le Vatican, où l’avortement est totalement illégal en tout type de circonstances. Ceci inclut l’avortement thérapeutique, l’interruption de grossesses faisant suite à un viol ou un inceste, et bien sûr de grossesses non désirées. En cas de prise sur le fait par une autorité policière, l’action est si grave que la patiente tout comme le médecin ayant accepté de l’aider peuvent être reconnus coupables d’homicide volontaire et condamnés à une peine de 3 à 5 ans de prison. Selon le SERNAM (Servicio National de la Mujer), 10% des morts féminines sont causées par un avortement non sécurisé. Malgré tout, 160 000 avortements illégaux se pratiquent chaque année...

La classe moyenne a le plus souvent recourt à l’avortement médicamenteux grâce à un médicament connu sous le nom de Misotrol. Il y a 5 ans, le Misotrol est devenu plus cher à mesure que la demande augmentait (de 30 à 75 euros). Il y a peu de temps, en 2008, sa vente est devenue illégale. Malgré tout, aujourd’hui, beaucoup de femmes achètent illégalement des pastilles sur Internet importée de pays voisins : Argentine et Bolivie. Sans suivi médical, elle s’exposent à de graves danger ... Ces pastilles se prenant normalement par voie orale sont en réalité un traitement pour les ulcères gastriques. Pourtant, nombreuses sont les femmes qui le détournent de son utilité première pour se les insérer profondément dans le vagin ! Ceci produit des contractions conduisant à l’avortement. De plus, quand il est utilisé dans le cas d’une grossesse de plus de 2 mois, le Misotrol cause de graves dommages à la femme comme au bébé tout en ne provoquant pas pour autant l’avortement voulu.

Si la grossesse est trop avancée pour un procédé médicamenteux, certains services de santé propose l’avortement chirurgical. Le prix, cependant, est très élevé. La plupart du temps, la volonté de passer outre la loi des praticiens ne vient pas de leur engagement, mais de l’argent que rapportent ces méthodes : jusqu’à 1500 euros (dans un pays ou le salaire mensuel moyen est de 300 euros seulement)… Et avec environ 10 clientes par jour, cela vaut la peine de courir le risque d’aller en prison et de risquer la vie des femmes ! Les plus riches, peuvent avoir accès à cet avortement plus sûr, malgré le fait qu’il soit tout autant illégal. Cette méthode n’est pourtant pas sans risques : l’anesthésie générale peut affecter les muscles respiratoires et il y a toujours un risque d’infection car l’hygiène n’est pas toujours au rendez-vous.

C’est pour cette raison que les recettes de grands-mères sont encore couramment utilisées dans les campagnes, où les jeunes femmes n’ont pas les 75 euros que coûte le Misotrol. Au nord du Chili, par exemple, elles boivent de grandes quantités d’infusion d’une herbe appelée borraja, qui affecte la production d’hormones du corps et stoppe le processus de grossesse. Dans plusieurs autres régions elles vont jusqu’à se remplir le vagin de persil ! Causant ainsi une infection qui libère l’embryon. Dans certains cas plus extrêmes, elle se donnent des coups dans le ventre voire tombent volontairement ; il arrive même qu’elles s’introduisent des objets pointus, comme des aiguilles, dans le vagin…

Toute ces méthodes peuvent provoquer des saignements ou des infections dangereuses similaires à une appendicite, donc mortelles. Dans ces cas, une hystérectomie (ablation de l’utérus) est souvent indispensable mais conduit à la stérilité. Parmi les femmes hospitalisée à Santiago pour des complications de ce type, la majorité ont plus de 20 ans, sont mariées et ont déjà des enfants. Cela contraste beaucoup avec la réalité d’autres pays développés où une grande partie des femmes cherchant à se faire avorter sont jeunes, célibataires et sans enfants. Dans ce pays, les conditions sociales et économiques pèsent sur les familles les plus démunies et la plupart du temps, celles qui décident d’avoir recours à un avortement ont déjà des enfants et ne peuvent plus subvenir aux besoins d’un autre... De plus, le nombre d’avortements par rapport à la population est plus important au Chili que dans d’autres pays, comme la Grande-Bretagne ou l’Espagne par exemple. Dans ce panorama, il est curieux de noter que, malgré son illégalité, il est facile de contracter un avortement.
A contrario, la pilule du lendemain reste difficile à se procurer malgré sa légalité. Les partis de droite au pouvoir arguant qu’elle est abortive, beaucoup de pharmacies renoncent à la vendre.

L’éducation sexuelle dans les collèges, quand elle existe, est quasi nulle. Par exemple, certains professeurs d’éducation catholique enseignent que l’avortement et la pilule du lendemain sont des péchés conduisant en enfer... L’Église, elle, continue d’être une institution respectée et dominante qui freine le développement des droits sexuels et contraceptifs. Quant aux organisations pro-vie, dont les arguments se basent sur des valeurs comme l’amour, la fidélité et l’abstinence, elles ont aidé à construire une éthique sociale par rapport à l’éducation et la vie sexuelle. Selon Salvador Salazar du mouvement Muevete Chile « L’utilisation de contraceptifs a des conséquences désastreuses. Ils ont causé la conversion de l’activité sexuelle en jeu, une augmentation des grossesses précoces, des divorces, des avortements et des maladies telles que le SIDA. » Sa réponse à la question « Le Chili est l’un des cinq pays au monde à interdire l’avortement thérapeutique, qu’en pensez-vous ? » est éloquente : « Nous nous sentons profondément fiers de défendre la voie de ceux qui n’en n’ont pas. » !

Heureusement, en décembre 2010, pour la première fois dans toute l’histoire du Chili , Evelyn Matthei du parti politique UDI (Union Democratica Independiente) a montré son appui à l’avortement thérapeutique. Mais les politiques font la sourde oreille, malgré les statistiques montrant que 70% de la population est en faveur de sa légalisation. Pour preuve, l’initiative de Matthei fut violemment critiquée. Le président du RN (Renovation National), Carlos Lerrain, condamna sa proposition, suggérant que « l’avortement thérapeutique tout comme l’euthanasie pourraient être légalisés comme l’ont fait les nazis, les communistes et tous les régimes totalitaires. » On imagine mal, dans ce contexte, la loi modifiée en faveur du droit des femmes à disposer de leur propre corps.

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