De l’Autre Côté du Pont condamné aux Prudhommes pour un licenciement

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Le tribunal des Prud’hommes a rendu sa décision concernant le licenciement de l’un des salariés du bar et restaurant alternatif De l’Autre Côté du Pont il y a 3 ans.

Depuis de nombreuses années, De l’Autre Côté du Pont est un lieu qui accueille des activités militantes, débats, projections et soirées de soutien tout en essayant de mettre en place des circuits « courts » de consommation. Monté en société coopérative ouvrière (Scop), il salarie également des personnes, dont Stef, qui présente ici ce qu’il a vécu lors de son licenciement, au terme de ces 3 ans de procédure.

[rouge] Précision du 6 janvier : De l’Autre Côté du Pont a été condamné non pour le licenciement de Stéphane, mais pour non-respect de la procédure de licenciement. Le rendu, contrairement à ce que laissait croire la formulation de l’intro, date de septembre 2010 ainsi que le montre les documents fournis par la scop. [/rouge]

Tout débute pour moi durant l’anniversaire des 3 ans de la S.C.O.P.. Les salarié-e-s m’ont exclu de l’équipe et m’ont laissé volontairement de coté durant cette fête, alors que rien de particulier n’était arrivé. Je me suis senti à l’écart, par exemple j’ai fait la soupe à l’oignon à l’écart des festivités durant la plupart de la soirée... sans aide de la part de mes collègues. Tout cela pour m’apercevoir que finalement ces efforts étaient vains, elle n’a même pas été servie !

Donc au moment des retours lors de la réunion hebdomadaire je l’ai fait remarquer et ai demandé que l’on m’explique. Peu de choses en sont sorties, comme je devais partir en vacances à la fin de cette réunion, je leur ai donc proposé de réfléchir durant cette semaine pour avoir une explication à mon retour. Nous nous sommes quittés en se proposant mutuellement d’envisager notre avenir durant cette période et d’en reparler à mon retour. J’ai donc passé une semaine de vacances durant laquelle je suis allé avec ma compagne et mes 3 enfants boire un coup dans ce bar. Nous avons été accueilli avec de grands sourires et illes nous ont offert le goûter, très avenants !

Le projet est très intéressant : faire vivre le réseau culturel et le réseau paysan tout en militant. C’était donc pour moi un accomplissement personnel et social important.

A mon retour le lundi à la relève pas un mot. Le 2e soir de travail passe puis arrive le jour de réunion hebdomadaire et les dirigeants (malgré les apparences il y en avait 6) me font rentrer et m’annoncent de but en blanc mon licenciement ! Alors malgré la surprise je tente de discuter... On s’engueule un peu, puis illes me disent en fin de réunion qu’illes vont réfléchir. Tout ne semblait pas perdu ! Entre cette réunion du jeudi et le lundi d’après, l’hypocrisie dure... Je travaille, les plannings pour les semaines suivantes n’étant pas faits je me propose de les faire... oui ! Il y avait donc un semblant d’amélioration.... ?! Le samedi soir, je me suis même retrouvé à boire un coup avec l’équipe, des potes à eux et ma copine sur les quais du Rhône. Bonne ambiance, tout le monde rigole... A priori, les discussions lors de la réunion avaient dû tempérer les choses...

Finalement on me propose de signer une lettre de licenciement le lundi à 8h du matin (heure de prise de poste). Je refuse, pars et prends un rendez-vous avec un médecin qui va juger utile de m’arrêter pour 10 jours. Finalement illes m’envoient un courrier pour un entretien préalable au licenciement qui s’avère être totalement en dehors des clous (forme, délais légaux...). Donc malgré le fait que l’entretien préalable au licenciement soit fixé trop tôt, je trouve en plein mois de juillet une déléguée syndiqué à F.O. qui a bien voulu et qui a pu venir. Elle a alors dû leur expliquer comment cela devait se dérouler (illes voulaient tou-te-s rester puisque en coopérative, sauf que cela revenait à se retrouver en face de six patrons !). Finalement, l’un des deux qui restent confirme directement le licenciement (alors que c’est un entretien préalable) et la déléguée leur fait remarquer leur nouvelle erreur !

Cela veut donc dire que d’un malaise que j’ai ressenti et abordé moi-même, je me suis fait notifier sèchement mon licenciement ! Rien n’a été fait dans les règles du code du travail, ni humainement. La manière dont ils s’y sont pris est digne des « méchants » patrons que nous combattons souvent en tant que militants. Et le pire, chez des personnes qui se revendiquent comme tels et qui n’ont de cesse de répéter aux clients à longueur de journée « ici il n’y a pas de patrons ! »... effectivement il y en a pas un mais plusieurs !

Les clients croient que j’ai démissionné (source Autre Côté du Pont). C’est ce qu’on leur a dit, donc beaucoup que je croise dans la rue (et oui le pire c’est que j’habitais juste à coté !) me demandent pourquoi je suis parti.

Donc je demande a la C.N.T. de me suivre pour la négociation. Cela dure 6 mois. Première réunion : toute l’équipe se pointe sauf le gérant. La C.N.T. leurs ré-explique que l’on ne peut pas discuter à 5 contre 3 (deux personnes de la CNT et moi-même). Puis deux personnes sont mandatées mais ne prennent pas de notes ! Bref un je-m’en-foutisme de patron. Finalement illes proposent de me donner 600 euros alors que nous leurs avons bien redit qu’illes étaient en tort !

Les négociations étant donc rompues, je me syndique à la C.G.T. pour me faire défendre au Prud’hommes.

La C.G.T. ré-explique les erreurs commises à l’Autre Coté du Pont : rien. S’en suit une négociation aux Prud’hommes qui ne donne rien. Alors tribunal, procédures et l’Autre Côté du Pont a dû me verser 2174 euros, plus les frais d’avocate (qu’illes ont employé pendant 3 ans), plus des frais de procédures. L’argent je suis bien content de l’avoir touché, ayant un régime de chômeur qui dure depuis. Mais il n’ont jamais eu une quelconque remise en question. Et 4 ans après j’ai réussi à me reloger un peu plus loin, car j’avais choisi d’habiter à proximité (trop !). Je vous passe les différentes humiliations faites par leur avocate (fainéant, incapable...), les attestations mensongères des clients, clientes et ex-collègues. Tout en méprisant la négociation avec la C.N.T . Tant et tant que je n’ai toujours pas digéré cette histoire. Surtout que tout cela (attestation, calomnies de l’avocate...) a eu pour conséquence que malgré les tunes (non respect de la procédure) le licenciement n’a pas été jugé abusif... d’où mon malaise. Ils ont même attesté à tort que je faisais nettoyer les toilettes du bar par ma copine ou que j’avais jeté une canette sur des gens.

Des personnes prétendument engagées politiquement n’ont pas ouvert le code du travail en 6 mois de négociation. Et le comble c’est le manque d’humanité dans cette histoire car durant mes vacances illes se sont réunies pour tout décider à mon encontre, tout en nous offrant le goûter, à moi, ma compagne et mes enfants.

Cela avait pourtant bien commencé. En effet, illes m’avaient embauché pendant ma semi-liberté, avec un premier mois en CDD pour me voir travailler. Illes ont décidé de faire le choix de m’embaucher en CDI. Mais, finalement illes ont choisi de me virer 1 ans après pour incompétence (alors qu’une seule personne est serveuse de métier). Aucun, ni aucune n’a eu le courage de me demander de partir. Ce que j’aurais fait car même si je ne lâche pas l’affaire je ne suis pas maso au point de subir des gens qui ne me veulent pas. Et tout cela, illes l’ont fait un mois avant que légalement je devienne coopérateur (c’est-à-dire actionnaire de cette coopérative).
Aujourd’hui les patrons du bar n’éprouvent aucuns remords. Et méprisent même les syndicats et les ouvriers qui ont lutté pour le code du travail.
Quant aux clients qui ont attesté de mon incompétence et défilent dans les cortèges de la C.N.T.- so-so-solidarité, je leur dirais qu’illes sont à la hauteur de leur idées et qu’illes prouvent combien le français aime écrire des lettres...
Quant à moi je leur apprendrai que j’ai travaillé au black en Italie, en Espagne dans des bars et en France dans un camping 4 étoiles pendant 3 ans et dans les bars de ma belle-famille etc...

P.S.(p comme police s comme...) :

Sinon bien avant mon licenciement j’ai dû prendre sur moi de répondre à des candidats à l’embauche à qui illes n’avaient pas daigné répondre alors que cela datait de plusieurs semaines.

J’avais aussi initié un système de récupération de nourriture (nombreuse mais non vendable). Donc Food Not Cops a pu récupérer un peu de bouffe mais cela n’a pas duré alors que cela ne posait aucun problème à l’entreprise, mais cela ne plaisait pas à toute l’équipe (les squatters-euses !) et au sujet des Rroms je n’ai même pas osé en parler après.

La coopérative se doit de faire une assemblée générale ouverte par an mais alors (je ne sais pas maintenant) l’A.G. se tenait à huis clos entre les coopérateurs (3 personnes).

Une ex-employée s’est vu discriminer car elle avait passé le week-end dans une villa avec piscine.
Et il semblerait que d’autres employées avant moi aient subi le même sort...

Illes ont même eu le culot d’insulter ma compagne durant la procédure.

Alors « camarade libertaire » dorénavant quand tu trinqueras à l’Autre Côté du Pont avec des patrons rappelle-toi que dans ce bar tout n’est pas beau. Et si tu trouves le Combat Syndicaliste sur ta table ou C.Q.F.D. demande leur ce qu’illes pensent du code du travail et de la valeur humaine dans cette affaire.

Je remercie ma compagne qui m’a soutenu et me soutient, certains et certaines camarades de la C.N.T., mon défenseur C.G.T. et ma déléguée F.O. ainsi que toutes celles et ceux qui n’ont pas douté de moi et ceux et celles qui se posent encore des questions et qui ne bavent pas ou plus sur les bobos.

Salutation libertaire et révolutionnaire.

Stef

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  • Le 10 janvier 2012 à 23:17, par Un modère

    @ abc : le document en question est le rendu des Prudhommes. Il est disponible à De l’Autre Côté du Pont.

    En tant que l’une des personnes qui a participé à la modération de cet article (l’ensemble des discussions est lisible à toute personne ayant un compte sur Rebellyon), quelques précisions :
    - nous avons cru lors de la modération de l’article que le rendu des prudhommes était à l’origine de l’article ;
    - le titre a été changé, pour éviter un caractère trop polémique, mais il était franchement maladroit ;
    - il y a effectivement eu une autre version qui a circulé par mail et qui ne contenait pas le passage sur la nature de la condamnation, d’où un cafouillage certain entre les versions.
    La modération des articles de Rebellyon n’est pas toujours facile, loin d’être infaillible et pas forcément toujours compréhensible, surtout quand il s’agit de conflits qui impliquent des personnes ou des structures proches.

  • Le 6 janvier 2012 à 13:39, par abc

    Je viens de voir le rectificatif sur l’article qui me parait préciser la situation ou au moins éviter des erreurs d’interprétation, mais je voulais juste préciser pour l’auteur qu’il avait déjà écrit cela dans le texte :

    « Surtout que tout cela (attes­ta­tion, calom­nies de l’avo­cate...) a eu pour consé­quence que malgré les tunes (non res­pect de la pro­cé­dure) le licen­cie­ment n’a pas été jugé abusif... d’où mon malaise. »

    Et aussi je n’ai pas compris l’histoire « Le rendu, contrairement à ce que laisse croire la formulation, date de septembre 2010 », dans le texte il parle du licenciement qui est arrivé il y a trois an mais il ne dit pas que le rendu était il y a trois an (il me semble qu’il n’a pas précisé la date du jugement...).

    Dernière chose, c’est quoi le document fournis par De l’autre côté du pont ?

    Quand au titre, sur une liste mail le titre était « de l’autre coté du pont coopérative solidaire et autogestionnaire ? » donc je suppose que le titre a été changé par la suite, et non pas par l’auteur... Il s’agit donc d’une erreur d’interprétation, mais qu’il serait dommage de lui attribuer...

    Voilà ça peut paraitre du détail mais tout cela me parait important à préciser, car en lisant le rectificatif en rouge j’avais presque l’impression qu’il était sous entendu que tout cela était omis dans le texte... La situation est déjà complexe ce serait dommage de rajouter de la confusion !

  • Le 5 janvier 2012 à 22:34, par autogestion

    La lecture de cet article me remplit de perplexité. Quel intérêt de publier un texte qui ressemble plus à un règlement de compte par site internet interposé qu’à un élément de débat. Et face à ces accusations diverses doit on attendre une réponse des salariées de « l’autre coté pont »( qui d’ailleurs,sauf un, n’y travaillent plus) sur leurs raisons d’avoir exclu cette personne il y a quatre ans, pour se faire un avis sur cette histoire. Et déballer ces raisons sur la place public fera-t-il avancer le débat ? Je ne suis pas sur et même j’espère que cela n’arrivera pas, parce que personne n’aura à y gagner quoi que ce soit.

    Parce que en dehors d’une erreur de procédure de licenciement, la vrai question, le vrai débat c’est bien de comment gérer une situation de crise au sein d’un structure autogestionnaire. Que ce soit dans un collectif, une groupe politique, une asso voir même d’un couple, comment fait on quand la situation n’est plus tenable. Quand on arrive au point rupture, au point d’implosion d’une structure et où la décision d’exclure une ou des personnes se révèlent une condition de survie de la structure. Acte qu’on retrouve régulièrement dans la vie des groupes politiques et autres collectifs. Mais comment gérer cette situation dans une coopérative autogestionnaire ?Surtout quand il s’agit d’emploi et de travail.
    C’est un débat qui mérite approfondissement et qui prenne de l’ampleur.
    L’autogestion n’est pas qu’une belle théorie, elle n’est valable que si nous la confrontons à la réalité. Cette réalité qu’il est bien souvent difficile d’appréhender de façon binaire.

    De plus dans une perspective de réappropriation des outils de production et de l’organisation collective d’une société égalitaire, on devra s’y confronter et expérimenter des outils pour régler les différents entre personnes, au sein d’un groupe, d’une entreprise etc.

    Dans un contexte de crise économique et sociale il est plus que tant de construire ces outils. Le syndicalisme révolutionnaire en est un. Il est la pour pour se défendre contre les patrons (les vrais, ceux qui profitent du travail des autres !) et pour construire la société du futur.

    Salutations autogestionnaires à la personne en question, aux travailleurs et travailleuses de « l’autre coté du pont » et aussi aux modérateurs-trices de Rebelyon qui n’ont pas, tout le temps, une tâche facile.

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