Hommage à « ceux qui foutent le bordel »

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Les propos du Président de la République qui suggèrent aux grévistes de GM&S qu’ils auraient mieux à faire que de manifester et de chercher à lui parler, suintent le mépris de classe. Cette violence langagière masquent une violence bien plus concrète.

« Au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent avoir des postes ». Ces propos ont été tenus par Emmanuel Macron le mercredi 4 octobre 2017 lors d’un déplacement à Egletons (Corrèze).

Cette sortie dégueulasse s’inscrit dans une série de propos du même genre.

  • Le 8 septembre 2017, devant la contestation de la nouvelle loi travail, il affirmait « Je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes » ;
  • En juin 2017, il avait déclaré qu’« Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » ;
  • En mai 2016, il avait expliqué à un gréviste en T-shirt que « Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler » ;
  • En février 2015, il avait encore déclaré « Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre ».

Pour Macron, le mépris de classe est une seconde nature. Ici, ceux à qui il conseillait de foutre autre chose que le bordel étaient les grévistes de l’entreprise GM&S, un sous-traitant automobile situé à La Souterraine, en Corrèze, et actuellement en cours de redressement.

« La solution que propose le gouvernement c’est la violence »

Ces salariés se battent depuis des mois pour éviter un large plan social mais, après validation par l’État et les clients, 157 d’entre eux vont être licenciés par le repreneur. Mercredi 4 octobre, les grévistes de GM&S s’étaient déplacés à Egletons pour interpeller le président. Tout le contraire « d’attendre tout de l’autre » pour ces futurs chômeurs ! Et si c’était le bordel, c’est surtout parce qu’ils ne se sont pas seulement heurtés aux insultes présidentielles mais aussi à un mur de CRS qui les a copieusement gazés. L’un d’entre résumait au micro d’une chaîne de télévision : « Il refuse de nous recevoir alors que ce qu’on veut ce sont des solutions pour sortir de cette situation par le haut. La solution que propose le gouvernement c’est les CRS, c’est la violence. Mais on ne va pas se laisser faire, on ne va pas lâcher l’affaire ».

Le commentaire de Macron était une réponse au président de la région Nouvelle Aquitaine qui évoquait en aparté les difficultés de recrutement d’une entreprise de fonderie d’Ussel en Corrèze. La phrase complète est ainsi « certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas, parce qu’il y en a qui ont les qualifications pour le faire ». Il précise plus tard qu’Ussel n’est pas loin de chez eux, c’est dire s’ils sont fainéants et ne font pas d’efforts. C’est vrai que vu de Paris, la Corrèze et la Creuse c’est la même chose, en gros des coins paumés peuplés de bouseux et d’ouvriers. Et La Souterraine ou Ussel, finalement, même combat…

« Il ne connaît vraiment rien à la vie »

L’ennui c’est qu’en réalité, selon leur adresse, Ussel c’est entre 140 et 200 kilomètres des domiciles des ex-salariés de GM&S. Dire que ce n’est « pas loin de chez eux » relève donc d’une conception assez large de l’idée de ce qu’est une faible distance.

Pas la peine de préciser que les transports en commun ne sont pas légions dans la région. À ce sujet, c’est Gérard Collomb qui s’est chargé de surenchérir en matière de mépris de classe, justifiant d’une façon stupéfiante d’absurdité les propos présidentiels. Dimanche 8 octobre sur le plateau de BFMTV, il ânonnait ainsi que « c’est pas le problème de 180 kilomètres. (…) Si vous êtes relié par une autoroute ou une voie ferrée qui peut y aller... Je viens de Lyon, j’ai pas de problème pour venir chez vous [à Paris, ndlr]. » Comparer son train de vie ministre entre les deux plus grosses métropoles françaises à celui des ouvriers de GM&S dans un bassin d’emploi sinistré, il fallait quand même oser.

La meilleure analyse de la situation des GM&S, c’est l’un des salariés qui la fait le mieux au micro d’une chaîne de télévision :

« C’est une très bonne idée. J’ai 58 ans. Ma femme a subi deux licenciements économiques. Là, elle vient de retrouver un emploi. Je vais m’en aller travailler à 200 kilomètres de La Souterraine. Ma femme va rester ici. Elle ne va pas quitter son emploi. Elle a bientôt 56 ans, elle ne retrouvera rien d’autre si elle quitte son emploi. Les maisons en Creuse ne valent rien. Je vais vendre ma maison pour une bouchée de pain… Je ne vois pas son raisonnement. C’est complètement stupide ! Il ne connaît vraiment rien à la vie, il n’a vécu que de belles choses, il ne connaît pas la vraie vie. »

« Ils nous ont fait crever »

« Complètement stupide », voilà qui est bien résumé les analyses du président de la République. Ne nous contentons pas de commenter les commentaires. Car finalement, au-delà du mépris de classe, le plan social à GM&S est surtout une immense casse sociale. 157 nouveaux chômeurs dans un bassin d’emploi sinistré qui sont pour beaucoup déjà bien usés physiquement et psychiquement par leur travail.

Certains de ces salariés licenciés ont témoigné dans une vidéo tournée en soutien à leur lutte et diffusée par le Comité d’Entreprise de GM&S. Regardez la, voici un hommage à « ceux qui foutent le bordel » !

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