Mais qui c’est les casseurs et casseuses ? Témoignage de la place Bellecour

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12h : j’arrive au métro hôtel de ville, afin de rejoindre la grosse manif à Saxe depuis les pentes où j’habite. Je suis un chouilla en retard, mais vu la taille des manifs en ce moment ...
Je vais m’engager dans l’escalier de la bouche de métro quand mon regard tombe nez à nez avec le rideau de fer : métro fermé.
Hein ?
Stupeur : la grève des TCL aurait été finalement plus efficace que prévue ?
Je lève la tête, à la recherche de vélo’v, et tombe alors, successivement, sur :
la vision de plusieurs camions de pompiers, un peu plus loin, et sur le départ.
à côté d’eux, en me rapprochant pour trouver mon vélo’v, j’aperçois des bris de verre, ce qui me fait regarder alentours.
Les bris de verre proviennent de pans de verre d’abribus, probablement brisés lors d’affrontements.
d’ailleurs, à l’intersection des rues, juste là, je vois justement un tas de poubelles consumées, par terre. Ca sent le roussi.
levant la tête, au milieu des piéton.ne.s qui vaquent à leurs occupations l’air de rien, j’aperçois mes premiers robocops, en petits groupes. Boucliers, armures, et ... flashballs dégainés, sait-on jamais ...

Je prends mon vélo’v et remonte la rue de la ré en direction de Bellecour : tout le long, c’est le même paysage, d’état de siège, pour quoi ? Pour quelques jeunes mineur.e.s d’âge coupables d’avoir voulu manifester pour défendre leurs retraites ?
Bon sang, mais qui rend les manifestations dangereuses pour « les lycéen.ne.s » ? Les éventuel.le.s crétin.e.s qui casseraient tou.te.s seul.e.s des vitres d’abribus juste pour le fun ?
Dans la rue, moi, là, je ne vois que des fantassins en armure avec leurs armes dégainées ... y’a juste à les orienter pour tirer. Ca me donne pas trop envie de traîner.
D’ailleurs, ça doit bien être un peu le but : effrayer le pékin qui vient manifester, en lui insinuant « regardez à cause de ces vilain.e.s CASSEURS.EUSES, ça a tout dégénéré » ...
Arrivée niveau Place des Jacobins, je commence à voir un nuage de brume.
Je commence aussi à entendre des bruitages qui ne ressemblent pas uniquement à des slogans de manifs.
Alors je chope des gens qui viennent de bellecour en ayant des tronches de manifestant.e.s (drapeaux ou autocollants divers avec eux.elles). Et je demande : « ça se passe comment Place Bellecour ? Je cherche à rejoindre la manif ».
Réponse : « très mal. Franchement, vous devriez éviter d’aller Place Bellecour ».
Du coup, je bifurque vers la guillotière, je rejoins là la manif.
En discutant un peu avec des personnes dans la manif, j’apprends que « ce matin, des CASSEURS.EUSES ont cassé des vitrines autour de Bellecour ».
J’ai pas vu les vitrines. Juste quelques vitres d’abribus, des poubelles cramées, et ... les gros pots de plantes qu’il y a sur une petite place entre Terreaux et Jacobins, pas mal chahutés, certains renversés et même une plante complètement dépotée sur l’asphalte de la rue.
Là, moi, comme j’ai été lycéenne avant d’être salariée, j’ai pensé : « et merde, y’a même eu des poursuites et des esquives au milieu de ces putains de pots de plantes ».
En conclusion de ce petit voyage à Sarkoland et son état de siège, je voudrais faire remarquer :
- que en 1968, il y avait carrément des barricades et des jets de pavés sur les CRS (voire de cocktails), ainsi que des voitures utilisées en plein centre ville comme matériau à barricades. A l’époque, ça ne choquait pas, cette violence là en réponse à la violence des CRS (d’ailleurs, à cette époque, c’étaient des « CRS-SS »).
Le pire qu’on ait retenu, comme vocabulaire, sur les auteurs des jets de pavés, c’était « la chienlit ».
- en 1994, on a commencé à entendre parler de ces « casseurs.euses », lors du mouvement anti-SMIC jeunes.

Comme par hasard, leur prototype semblait être d’avoir un faciès de jeune issu de ces cités de périphérie, celles-là même qu’un gusse qui commande aujourd’hui à tous les flics de France dit vouloir « nettoyer au karcher ».
Nous, lycéen.ne.s du centre ville, on y a un peu cru, mais en même temps, on a aussi été un certain nombre à refuser cette division.
Puis on s’est rendu compte qu’il suffisait, au cours de ce mouvement, de dix lycéen.ne.s autour de la statue à Bellecour, en début d’après midi, pour que 100 flics chargent à grands coups de lacrymo et que bizarrement, en fin d’après midi, il y ait plein de verre cassé autour de la place.

Des jeunes blessés aussi.

Et puis la frousse pour chacun.e de se trouver pris.e là dedans demain, d’être arrêté.e juste pour avoir tenté de défendre le SMIC, juste pour être coupable d’avoir défendu son avenir ...
ou bien l’exaltation de chacun.e de tenir tête aux canons à eau, en venant pour la première fois au sitting quotidien qui se déroulait Place Bellecour, au milieu de la fumée, des robocops et du reste.

Il y avait tout ça, mais à l’époque, les CASSEURS(EUSES) ne se permettaient pas de tirer à tirs tendus.
Donc à l’époque, les blessures (et il y en a eu, certain.e.s les portent à vie), c’était aux genoux, aux jambes, etc. Parce que la consigne des baqueux à l’époque, c’était de nous faire tomber en nous frappant les jambes, pour nous cueillir ensuite.
Par exemple, une ancienne copine a un genou foireux depuis un tour place Bellecour à la mauvaise heure. Ca, elle va le garder toute sa vie.
Mais c’est pas à la tête.
Pas à l’oeil.
Ca aussi, les lycéen.ne.s qui ont morflé, physiquement, pour avoir osé sortir en cortège devant leur bahut, ils.elles vont le garder à vie, l’oeil en moins.
C’est dégueulasse, de perdre un oeil parce que les flics tirent sur des manifestant.e.s comme si c’étaient des lapins.
Bon sang, mais c’est qui, ici, les CASSEURS.EUSES ?
Alors que même parmi les manifestant.e.s et grévistes, on parle des « casseurs.euses de vitrines » comme casseurs.euses, je voudrais souligner comment on se scandalise encore à deux vitesses.
Je vais pas faire l’éloge du bris d’abribus (j’ai pas vu de vitrines brisées), mais entre une vitre brisée quelle qu’elle soit, et un oeil démoli, ben je suis désolée, y’a pas photo.
Pour moi, les CASSEURS.EUSES, c’est ces gusses surarmés que j’ai croisés ce matin dans la rue, et qui m’ont noué l’estomac parce que moi, les armes dégainées, ça me fiches les jetons, je sais pas pourquoi, je me sens en danger dans ces cas-là ...

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  • Le 20 octobre 2010 à 15:26, par Plum

    Ce qui me choque le plus c’est qu’il y a d’un côté ces gens qui manifestent car ils se disent en désaccord total avec le pouvoir en place et les méthodes utilisées pour faire passer cette réforme inique. Et de l’autre , ces mêmes personnes considèrent que les CRS ne font que leur travail.

    On parle de casseurs mais bien souvent, une cannette, une boule de papier (ou rien que la prétention de se diriger vers la gare en criant à tu tête patron voyou ,comme je l’ai vu à lille) suffis à faire charger les CRS à grand coup de gazeuses et de tirs tendus de lacrymogène. Ce qui ferra à n’en pas douter la une des JTs le soir même, (je ne parle même pas de montreuil et des 3 4 poubelles entassé sur la rue qui semble justifier la perte d’un œil de lycéen.

    Alors comme ca, s’en prendre au pouvoir via son bras armé répressif c’est être un casseur ?

    Et casser nos acquis sociaux c’est « nécessaire » ?

    Vraiment de e logique le capitalisme est plus que jamais depourvu !

  • Le 20 octobre 2010 à 00:53, par Collectif Parents Enseignants Ecoles en Danger Ouest Lyonnais

    Nous relayons ce témoignage sur notre site et faisons un lien sur Rebellyon Info.
    http://collectif.ecoles.free.fr
    Des parents et des enseignants du collectif

  • Le 19 octobre 2010 à 23:56, par Bephana

    Je suis d’accord avec toi concernant la repression, mais pour ce qui est des vitrines, moi j’ai fait toute la rue Victor Hugo, et là, y’a aucune vitrine intacte. Sincerement de ce coté là, les magasins ont été défoncés. Je ne cautionne absolument pas les actions des CRS, mais disons que les « casseurs » donnent raison à leur présence, et c’est bien ça qui m’embête. Je sais pas aussi si t’as vu toutes les voitures brûlées a Hotel et a la Croix Rousse ? Moi ça m’enerve parce que les habitants et commerçants du quartier n’y sont pour rien et c’est eux qui morflent.
    Les CRS sont un problème, mais les casseurs aussi. Non seulement ils décrédibilisent le mouvement que nous menons en toute pacificité, en plus ils abiment les biens de gens qui n’ont rien demandés, et ils répondent aux attaques du gouvernement et de la police, alors que la meilleure chose a faire aurait été de leur prouver que nous sommes là seulement pour manifester et prouver notre ardeur, et non pour tout casser. En plus avec le flic qui est tombé dans le coma, la repression va être d’autant plus terrible... C’est un cercle vicieux.
    Evidemment, tout cela n’explique pas les tirs aux flash-ball, qui sont juste abominables.
    C’est juste qu’il y a une différence entre casseurs et manifestants, et que bien souvent les deux sont amalgamés.

  • Le 19 octobre 2010 à 22:11, par Fédo

    Vieille antienne de la droite pour dénier à la jeunesse toute expression politique. Cette métonymie non seulement criminalise, réduit le citoyen à un délinquant mais déshumanise dans une accusation collective qui est déjà une condamnation.

    Le tribunal médiatique tient à la fois le rôle de policier et de juge.

    De la même manière, les journalistes aux ordres parlent de « grogne sociale », or ce sont les animaux qui grognent.

    je trouve bien dommage que les agents d’EDF ne soient pas dans le mouvement. Imaginons... Plus d’éléctricité dans les gares, les aéroports, au parlement, à Matignon, à l’Elyssée, dans les médias de l’audio-visuel, à la bourse...

    le gouvernement ne tiendrait pas trois jours !

    Mais voilà, EDF n’est pas concerné par la réforme des retraites... Le medef attend juste que la réforme passe, pour charger ceux qui apparaîtront dès lors comme des « Salauds ».

  • Le 19 octobre 2010 à 22:10, par A.Q

    Il existe une explication évidente aux sentiments d’hostilité, dans beaucoup de cas du moins ; c’est que les personnes qui éprouvent ces sentiments ne sont ni heureuses ni satisfaites de leur sort ou de leurs conditions de vie. Qu’il s’agisse d’une chose nécessaire qu’elles ne peuvent obtenir, ou d’un plaisir qu’elles ne peuvent satisfaire, elles éprouvent le sentiment d’être frustrées.
    Il va de soi qu’une attaque, ou une tentative en vue de voler ou de faire du mal et de causer un dommage, fera naître des sentiments agressifs chez n’importe qu’elle personne normale et chez la plupart des animaux.
    À côté cependant de l’attaque de l’extérieur, il existe une autre source à ce sentiment de frustration et de douleur. En nous, un désir insatisfait peut, s’il est suffisamment intense, créer ce même sentiment et cette même douleur et éveiller l’agressivité, exactement de la même façon que le ferait une attaque. Cette réaction humaine a une grande portée dans les questions économiques. Il est bien connu que l’agressivité s’éveille chez les gens et les classes qui ont des moyens d’existence insuffisants, à moins que ceux-ci ne se trouvent dans un état désespéré d’apathie et d’inertie (Dans ces conditions, une quelconque manifestation d’agressivité est un signe d’espoir ; il ne s’agit pas nécessairement d’une réaction positive ou qui amène le succès, mais en tant que manifestation psychologique, c’est un pas plus proche du besoin que ne l’est le désespoir complet...

  • Le 19 octobre 2010 à 21:02, par Keza

    ça fait du bien de lire vos divers témoignages, je ne sais pas si vous vous rendez compte combien l’échange d’informations et de ponts de vue est important dans des situations de mouvement social.

    La Rue de la République n’est-elle pas plus sympa sans les panneaux Décaux ?
    Je ne veux pas cautionner la destruction des abribus par cette petite provocation, mais profitons aussi de cette porte ouverte aux expressions de toutes les tensions pour réfléchir à la société que nous voulons.

  • Le 19 octobre 2010 à 20:12, par sy24

    Casseurs ou caillasseurs, le seul vrai problème, c’est qu’ils ne s’arrêtent pas et que d’autres mangent. Pour preuve la tentative de sitin’ pacifique qui est capoté à cause de ceux qui caillaissaient...
    Je ne sais pas trop quoi penser de tout cela, mais j’ai tendance à penser que globalement, les caillasseurs sont pafois tout aussi couillons que les CRS. Et comment leur montrer qu’on est moins con qu’eux avec des bonhommes comme ça qui nous accompagnent.
    Ce n’est que mon avis.

  • Le 19 octobre 2010 à 20:00, par devi

    aujourd’hui à 11 h 30 j’étais dans le métro pour aller à la Guillottière
    de là je devais me rendre à l’université de Lyon 2 parce que je voulais écouter un cours en science de l’éducation
    je ne comptais pas manifester, j’avais l’habitude de manifester contre les centres de rétention et ça me dégoute que les français manifestent que pour leur intérêt
    mais le métro ne s’arrête plus et il nous amène tous au Vieux Lyon,
    je retourne à pieds, je me perds et je me retrouve à place Bellecour
    je suis en plein milieu et j’observe que des troupes des policiers patrouillent la place de façon un peu bizarre à mes yeux
    alors je reste à observer et ce que je peux observer est que un troupeau de policiers sort d’une ruelle, s’approche des groupes des jeunes et lance les fumigènes, quelques cailloux revient vers les policiers qui avancent, et qui accellerent.
    je fais attention à leur mouvements, ce n’est pas la premiere manif dans ma vie alors je sais qu’il ne faut pas se trouver dans leur trajectoire, mais voilà qui ont fait une prise, un jeune, qui passait par là (a t il tiré des cailloux ? je ne crois pas, les tirs venait de loin et le jeune a été chopé parce qu’il est proche des troupe, tout comme moi )
    le troupeau le tire sans trop des brutalités vers une ruelle , celle où ils étaient cachés juste avant l’intervention, je les suit, je ne suis pas trop rassurée sur leur méthode et je me dis qu’un témoin peut être utile au jeune interpellé (je dirais plutôt chassé comme du bétail, mais bon...)
    je me retrouve dans la ruelle avec que des flics et je vois que la main du jeune est drôlement tordue par les forces de l’ordre, tout comme il est obligé d’avoir la tête baissé, je ne sais pas trop ce qu’ils font les forces de l’ordre et je leur demande de se calmer, le jeune est pris, il ne peux plus faire du mal, ils sont 10 et armés, il est tout seul, capturé, on peut éviter de continuer de le malmener de tel façon... à ce moment là le gradué qui commande s’aperçoit que je suis la seule « civile » à les avoir suivi dans le ruelle, alors il se retourne et il me prends pour un epaule et il m’abboie de m’en aller, je refuse, je veux regarder, je ne suis pas rassurée, je veux être sure que les forces de l’ordre ne brutalisent pas le jeune, ce n’est pas sur de tout qu’il lançait des cailloux..., je ne peux pas finir de parler, je suis trainée à mon tour un peu plus loin et à coup de pieds et des gifle on m’intime de desparaitre : je ne cris pas, je garde mon calme, je continue à protester, je leur signale que je suis calme et que je veux juste voir ce qui se passe pour le jeune ; on me refile une gifle et on commence à m’accuser , moi aussi, d’avoir lancé des cailloux ; ils veulent m’arreter, j’ai peux de temps pour m’en aller ou suivre le jeune dans son chemin
    je m’en vais et je regarde tous ces adultes qui ont mon age et qui ne sont pas avec les jeunes , qui ne les défendent pas, qui ont des beau slogan sur leur chemise, ils elles appartiennent aux sindic et ils elles ont eccités les jeunes mais après on les laisse seuls affronter les forces de police
    je rêve le jour où les mamans et les papas seront là pour empêcher la police de maltraiter la jeunesse
    si je n’étais pas toute seule, aujourd’hui, si nous avions été une disaine, au moins, on aurait pu éviter à ce jeune des maltraitances inutiles et parfaitement gratuites puisque la police se limitait à arreter tout ce qui passait sur son chamin sans faire attention à qui les attaquait et qui se limitait à manifester et qui passait par là, sur leur chemin

  • Le 19 octobre 2010 à 17:49, par s4f3

    Ça fait plaisir d’avoir lu ton avis sur le sujet et t’as bien raison de dire que les vrais casseurs sont les CRS-SS (pas pour rien qu’on les a appelé comme ça !).

    Quand tu vois qu’un abri-bus a plus de valeur qu’une vie humaine, on es en mesure de se poser la question de la légitimité de la révolte sur les forces de l’ordre...

    ce n’est que mon avis !

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