Edito Z9
Une maison sur la colline de Jolimont, à deux pas de l’Observatoire de Toulouse, où logeaient autrefois les savants occupés à scruter les étoiles dans le ciel.
Au début de l’ère numérique, l’Observatoire s’est fait voler la vedette par une kyrielle de satellites.Désertée par les astronomes, la belle maison bourgeoise baptisée l’Obs est habitée par une joyeuse bande de squatteuses féministes qui ont accueilli les rédacteurs de Z, en majorité rédactrices d’ailleurs, et même leurs bébés.
Dans la ville comme dans la science, les ingénieurs ont pris le pas sur les astronomes. À l’heure du déjeuner, ils se transforment en joggeurs fous qui remontent la rue devant la maison de l’Obs, transpirants, haletants, en vêtements fluo. Entre deux footings, ils cherchent. Car si l’époque a des problèmes, les scientifiques ont des solutions.
Dans les labos toulousains s’inventent des robots pour tenir compagnie aux personnes âgées, d’autres pour entretenir les champs de maïs, des implants pour faire entendre les Sourds et des capteurs pour connaître le flux d’une rivière en temps réel. Étrange comme les univers de la science-fiction deviennent réalité sous nos yeux, année après année, sans que personne ne semble particulièrement l’avoir voulu. Et alors même que la mise en œuvre de toutes ces idées nécessite toujours plus de ressources naturelles, d’usines et d’énergie, tout en ne cessant d’augmenter la quantité de marchandises en circulation, c’est sur l’innovation technologique que mise la prochaine conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), organisée en France.
Ceux qui créent le désastre – au hasard, Renault, Air France, LVMH ou Suez Environnement, parmi les partenaires officiels de la COP21 – sont missionnés pour résoudre l’équation impossible de la croissance « soutenable ». La politique est engloutie sous la quincaillerie qui prétend sauver le monde et réduire les inégalités sociales et qui, globalement, fait l’inverse tout en se faisant appeler progrès. Mais, autant que ces entreprises prédatrices et leurs profits insolents, ce qui nous met aujourd’hui directement en danger, c’est cette croyance si partagée que la technologie pourrait résoudre le problème par elle-même. La foi dans la promesse sans cesse renouvelée de lendemains qui chantent, malgré les dégâts des étapes précédentes.
Nous sommes allés rencontrer les gens derrière ce mirage : ceux qui imaginent les nouvelles trouvailles, celles et ceux qui sont censés les utiliser ou qui triment dans l’ombre pour les fabriquer.
Pour nous, entre deux entretiens, vient la quête de la prise où brancher les ordinateurs portables, ces machines affamées de courant que nous trimballons sans cesse. Comme d’autres, nous cherchons à limiter l’emprise des nouvelles technologies sur nos vies – et nous n’y arrivons qu’à moitié. Raison de plus pour ne pas nous laisser déposséder de nos choix, dans les couloirs des labos toulousains comme au grand spectacle des sommets internationaux. À Toulouse, sur les routes du Tarn et jusqu’à Bangalore et San Francisco, nombreux sont les lieux où s’inventent d’autres rapports à la technique, qui pourraient venir casser la morne hégémonie de la technopole.
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