La salle est comble, étonnamment toutes les places assises sont occupées par une promotion de l’école de lieutenants de police. Dans le public également quelques Renseignements Généraux. La trentaine de personnes venues soutenir Audrey et Césari est debout en fond de la salle.
Les accusés entrent dans le box. Césari qui est Polonais, est assisté par une interprète. Tous les deux sont défendus par l’avocate Marie-Noëlle Fréry. Comme il s’agit de comparutions immédiates, les accusés doivent d’abord choisir s’ils veulent être jugés tout de suite ou s’ils veulent un report de séance afin de préparer leur défense. Ils optent pour le report et le tribunal, présidé par le Juge Péju doit donc décider si d’ici le procès il les place en détention provisoire.
Pour cela, il commence par questionner Audrey et Césari sur leur train de vie : logement, travail, vie privée... « Vous habitez donc dans un sac ? Euh un squatt ? ». La salle pouffe devant le lapsus, le président très fort en la matière nous avait déjà offert un « dans le cadre de cet amphet’ » (au lieu d’enquête), lors du précédent procès. Audrey précise, qu’ils habitent dans cette maison depuis plusieurs mois, qu’ils payent leur facture de gaz et d’électricité, que le propriétaire n’a jamais demandé d’expulsion et que c’est avant tout un logement.
Le fait qu’ Audrey soit en CDD alors que Césari lui alterne les petits boulots fait dire au juge qu’ « Audrey survient à vos besoins » ce qui sera rectifié par les accusés. De plus il insiste quelque minutes pour savoir quel est le niveau de Césari en langue française (comme si ça pouvait jouer dans le poids de la condamnation). On passe sur les questions d’ordre privé infligées aux prévenus.
Péju énonce alors les faits : les prévenus sont accusés d’avoir mardi 8 mai à 20h30, cassé la vitrine de la permence UMP de Villeurbanne, d’avoir balancé des cocktails Molotov à l’intérieur, qu’ont filmé la scène un témoin ainsi que la vidéo surveillance d’une synagogue voisine. Audrey aurait cassé un peu plus la vitrine déjà cassée et Césari aurait lancé deux incendaires. Il rappelle que le tribunal ne peut aborder le fond aujourd’hui mais quand même il s’interroge et il voudrait « un minimum d’explication ».
« En aucun cas on a voulu, blessé, tué quelqu’un, c’était démesuré » précise Audrey. Césari tiendra les même propos. Péju continue : « je vois bien des motivations politiques ce qui amène à se poser des questions sur votre conception de la démocratie » surtout qu’il faut « attendre de voir ce que va faire un gouvernement ».
Audrey réplique que Sarkozy est déjà gouvernant depuis cinq ans et qu’elle voit au quotidien les personnes les plus démunies subir les effets de sa politique, les enfants expulsés, les personnes à la rue...
L’avocate de l’UMP qui s’est portée partie civile mais dont aucun représentant n’a fait le déplacement, se demande comment « avec un tel cursus (en parlant d’Audrey qui a eu le bac) on peut en arriver à de tels actes ». En gros, plus on va loin dans l’éducation nationale, plus on devrait être servile... L’UMP réclame 17 000 euros de dommages et intérêts !
Le procureur qui rappelle son rôle de « représentant des intérets de la société et la société est mise en danger par ces deux personnes », pour cet acte, Audrey et Césari risquent jusqu’ à 10 ans de prison ferme. Il en profite pour donner le barême : 15 ans avec un blessé léger, 20 ans avec un blessé grave. Il défend la thèse selon laquelle cet acte était « préparé, organisé, prémédité et dangereux (..) pour les remords c’est un peu tard ». Et c’est avec des arguments tel « un feu on sait où ça commence mais on ne sait jamais où ça se termine » qu’il demande le maintien en détention.
L’avocate de la défense essaie de recontextualiser l’incendie. « Cette jeunesse a vécu un véritable choc, elle a manifesté depuis dimanche soir, n’a pas dormi pendant 48 heures, ils ont reçu un coup de massue ». Ce choc alourdi par les peines de prisons qui sont tombées suite aux manifestations. Elle fait aussi un parallèle avec les étudiants de Lyon 2, menacés d’expulsion de la fac pour s’être opposés aux dérives sécuritaires du campus. « Il s’agit d’un coup de colère » conclut elle.
Elle essaie de faire comprendre au juge qu’Audrey aide au quotidien les familles mal logées, sans papiers, que son engagement politique sur le terrain n’est pas nouveau, qu’il ne s’est jamais traduit par la violence et que l’action reprochée n’est qu’une erreur (de 1 minute 30) sur un beau parcours (de plusieurs années, son casier judiciaire est vide). « c’est un coup de colère ». Audrey a proposé de dédommager les « victimes » dès sa garde à vue, elle a émit des regrets. L’avocate termine en précisant qu’on voit l’accusée sur la vidéo vérifier que le local est vide.
Une belle plaidoirie pour Audrey, malheureusement peut être aux dépens de Césari pour qui selon l’avocate « la situation est plus délicate, il a l’impression d’être le responsable ». Mais lui aussi regrette. Elle demande donc pour les deux accusés, de les remettre en liberté d’ici le procès avec « un contrôle judiciaire le plus dur ».
Après 10 minutes de délibération et « vue la gravité des faits », le tribunal prononce le maintien en détention jusqu’au procès qui se tiendra le 14 Juin 2007.
Les personnes venues soutenir les inculpés sortent le visage crispé, à la sortie de la chambre. Une dizaine de CRS et 3 caméras de télévision les regardent passer.
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